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Par LePoint.fr le - Publié le | Le Point.fr
VIDÉO. Google rend hommage, ce mardi, à l'écrivain René Maran, né le 5 novembre 1887, dont le premier roman fit scandale après avoir été récompensé.
Son premier roman, Batouala, aura été le bon. René Maran, né il y a 132 ans jour pour jour, en 1887, à bord d'un bateau qui conduisait ses parents guyanais à Fort-de-France, a marqué le petit monde littéraire du début du siècle dernier dès les balbutiements de sa carrière. En 1921, à seulement 34 ans, il devient le premier écrivain noir à obtenir le prestigieux prix Goncourt. À la parution de la nouvelle, celle-ci fait l'effet d'une bombe dans la France des années folles. Dans Le Petit Parisien, comme nous le rappelle La 1ère, l'accueil réservé à l'annonce de la victoire de René Maran est sans équivoque : « M. René Maran, administrateur colonial, domicilié à Fort-Archambault, à deux journées de marche du lac Tchad, au milieu de Noirs qui lui ressemblent comme des frères, a reçu hier le prix Goncourt. (….) Depuis l'année 1903, époque où fut décerné le premier prix Goncourt, c'est la première fois que les Noirs jouent et gagnent. (…) sa qualité de nègre (…) a séduit les dix de l'Académie Goncourt épris de couleur et d'étrangeté. »
D'autant que René Maran, administrateur colonial d'outre-mer en Oubangui-Chari (aujourd'hui la Centrafrique), a été le témoin des conditions de vie déplorables des peuples colonisés, de la famine, de la vente des femmes et du comportement indécent des colons. René Maran dénonce, dans la préface de Batouala, les rapports conflictuels entre les Noirs et les Blancs, qu'il interpelle ainsi : « Civilisation, civilisation, orgueil des Européens, et leur charnier d'innocents. Tu bâtis ton royaume sur des cadavres. (…) Tu es la force qui prime sur le droit. Tu n'es pas un flambeau, mais un incendie. Tout ce que tu touches, tu le consumes. » Il devra démissionner, sans trop de peine, de l'administration coloniale et son livre sera interdit de publication en Afrique.
« Quelle que soit sa couleur, l'homme est toujours homme »
Batouala raconte la vie d'un grand chef du pays des Bandas, en Centrafrique, qui s'inquiète notamment de l'enrôlement de soldats noirs au sein de l'armée française, dans un conflit absurde entre Européens, entre « Blancs frandjés » et « Blancs zalémans ». René Maran décrit sans manichéisme la cruauté et la méchanceté des colons, comme les vices des tribus africaines, car, pour lui, nous rappelle L'Express, « l'homme, quelle que soit sa couleur, est toujours homme ».
Journaliste à la radio, René Maran explique un jour à l'antenne : « Quand j'ai écrit Batouala, j'ai voulu montrer l'Afrique telle que je la voyais. On a contesté avec âpreté et méchanceté tout ce que j'avais dit et, pour démontrer que je m'étais trompé, on a étudié ce que j'avais vu. On a été obligé de dire que je disais la vérité. Batouala montre l'Afrique du temps des Européens. » Acteur dès ses débuts du combat contre le colonialisme, René Maran est rapidement considéré comme un auteur de référence par ses confrères Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor ou Birago Diop, qui font de lui la source de la négritude, vis-à-vis de laquelle René Maran a pourtant toujours émis des réserves.
Pour le journaliste Christian Éboulé, interrogé par France Inter, ces auteurs « doivent tout à René Maran du point de vue de la négritude. D'ailleurs, ils n'ont cessé de le citer comme référence, tous sans exception. René Maran était pour eux une référence et, surtout, un précurseur de la négritude ». René Maran avouait pourtant « qu'il comprenait mal la notion de négritude », explique la critique belge Lilyan Kesteloot, il avait tendance à y voir un racisme plus qu'une nouvelle forme d'humanisme. Il se voulait, par-dessus tout et avec obstination « un homme pareil aux autres ». René Maran meurt à Paris en 1960, dans un relatif anonymat, son premier roman, couronné du prix Goncourt, ayant, après le scandale, éclairé de nombreuses pensées du XXe siècle.
Qui était René Maran, le premier écrivain noir à recevoir le prix Goncourt en 1921 ?
https://la1ere.francetvinfo.fr Cécile Baquey • Publié le 4 novembre 2019 à 08h00, mis à jour le 4 novembre 2019 à 10h33
Quatre auteurs sont en lice pour obtenir le prestigieux prix Goncourt remis ce lundi 4 novembre 2019. Aucun ne déclenchera le scandale qu’a provoqué le Guyanais René Maran avec son roman "Batouala" en 1921. Retour sur cet événement qui a bouleversé la vie de René Maran.
Quand "Batouala" remporte le prix Goncourt en 1921, la nouvelle fait l’effet d’une bombe. Pour la première fois de son histoire, l’académie récompense un écrivain noir, René Maran. Qui était cet homme jusque-là inconnu des cercles littéraires parisiens ?
