http://info.arte.tv/ 5 février 2016
Dans une série de documents publiés ce vendredi 5 février, WikiLeaks révèle comment des entreprises occidentales et chinoises se sont emparées des droits d'exploitation minière en République centrafricaine, profitant de la corruption endémique jusqu'au sommet de l'Etat et sans vraiment considérer le personnel local et les normes environnementales dans l'un des pays les plus pauvres du monde. Est notamment épinglée par l'ONG britannique, qui s'est donnée pour objectif de lutter contre le secret : l'entreprise Areva, mise en cause pour avoir renié "ses engagements juridiques, sociaux et environnementaux, sans le paiement de la moindre compensation" et pour "les conditions d'exploitation néocoloniales de ses mines".
Areva & UraMin : la bombe à retardement du nucléaire français. L'enquête d'ARTE Info, diffusée en mai 2015.
Déjà sous le coup d'une enquête judiciaire pour escroquerie suite au sulfureux rachat en 2007 de la société canadienne UraMin, qui détenait notamment le gisement centrafricain de Bakouma, le géant du nucléaire français est cette fois-ci accusé de n'avoir pas respecté ses obligations en matière de santé et de sécurité.
Mis en ligne par WikiLeaks, le rapport d'un comité composé de représentants de l'administration centrafricaine, de délégués du personnel d'Areva et d'un médecin radiologue, chargé entre autres d'évaluer les mesures de protection des travailleurs à Bakouma, détaille que "les foreurs, aides foreurs et agents de laboratoire censés être en contact avec les roches minéralisées en uranium ne disposaient d’aucun moyen de protection et n’étaient pas sensibilisés sur les mesures de radioprotection". Pour appuyer ses propos, le comité précise que "les activités du laboratoire, axées sur le traitement des carottes à travers des séries de manipulation, se faisaient à mains nues et sans aucune protection" et que les employés locaux "ne disposaient pas tous de dosimètre individuel alors qu’ils étaient exposés [aux radiations] pendant toute la durée de leurs activités".
Surtout, le comité centrafricain reproche à la société française de lui mettre des bâtons dans les roues, en dissimulant "des données indispensables" à son enquête : "Areva a procédé volontairement au formatage des disques durs de tous les ordinateurs sur le site, au verrouillage du serveur et a emporté toute la documentation existante avant l’arrivée du comité sur le site", soulignant aussi que "les demandes des dossiers de suivi médical et dosimétrique du personnel sont demeurées sans réponses".
En 2014, dans le cadre du webdocumentaire d'ARTE Info "Areva & UraMin : la bombe à retardement du nucléaire français", une équipe de télévision s'est rendue pour la première fois à Bakouma. Ce site minier est aujourd’hui totalement abandonné et Areva n'en a jamais extrait un gramme d’uranium. Trahissant ses engagements, la société française a déserté l’endroit en 2012, invoquant la morosité du secteur de l'uranium suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima et le climat d'insécurité lié à la guerre civile centrafricaine.
A Bakouma, les habitants ont vu, après le départ d'Areva, leur rêve de développement économique anéanti et un cauchemar se profiler, car la population locale est exposée à une possible contamination radioactive.
Areva accusé par WikiLeaks de négligences en Centrafrique, le groupe conteste
Paris (awp/afp) AWP / 05.02.2016 15h47- Areva a négligé la santé de ses salariés travaillant sur le gisement d'uranium de Bakouma, en Centrafrique, ainsi que la réhabilitation du site après son retrait du pays, selon un document révélé par WikiLeaks, dont le contenu est cependant contesté par le groupe nucléaire français.
"Les foreurs, aides foreurs et agents de laboratoire qui sont censés être en contact avec les roches minéralisées en uranium ne disposaient d'aucun moyen de protection ni n'étaient sensibilisés sur les mesures de radioprotection pendant leurs activités", selon ce rapport non daté d'un comité de suivi centrafricain publié vendredi par Le Monde et France Inter.
Areva avait quitté la République centrafricaine (RCA) en 2012, invoquant un climat d'insécurité à la suite de l'attaque de sa mine en juin et la morosité du marché mondial de l'uranium après la catastrophe de Fukushima, au Japon.
"Nous rappelons très clairement et très fermement que les employés du site avaient des tenues de travail adaptées, et bénéficiaient de sensibilisations régulières aux enjeux de sécurité au travail et de radioprotection", a réagi un porte-parole du groupe, interrogé par l'AFP.
Il n'y a jamais eu d'exploitation minière en tant que telle du gisement de Bakouma, mais des travaux d'exploration et de préparation pour une mine à ciel ouvert. Le site avait été acquis par Areva en même temps que des mines en Afrique du Sud et en Namibie à l'occasion du rachat à prix d'or par le groupe français de la société minière canadienne Uramin.
Cette opération, conclue pour 2,5 milliards de dollars (1,8 milliard d'euros à l'époque), a tourné au fiasco financier et fait actuellement l'objet d'une enquête par la justice française, qui soupçonne une escroquerie.
Le comité de suivi déplore aussi dans le rapport qu'Areva ait négligé la réhabilitation du site après son départ et que le groupe ait fait obstruction à ses travaux en dissimulant ou détruisant des données.
En ce qui concerne la réhabilitation des lieux, "Areva s'est acquittée de toutes ses obligations en la matière", a rétorqué le porte-parole du groupe.
"Aujourd'hui, Areva est toujours titulaire des permis d'exploitation (...) mais n'est cependant plus +responsable+ du site de Bakouma dont il n'a plus la garde matérielle compte tenu de l'état de +force majeure+ notifié aux autorités centrafricaines au printemps 2013 et qui prévaut toujours" dans un contexte de guerre civile, a-t-il ajouté.