Le 21 février 2014
Le retrait des rebelles de la Séléka vers le Tchad reste doublé de pillages, de meurtres et de viols, explique le Père Aurelio Gazzera, directeur de Caritas du diocèse de Bouar, à l’Aide à l’Eglise en Détresse. Il est urgent de faire superviser le retrait des rebelles par des forces de sécurité, « surtout dans les régions frontalières où la protection militaire s’impose d’urgence, pour éviter des massacres et des exactions ».
Le Carme italien raconte comment deux religieuses européennes et une volontaire ont récemment échappé de justesse au viol lorsque des membres de la Séléka ont attaqué la mission située dans la zone frontalière du Tchad. Les victimes ont demandé à rester dans l’anonymat. « L’un des rebelles ayant attaqué la mission a pointé son fusil contre la tête de l’une des religieuses et voulait l’obliger à se déshabiller. L’autre religieuse et la volontaire ont aussi subi des harcèlements sexuels », continue le Père Gazzera. La missionnaire a raconté que les rebelles s’étaient concertés entre eux s’ils devaient ligoter les femmes. Mais à la fin, les malfaiteurs se sont contentés de piller la mission. « Ils voulaient aussi obliger l’une des religieuses à monter sur leur moto. Les sœurs avaient toutes les raisons de craindre d’être enlevées », relate le directeur de Caritas. En voyant approcher les rebelles, l’une des religieuses a eu la présence d’esprit de retirer du tabernacle les hosties consacrées et de les manger pour empêcher qu’elles ne soient profanées par les rebelles.
Meurtres, dispensaires de soin détruits…
Le Père Gazzera a aussi parlé d’un massacre qui s’est déroulé le 4 février à Nzakoun, une localité également située près de la frontière avec le Tchad. 22 personnes, dont 14 femmes, y ont été tuées dans leurs maisons, de nombreuses habitations ont été incendiées et réduites en cendres. Le dispensaire a été pillé et détruit par une grenade.
Comme il ne l’a appris que maintenant, douze personnes, dont quatre femmes et quatre enfants, ont déjà été tuées le 23 janvier dernier par des rebelles de la Séléka de passage dans la localité d’Assana, également située dans la région frontalière du Tchad. Cinq autres personnes y ont été grièvement blessées. 158 maisons ont été incendiées, et ici aussi, le dispensaire a été pillé et détruit. « Ils ont aussi détruit le réfrigérateur avec les vaccins. Les gens ont fui dans la brousse et ne disposent d’aucun soin médical », déplore le missionnaire.
Souffrance des musulmans face aux actes de vengeance des anti-balaka
Mais le Père Gazzera trouve aussi qu’il est profondément « injuste » qu’aujourd’hui, ce soit la population musulmane, dont la majeure partie n’avait que faire avec la Séléka, qui souffre des actes de vengeance des anti-balaka et soit très souvent obligée de quitter le pays. « Tous les 2 500 musulmans de Bozoum se sont enfuis dans un grand convoi en direction du Tchad. Parmi eux, il y avait de nombreux amis avec lesquels nous entretenions de bonnes relations. C’est une injustice que ces gens aussi aient maintenant tout perdu. Nous avons célébré dans notre église paroissiale une messe de pénitence parce que beaucoup d’habitants non musulmans de Bozoum avaient fait éclater leur joie lorsque les musulmans ont été chassés. C’est un péché ! Pour vivre un avenir pacifique, les gens doivent comprendre qu’une injustice n’en efface nullement une autre et que nous n’avons pas le droit de nous réjouir du malheur d’autrui. »
© AED / Fr. Aurelio Gazzera
(musulmans de Bouar)