Le carnet de Colette Braeckman
http://blog.lesoir.be/ 12 août 2014
Contre l’avis de la communauté internationale, qui redoute son manque d’expérience, l’ancien conseiller spécial de la présidente centrafricaine Catherine Samba-Panza a été nommé au poste de Premier Ministre à Bangui. Même si cet ancien directeur du Trésor sous François Bozize, le président déchu, est le premier musulman à occuper cette fonction, sa nomination a provoqué le mécontentement des ex-rebelles de la Seleka, qui considèrent que le poste aurait dû leur revenir.
Cette nomination intervient dans un contexte tendu : la semaine dernière des affrontements entre la Seleka et la force française Sangaris ont fait une soixantaine de morts et le nord du pays, fief des rebelles musulmans, est toujours hors de portée des humanitaires. Ces derniers constatent que, sur le terrain, la situation ne fait qu’empirer : « elle est en train de virer au cauchemar » relève le directeur d’Aviation sans Frontières Belgique Christian Georlette, qui dénonce le fait que « des milliers d’enfants font l’objet d’une cruauté sans précédent : piégés dans les combats entre milices, des enfants ont été décapités et mutilés, tandis que d’autres agonisaient faute de soins. »
Dans cette situation d’extrême urgence, où les organisations humanitaires souhaiteraient pouvoir se déployer en brousse et occuper le terrain avant le début de la saison des pluies et des orages tropicaux qui rend les pistes impraticables, ASF Belgique a décidé de foncer : sur fonds propres, comptant sur la générosité de ses contributeurs privés, - de 12 à 15.000 donateurs plus un héritage - l’ONG belge, associée à ses homologues des Pays Bas et de Grande Bretagne, a envoyé en Centrafrique un appareil Cessna lui appartenant, pour une durée de cinq mois.
Sans attendre de co-financement mais espérant tout de même bénéficier de soutiens ultérieurs, du côté européen entre autres, ASF a jugé qu’il fallait répondre tout de suite aux besoins : « le Cessna 206 est l’avion de brousse par excellence, capable d’atterrir sur les pistes les plus sommaires. Alors que sur les pistes en terre, gorgées de pluie, des appareils plus lourds risquent d’ouvrir des ornières et de s’embourber, le Cessna, beaucoup plus léger, arrive à se poser sans encombre. Il nous permet d’aller là où les autres ne vont plus » explique Christian Georlette, soulignant que cet appareil complète le dispositif de transport aérien déjà sur place.
Malgré quelques difficultés bureaucratiques à l’arrivée, dues aux réticences d’ex Seleka, l’équipe d’ASF Belgique (un chef de mission et son adjoint ainsi qu’un pilote expérimenté, Hubert Decouvreur), a déjà été sollicitée par les Croix Rouges norvégienne et danoise, par Oxfam Angleterre, Save the Children et d’autres. Mais la vraie ambition d’ASF Belgique est aussi de travailler directement avec les ONG locales comme la Croix Rouge centrafricaine dont les membres ont déjà démontré leur engagement.
A plus long terme, ASF espère démontrer en Centrafrique sa capacité de gestion de projets de type humanitaire afin d’obtenir les moyens de réaliser des ambitions plus larges, comme l’acquisition d’un avion aéropropulseur dont les capacités d’action dépasseront celles du courageux petit Cessna, qui mènera des opérations dans un rayon de 350 km autour de Bangui et prépositionnera des stocks de carburant en cours de route, destinés à des opérations plus lointaines.
Partout dans le pays mais en particulier autour de Bangui, des dizaines de milliers de déplacés vivent toujours dans des camps, victimes de la malnutrition, de l’insécurité et de la persécution sur base ethnique.