La Centrafrique s’enfonce davantage dans la violence. Pendant que les anti-Balaka veulent en découdre avec les musulmans, la Séléka, elle, revendique une autonomie. Face à des ambitions aussi extrémistes qu’exagérées, la présidente de transition, Catherine Samba-Panza qui, jusque-là, était restée docile, a sifflé la fin de la récréation. En effet, elle a exprimé sa volonté d’aller en guerre contre les anti-Balaka et signifié à l’ex-Séléka que la Centrafrique ne peut être divisée. En clair, si la Séléka veut l’autonomie, qu’elle aille la chercher ailleurs.
Avec l’autorisation de l’usage de la force par l’ONU en RCA, un tournant décisif est en train de s’opérer dans ce pays
Cette fermeté de Catherine à l’endroit de ceux qui ont mis la Centrafrique sens dessus dessous, mérite d’être prise au sérieux car elle a le soutien du ministre français de la Défense, Jean Yves Le Drian, et de ses hommes de l’opération Sangaris. S’inscrira-t-elle désormais dans cette logique de fermeté sur le terrain ?
En tout cas, elle a intérêt si elle veut que son autorité soit respectée. Du reste, avec l’autorisation de l’usage de la force par l’ONU en RCA, on peut dire qu’un tournant décisif est en train de s’opérer dans ce pays. Aussi, le déploiement des forces françaises à l’Ouest du pays est également un bon signal. L’enjeu étant de sécuriser et de ramener la paix dans tout le pays et non seulement à Bangui la capitale. Mais ce travail risque d’être long car les milices continuent de commettre des exactions contre les populations civiles, notamment musulmanes.
La découverte d’un charnier, le 12 février dernier, témoigne de l’ampleur de la barbarie humaine à laquelle se livrent les milices en RCA. Et pour y mettre fin, Catherine Samba-Panza doit bien nouer le pagne car les hommes à qui elle a affaire ne sont pas des enfants de chœur. Il convient de souligner que si la RCA continue de nager dans des eaux glauques, c’est aussi en partie à cause de l’ancienne puissance coloniale.
La France doit faire une rétrospective sur le rôle qu’elle a joué en RCA depuis la nuit des temps. Si certains dirigeants centrafricains ont pu se livrer à une folie de grandeur comme Jean Bedel Bokassa qui s’était autoproclamé empereur, c’est bien grâce à la complicité de la France. La décolonisation française, disons-le sans ambages, a été très mal conduite sur le continent noir si bien que les problèmes se sont succédé de génération en génération sans que de véritables solutions aient été trouvées.
Les élites centrafricaines ont instrumentalisé les communautés religieuses qui se vouent actuellement une haine viscérale
Il est donc temps que la France prenne ses responsabilités, qu’elle s’assume entièrement car elle a une grande part de responsabilité dans les maux qui minent nombre de pays africains dont la RCA. C’est d’ailleurs tout cela aussi qui faisait dire à René Dumont, depuis les années 60, que « l’Afrique noire est mal partie ». Toutefois il faut, malheureusement, reconnaître aussi que les élites africaines sont responsables. Car, si la colonisation devait tout justifier, la Chine qui a été colonisée par le Japon ne serait pas aujourd’hui parmi les cinq puissances mondiales.
Pour le cas de la Centrafrique, beaucoup de faits incriminent ses élites. Dieu a créé la Centrafrique avec d’immenses richesses, mais aucun des dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays, n’a pu faire profiter ces richesses au peuple. Le seul désir qui guidait chacun de ces dirigeants était de conserver le pouvoir qu’ils ont du reste obtenu, pour la plupart, dans des conditions calamiteuses et de piller les ressources à leur seul profit et à celui de leur entourage.
Ce sont donc les mécontentements, les frustrations des Centrafricains, longtemps contenus, qui s’expriment violemment au grand jour aujourd’hui. Tout le mal vient de ce grand désir, de gouverner sans en avoir les capacités intellectuelles, morales et humaines.
Non contents d’avoir réduit la société civile à sa plus simple expression, ces mêmes élites centrafricaines ont instrumentalisé les communautés religieuses qui se vouent actuellement une haine viscérale. C’est ainsi que les anti-Balaka ont pour ennemis les musulmans et les ex-Séléka, les chrétiens. Ces démons de la violence qui s’en prennent aux étrangers, notamment musulmans, devraient être sanctionnés sévèrement car leurs actes vont à l’encontre de l’intégration des peuples, une valeur chère à l’Union africaine.
Dabadi ZOUMBARA
Publié le jeudi 13 février 2014
Source : Lepays.bf