Le 31 mars dernier, l'ONU avait rendu publiques de nouveaux soupçons faisant état de dérives extrêmes. En 2014, des soldats français de Sangaris auraient forcé des jeunes filles à avoir des rapports sexuels avec des animaux en échange d'argent. 108 victimes présumées ont été interrogées par des responsables. Il s'agissait "en grande majorité" de mineurs, selon Stéphane Dujarric, porte-parole de l'ONU. Les allégations visaient aussi les contingents burundais et gabonais de la mission des Nations unies.
D'après l'ONG AIDS-Free World, trois jeunes filles ont affirmé qu'elles avaient été déshabillées et attachées par un militaire de Sangaris, puis forcées d'avoir des relations sexuelles avec un chien. Chacune aurait ensuite reçu de l'argent. Ces faits "n'ont pas été confirmés", indique l'ONU. Le signalement de l'enquête préliminaire ouverte le 1er avril ne précise ni le nombre de victimes, ni leur âge, ni le nombre de militaires impliqués.
Viols en Centrafrique : le parquet de Paris ouvre une enquête
SOURCE AFP 05/04/2016 à 13:05 - Modifié le | Le Point.fr
"Notre volonté est que la vérité puisse être établie, que la justice puisse être saisie, et rendre des sanctions exemplaires", avait déclaré François Hollande.
La justice française a ouvert une troisième enquête après la révélation par l'ONU de nouveaux soupçons d'abus sexuels visant des soldats de Sangaris, la force française en Centrafrique. Le parquet de Paris a reçu, via le ministère de la Défense français, une note sur des soupçons d'exploitation et d'abus sexuels impliquant des militaires français, de 2013 à 2015 à Dékoa (Est). Ce signalement ne donne pas de précision sur le nombre de victimes, leur âge, ou le nombre de militaires impliqués, a expliqué une source judiciaire. L'enquête, ouverte vendredi, est confiée à la gendarmerie prévôtale, chargée d'enquêter sur les crimes et délits commis par des militaires français lors d'opérations extérieures.
Les révélations de l'ONU la semaine dernière ont « profondément choqué » son secrétaire général Ban Ki-moon : des soldats français de Sangaris auraient forcé en 2014 des jeunes filles à avoir des rapports sexuels avec des animaux, en échange d'une somme d'argent, selon des informations recueillies par les Nations unies.
Des responsables de l'ONU ont pu interroger 108 victimes présumées d'abus sexuels, en « grande majorité » des mineures, a indiqué la semaine dernière Stéphane Dujarric, le porte-parole de l'ONU. Outre la France, la centaine d'allégations concerne les contingents burundais et gabonais de la mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca), présents dans la région de Kémo, entre 2013 et 2015.
Parole contre parole
La force Sangaris en Centrafrique se retrouve de nouveau dans le viseur. Deux enquêtes sont déjà ouvertes en France : une information judiciaire confiée à un juge d'instruction et une enquête préliminaire du parquet de Paris doivent permettre de faire la lumière d'accusations de viols portées par des mineurs centrafricains contre des soldats de Sangaris. À ce stade, cinq d'entre eux ont été entendus, et aucun n'a été mis en examen.
Ils ont indiqué avoir donné des rations alimentaires à des enfants, mais ont réfuté avoir demandé quoi que ce soit en retour et nié tout abus sexuel, selon une source proche du dossier. Les investigations n'ont pour l'instant pas permis de trancher ce parole contre parole. Les déclarations des enfants ont varié et le nombre de plaignants a augmenté, a par ailleurs indiqué cette source.
La France a envoyé sa force Sangaris en Centrafrique en décembre 2013 pour endiguer les massacres intracommunautaires. Ils ne sont pas membres des Casques bleus, mais le Conseil de sécurité onusien les a chargés d'aider au rétablissement de la paix. L'opération, qui a compté jusqu'à 2 500 hommes au plus fort des violences, compte encore 900 soldats, et doit prendre fin cette année. Dans ce contexte précaire, plusieurs scandales d'abus sexuels mettant en cause des militaires de plusieurs pays ont éclaté.
La prostitution, un moyen de survie généralisé
Les Nations unies sont très critiquées pour leur incapacité à enrayer ce phénomène, particulièrement aigu en Centrafrique, qui connaît un niveau élevé de violences sexuelles, et en « nette augmentation » de manière générale. Le système de sanction des troupes de l'ONU est notamment montré du doigt : seuls les pays d'origine des soldats peuvent sanctionner les coupables.
Or, dans ce pays laminé par trois années de violences, où sévissent bandes armées et misère immense, la prostitution est aussi devenue un moyen de survie généralisé pour des populations vulnérables. D'après des témoignages recueillis récemment au camp de M'Poko à Bangui, de nombreuses jeunes filles acceptent des rapports sexuels avec des hommes, soldats ou pas, en échange de nourriture ou de 500 francs CFA (0,8 dollar). Viols, agressions sexuelles : à chaque fois ou presque, ils se produisent près de camps de déplacés, eux-mêmes situés à proximité de sites militaires.
Pour la première fois, le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé de s'attaquer à ce problème en adoptant avec difficulté le 11 mars une résolution qui prévoit de rapatrier des contingents entiers de Casques bleus en cas de soupçons de viols ou d'abus.