Des Casques bleus de la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca) se sont déployés dans une localité du sud-est du pays, où des affrontements ces derniers jours entre groupes armés ont fait un nombre encore indéterminé de victimes, indique la Minusca dans un communiqué.
“Des Casques bleus de la Force ont commencé à prendre position dans Pombolo pour évaluer la situation et y répondre correctement”, écrit la Minusca dans ce communiqué publié jeudi soir.
“Jusqu‘à ce jour, selon le communiqué, la Minusca ne disposait d’aucun soldat de la paix dans cette localité”, petite ville de la préfecture de la Basse-Kotto (centre-est). Les militaires onusiens “vont vérifier les informations qui font état de violences qui auraient fait plusieurs victimes innocentes”.
Peuplée en majorité de Peuls, Pombolo est située à proximité de Kembé, où des violences similaires ont eu lieu la semaine dernière.
Située entre les villes d’Alindao et Bangassou, cette région est le théâtre depuis mai de violences récurrentes entre groupes anti-Balaka (milices à majorité chrétiennes), et l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC, un groupe armé peul issu de l’ex-Séléka à dominante musulmane). Ces violences ont fait des dizaines de morts parmi les civils.
A Bangui, des commerçants ont annoncé une “journée de deuil” ce vendredi dans le quartier commercial du PK5, à dominante musulmane, en solidarité avec les victimes de ces dernières violences.
Vendredi dernier, de nombreux magasins de gros, boutiques, échoppes et quincailleries du PK5 étaient déjà restés fermés en signe de deuil au PK5, considéré comme le poumon économique de la capitale centrafricaine.
Un cri d’alarme face au chaos en Centrafrique
https://www.la-croix.com Laurent Larcher , le 20/10/2017 à 6h00
Plusieurs ONG réunies hier à Paris se sont alarmées du regain de violence en Centrafrique, « un pays qui s’enfonce » dans une « crise majeure ».
De nouvelles violences ont éclaté mercredi dans le sud-est de la Centrafrique, entre Alindao et Bangassou, qui « auraient coûté la vie à de nombreux civils », selon l’ONU. Une illustration supplémentaire de la détérioration continue de la situation dans un pays plongé dans le « chaos ». Le terme émane d’un collectif d’ONG – Acted, Action contre la faim (ACF), Handicap international, Médecins du monde, Première urgence internationale, Solidarités international – qui a appelé, hier à Paris, « la communauté internationale à se mobiliser pour cette crise oubliée ».
Fin septembre, d’autres organisations s’étaient déjà réunies à Paris, cette fois à l’invitation du Secours catholique pour mutualiser leurs compétences sur la crise centrafricaine : ATD Quart Monde, la DCC, Foi et Justice, Crisis Action, les Spiritains, les Apprentis d’Auteuil et l’observatoire Pharos. Sur le plan humanitaire, il y a urgence. « Au premier semestre 2017, 215 000 nouveaux déplacés ont fui les violences, constate Hélène Quéau, directrice des opérations de Première urgence internationale. Deux Centrafricains sur trois n’ont pas accès aux soins de base. Nos équipes sont visées aussi par les violences : on a enregistré 232 incidents touchant les humanitaires, depuis le début de l’année ».
« Notre volonté est d’attirer l’attention sur la crise centrafricaine. Nous sommes très inquiets par ce qui s’y passe. Or, plus personne ne parle de ce pays », ajoute Isabelle Robin, d’ACF. De fait, près de deux ans après le voyage du pape François à Bangui, la désagrégation du pays se poursuit sous les yeux impuissants de la communauté internationale. Les épisodes sanglants se multiplient depuis le printemps. Dernières en date, ces violences « d’une grande ampleur » mercredi à Pombolo (sud du pays), selon la Minusca.
La semaine précédente, deux groupes armés se sont affrontés plusieurs jours à Kembé (Basse-Kotto, sud). La mosquée où s’étaient réfugiés de nombreux musulmans avait été attaquée, faisant plusieurs morts. Au même moment, les habitants de Zemio (Haut-Mbomou, sud-est) fuyaient les combats entre deux autres milices. Fin septembre, c’est Bocaranga (Ouham-Pendé, nord-ouest) qui a été mise à sac par une milice avant d’être reprise militairement par les contingents rwandais et portugais des casques bleus, les seuls sur les 10 000 soldats de la mission à être salués pour leur savoir-faire…
En juillet, le nombre de déplacés dépassait les 600 000, soit une augmentation de près de 50 % par rapport à janvier, selon l’ONU. Les réfugiés rentrés dans l’ouest du pays sont repartis. Plus de 500 000 Centrafricains ont fui notamment au Cameroun, au Tchad et en RDC où plus de 85 000 ont franchi la frontière entre la mi-mai et la fin août.
L’accès aux victimes se complique. « Trois zones nous sont fermées : Zemio, Bossangoa et Bocaranga, regrette Hélène Quéau. Pour le reste, les routes sont dangereuses, les attaques fréquentes et la protection insuffisante. Pour des raisons de sécurité, nous sommes dans l’incapacité d’acheminer 35 % de nos stocks d’aide humanitaire entreposés à Bangui. »
Que faire ? À travers son appel, le collectif d’ONG espère attirer l’attention et pousser l’ONU à s’engager plus efficacement en RCA, d’autant que le mandat de la Minusca arrive à échéance en novembre. « On souhaite un mandat plus robuste et vraiment tourné vers la sécurité des civils », souligne Hélène Quéau. Un avis que partage le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, attendu la semaine prochaine à Bangui et qui a recommandé mardi un renfort de 900 casques bleus, dans un rapport transmis au Conseil de sécurité. Ces renforts « ne permettront pas de manière réaliste à la Minusca de protéger tous les civils à travers le pays », a-t-il reconnu, mais « ils donneront à la force une plus grande flexibilité pour être déployée rapidement en cas de menace contre les civils dans des zones géographiques prioritaires », notamment le centre et le sud-est du pays.
Laurent Larcher