De Fort-de-France à Bordeaux
René Maran a grandi à Bordeaux. C’est là que lui est venue la passion de la poésie. Dès la 6e, raconte-t-il dans une émission radiophonique, il aimait écrire et s’amusait à interpréter à sa manière "La chanson de Roland".
Né le 5 novembre 1887 sur le bateau qui mène ses parents guyanais à Fort-de-France, il est envoyé très jeune à Bordeaux. Dès six ans, il est admis au pensionnat du lycée de Talence. Il ne voyait ses parents que tous les trois ans.
Au lycée Montaigne de Bordeaux où il poursuit ses études, il noue une amitié indéfectible avec son compatriote Félix Eboué. Grand sportif, il apprécie le rugby et l’escrime. En 1909, il commence à écrire dans une revue lilloise d'art et de littérature : le Beffroi.
L'administration coloniale
Son père haut-fonctionnaire le pousse dans les bras de l’administration coloniale. "Pour lui c’était une très belle administration, confiera plus tard René Maran, mais pas pour moi". En 1912, il devient administrateur d’Outre-mer en Oubangui-Chari.
C’est là qu’il commence l’écriture de "Batouala", du nom d’un grand chef du pays banda (République centrafricaine). Interviewé à la radio en 1962, René Maran explique sa démarche :
"Quand j’écris "Batouala", j’ai voulu montrer l’Afrique telle que je la voyais. On a contesté avec âpreté et méchanceté tout ce que j’avais dit et pour démontrer que je m’étais trompé, on a étudié ce que j’avais vu. On a été obligé de dire que je disais la vérité. "Batouala" montre l’Afrique du temps des Européens".
Scandale du Goncourt de 1921
On a du mal à imaginer le scandale qu’a pu provoquer ce prix Goncourt. Pour s’en faire une idée, il suffit de lire Le Petit parisien. Ce journal très conservateur entre les deux guerres, mais aussi très populaire, livre ainsi la nouvelle à ses lecteurs le 15 décembre 1921 :
M. René Maran, administrateur colonial, domicilié à fort Archambault, à deux journées de marche du lac Tchad, au milieu de noirs qui lui ressemblent comme des frères, a reçu hier le prix Goncourt (….) Depuis l’année 1903 , époque où fut décerné le premier prix Goncourt, c’est la première fois que les noirs jouent et gagnent » (…) sa qualité de nègre (…) a séduit les Dix de l’Académie Goncourt épris de couleur et d’étrangeté ».
Cet article d’un racisme consternant nous apprend que René Maran n’a pas déposé lui-même son roman à l’académie Goncourt. C’est un ami, Manoël Gahisto qui l’a fait pour lui. L'écrivain a ensuite abandonné sa carrière dans l'administration coloniale sans beaucoup de regrets.
L’œuvre de René Maran a inspiré de nombreux écrivains. Grâce au travail du Guyanais dénonçant les dérives du système colonial français, André Gide dans "Voyage au Congo" (1927) puis Albert Londres dans "Terres d’ébène" (1929) sont parvenus au même constat que le prix Goncourt.
André Maran est aussi considéré par Aimé Césaire, Léon Gontran-Damas et Léopold Sédar Senghor comme le précurseur du mouvement de la négritude. L’écrivain est mort à Paris le 9 mai 1960.
René Maran premier écrivain noir à recevoir le Goncourt en 1921
By La redaction de Mondafrique 6 novembre 2019
Google met en valeur, le mardi 5 octobre 2019, l’écrivain René Maran qui avait reçu en 1921 le prix Goncourt pour son roman « Batouala » qui se déroule dans l’ancien Oubangui-Chari, l’actuelle Centrafrique.
René Maran faisait partie des administrateurs français détaché en Oubangui-Chari, alors aux mains de sociétés concessionnaires coloniales qui ont durablement marqué le pays et ses habitants chez qui on retrouve encore aujourd’hui un traumatisme. René Maran était originaire de Guyane comme son ami Félix Eboué. Il est à noter qu’outre André Gide qui avait dénoncé la colonisation et l’exploitation humaine dans ce pays, un autre écrivain ayant résidé en Centrafrique avait été mis à l’honneur avec le prix Goncourt. En 1964, Georges Conchon fut couronné pour son ouvrage » L’État sauvage ». Les dures réalités de ce pays et les tourments de sa population répondent encore à ce titre évocateur.
Né sur un bateau alors que ses parents quittaient la Guyane pour la Martinique en 1887, René Maran est arrivé en métropole à l’âge de sept ans – ses parents, partis au Gabon, l’avaient envoyé à Bordeaux – et a commencé à écrire assez jeune, aux alentours de 16 ans. Au lycée Michel de Montaigne, il a notamment fait la rencontre de Félix Eboué, administrateur colonial et futur résistant. Rapidement, sa carrière l’a poussé à quitter la France, qu’il a finalement retrouvée plus tard, pour rejoindre l’Afrique et plus précisément l’Oubangui-Chari, future Centrafrique. Dans cette colonie française, il est devenu administrateur d’outre-mer, et c’est surtout là-bas qu’il a trouvé la source d’inspiration pour écrire son premier roman – le plus célèbre -, « Batouala ».