Le Point.fr - Publié le 05/06/2014 à 15:22
L'auteur du roman à clé "Radioactif" raconte au Point.fr comment une source au coeur de l'affaire UraMin a nourri son récit. Révélations.
Au moment où l'affaire UraMin s'emballe - mardi dernier, les policiers ont réalisé une dizaine de perquisitions chez Areva et chez son ancienne patronne Anne Lauvergeon -, la thèse du livre Radioactif, celle d'un scandale d'État sur fond de gigantesques rétrocommissions, est désormais explorée par la justice. Le Point.fr a rencontré Vincent Crouzet, l'auteur de ce livre dérangeant.
Le Point.fr : Quel était votre objectif en écrivant ce roman à clé ?
Vincent Crouzet : Tout a commencé par une rencontre, à l'automne 2009. Par l'intermédiaire d'un ami, je suis allé voir à Londres l'un des témoins-clés de l'affaire UraMin, Saifee Durbar. Cet homme d'affaires, ancien conseiller du président centrafricain de l'époque, était l'ennemi public de la France. Il se sentait menacé et voulait dire ce qu'il savait sur ce qu'il nommait déjà un scandale d'État. L'homme, dont je connaissais la réputation, n'est pas un saint. Lors de notre premier rendez-vous, j'ai mis en doute sa version des faits.
Qu'est-ce qui vous a convaincu que Durbar disait la vérité ?
Il avait des informations précises et détenait des documents. J'ai su plus tard que l'ancien président centrafricain François Bozizé, qui s'était senti lésé dans le rachat par Areva de la mine de Bakouma, avait demandé dès 2007 à Durbar de se renseigner sur les dessous de la transaction. Ce dernier avait alors sous-traité l'enquête à une agence d'intelligence économique dirigée par un ex-policier de la Special Branch de Scotland Yard.
Pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, Saifee Durbar, qui avait à l'époque des ennuis judiciaires, vous aurait demandé de négocier avec les autorités françaises...
Il faisait l'objet d'une procédure d'extradition vers la France après avoir été condamné à trois ans de prison dans une affaire d'escroquerie. En novembre 2009, il voulait se constituer prisonnier à condition d'avoir des garanties sur sa sécurité. J'ai relayé sa demande à Paris, et à ma grande surprise, le retour a été positif. Il est vrai qu'il avait fait passer le message qu'il détenait en lieu sûr, chez son avocat, des documents compromettants sur le dossier UraMin. Au final, il n'a fait que trois mois de prison, au quartier VIP de la Santé. Un étonnant traitement de faveur pour un condamné qui s'était soustrait pendant deux ans à la justice.
Êtes-vous surpris par les remous autour de votre livre ?
Non. Ce qui m'étonne, c'est que l'affaire UraMin n'ait pas explosé plus tôt. Déjà, en 2012, la presse sud-africaine avait évoqué de manière très précise l'existence de commissions qui avaient été versées à certains dirigeants de Pretoria en marge de la transaction. Le chiffre révélé par le Mail & Guardian, 490 millions de pots-de-vin payés par Areva en contrepartie de la vente de 12 EPR à l'opérateur sud-africain, correspondait exactement au montant que m'avait donné Durbar trois ans plus tôt...
D'après nos informations, la justice s'intéresse à votre livre. Êtes-vous prêt à être entendu si un juge vous le demande ?
Si je suis convoqué par la justice, je dirai ce que je sais. Je n'ai rien à cacher.
Scandale UraMin : quel rôle Patrick Balkany a-t-il joué ?
Le Point.fr - Publié le 05/06/2014 à 12:16 - Modifié le 05/06/2014 à 15:50
Et si le maire de Levallois-Perret était un des intermédiaires dans le rachat controversé par Areva de trois mines d'uranium en Afrique ?
Par MÉLANIE DELATTRE ET CHRISTOPHE LABBÉ
Le maire de Levallois-Perret n'est pas au bout de ses ennuis. Alors que son épouse vient d'être mise en examen pour "blanchiment de fraude fiscale", Patrick Balkany apparaît dans une autre affaire médiatique : le scandale UraMin. En 2007, le géant du nucléaire Areva avait racheté pour 1,8 milliard d'euros trois mines d'uranium en Afrique qui auraient donné lieu au versement de gigantesques commissions. Une affaire entre les mains de la justice depuis que la Cour des comptes a saisi le parquet national financier sur les dessous de cette opération controversée.
Sur la piste d'un trafic d'influence
Le juge Van Ruymbeke, qui enquête sur le patrimoine du couple, a découvert un surprenant versement de 5 millions de dollars sur un compte singapourien qui pourrait le ramener à l'affaire UraMin. Officiellement, le compte retrouvé par la justice n'appartient pas à l'édile, mais à une société fiduciaire suisse, Gestrust SA, derrière laquelle se cache l'ancien chef de cabinet du maire de Levallois, Jean-Pierre Aubry. Les policiers sont convaincus que le couple d'élus est en réalité le véritable bénéficiaire du compte singapourien, qui a servi à acheter, en 2008, le splendide riad Dar Giucy de Marrakech.
D'après les informations du Point.fr, c'est un homme d'affaires belgo-congolais qui a approvisionné le compte de 5 millions de dollars. George Forrest, surnommé le "vice-roi du Katanga", est un milliardaire qui a bâti sa fortune dans les mines en Afrique. Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, c'est dans son jet privé que le maire de Levallois-Perret a sillonné le continent. C'est aussi en sa compagnie qu'il a été vu en Centrafrique, où se trouve l'une des trois mines d'uranium rachetées par Areva. Dans une interview exclusive donnée au Point, Saifee Durbar, un témoin clé, évoque le rôle joué par George Forrest et Patrick Balkany en marge de l'affaire UraMin. Saifee Durbar, businessman et conseiller de l'ancien président centrafricain François Bozizé, raconte les dessous d'une affaire qu'il qualifie de "scandale d'État"...