http://observers.france24.com 19/12/2014
Boy-Rabe est un quartier de Bangui qui s'est retrouvé au centre de la crise centrafricaine. Ravagé par des pillages et des exactions pendant une année, il reprend désormais espoir avec le lancement d’un grand chantier, synonyme d’emploi pour une jeunesse désœuvrée, attirée par les groupes armés.
Le quartier de Boy-Rabe, situé dans le quatrième arrondissement dans le nord de Bangui, est devenu tristement célèbre en avril 2013. Réputé pour être un fief de militaires pro-François Bozizé, l’ancien président centrafricain, il a été la cible de pillages et d’exactions de la Séléka, coalition musulmane à l’origine d’un coup d’État fin mars 2013.
En décembre 2013, Boy-Rabe a également été la porte d’entrée des anti-balaka, milices rurales majoritairement chrétienne venues combattre la Séléka. Une offensive qui a entraîné un bain de sang à Bangui pendant 48 heures et précipité l’intervention des forces internationales. Depuis, Boy-Rabe est fortement associé aux anti-balaka et a une réputation de quartier instable. Des opérations militaires des forces internationales ont régulièrement lieu pour y traquer des responsables anti-balaka à l’origine de troubles sporadiques.
C’est dans ce contexte, et contre toute attente, que Boy-Rabe a été choisi par les autorités de la transition centrafricaine pour accueillir la construction d’un centre culturel. Équipé d’un terrain de football, de salles omnisports, d’une bibliothèque ou de salles de spectacle, le centre financé par les Nations unies coûtera 200 millions de francs CFA (300 000 euros). Le chantier doit durer entre six mois et un an.
"Boy-Rabe est le pestiféré de Bangui, nous voulons changer cette vision sur notre quartier"
Cyr Dertin est un ancien joueur de football professionnel. Il est président de la jeunesse du 4e arrondissement de Bangui, là où le centre socio-culturel doit être construit. Il habite Boy-Rabe.
Quand Boy-Rabe a été choisi pour la construction, nous avons exulté, car c’est un signe très fort. Notre quartier est le pestiféré de Bangui depuis un an, certaines personnes n’osaient même plus y mettre les pieds disant que c’était le quartier des anti-balaka, que nous ne voulions pas la paix.
Nous sommes fatigués d’entendre ça sur notre quartier. À Boy-Rabe, il y a 120 000 habitants. Ce n’est qu’une minorité qui s’est révoltée et a saccagé, pillé [en décembre 2013 ndlr] et jeté le discrédit sur tout un arrondissement. J’ai moi-même été victime de pillage, j’ai des proches qui sont morts dans les heurts. C’est très dur, mais il faut laisser tout ça derrière, et reconstruire ensemble.
"Près d'un jeune sur deux est au chômage à Boy-Rabe, ce projet est une chance pour eux"
Boy-Rabe est un quartier où les jeunes sont majoritaires [54 % de la population a entre 12 et 35 ans selon la municipalité ndlr] et près de la moitié ne travaille pas. Ce chantier permettra de créer 500 emplois. Nous allons les répartir également entre des jeunes issus des 29 quartiers de l’arrondissement, de façon égale pour ne pas créer de frustrations. Même le comité de pilotage du projet est mixte, composé de chrétiens, de musulmans, et d’habitants des quartiers du quatrième arrondissement.
Sur le chantier, des femmes ont également été associées et ont commencé le travail de déblaiement de la zone avant la pose de la première pierre.
"Nous allons associer à ce chantier les jeunes proches des anti-balaka ou de la Séléka pour leur montrer qu’il y a d’autres voies"
Les jeunes qui sont au chômage depuis longtemps auront la priorité. Nous regarderons particulièrement les cas de jeunes qui sont proches des anti-balaka ou de l’ex-Séléka et qui ont la volonté de travailler et de s’en sortir. [Les deux groupes font régulièrement appel à des jeunes désœuvrés pour racketter dans des quartiers de Bangui où ils sont influents, ndlr].
Si on peut les associer à ce chantier, leur montrer qu’il y a d’autres voies et les éloigner du banditisme, on aura gagné notre pari. [Le projet prévoit une aide à la reprise d’activité qui sera versée aux employés du chantier après la fin de la construction du centre culturel, ndlr].
Lundi [15 décembre], la première pierre du centre culturel a été posée en présence de ministres et de représentants des Nations unies. Pour une fois, la population centrafricaine s’est réunie à Boy-Rabe, sans aucun heurt. Il y a un an, ça aurait été impossible. Donc bientôt, on espère que toute la jeunesse de Bangui viendra dans ce centre pour célébrer le renouveau de Boy-Rabe.