LE MONDE | 05.03.2014 à 11h12 |Par Cyril Bensimon
« Bozizé et ses fils jouent un rôle insupportable », estime le ministère français de la défense. Avant le déclenchement de l'opération « Sangaris », le 5 décembre 2013, diplomates et militaires français jugeaient l'implication de l'ex-président centrafricain derrière les milices anti-balaka négligeable. Celui-ci, disaient-ils, tentait tout au plus de récupérer le mouvement. Mais cette analyse a changé.
Après son renversement, en mars 2013, par les rebelles de la Séléka, François Bozizé a circulé entre le Cameroun, la France, le Kenya, l'Ouganda et le Soudan du Sud. Selon des sources concordantes, il est actuellement installé à Kampala, où il bénéficie de la bienveillance des autorités ougandaises. Le chef de l'Etat déchu a toujours nié être derrière les anti-balaka, se limitant à les considérer comme des « résistants ». Mais un enregistrement audio circulant depuis plusieurs jours sur Internet confirme ses liens avec des commandants de cette milice.
Selon des sources militaires françaises, François Bozizé et des membres de sa famille manipulent les groupes qui font la chasse aux musulmans. « Ils méritent la Cour pénale internationale », avance un haut responsable français. Le bureau du procureur de la CPI a ouvert le 7 février un examen préliminaire, étape préalable à une enquête officielle, sur les crimes commis en Centrafrique depuis septembre 2012.
GEL DES AVOIRS
Paris travaille actuellement au Conseil de sécurité de l'ONU pour geler les avoirs et à interdire de voyage huit personnalités centrafricaines, dont François Bozizé et son fils Jean-Francis, un ancien ministre de la défense qui était encore en janvier en France. Selon une source proche des services de renseignement, la famille Bozizé aurait placé au moins 156 millions d'euros sur des comptes en Suisse, au Luxembourg et dans les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey. Des fonds auraient aussi été placés en Afrique du Sud.
Un autre personnage est aussi dans le collimateur de la France : Noureddine Adam, l'ex-chef des services de renseignement du président déchu Djotodia (issu de la Séléka), considéré par Paris comme le principal acteur agissant pour une partition du pays. Après s'être réfugié au Bénin, il serait, selon une source gouvernementale française, passé au Nigeria.