CENTRAFRIQUE : L’AVEU D’IMPUISSANCE
http://www.vosgesmatin.fr/ 17/01/2014 à 05:00
Le génocide a-t-il déjà commencé ? Le directeur des opérations humanitaires de l’Onu a révélé hier que « des atrocités sont commises de façon continue… »
La vérité sur la Centrafrique se dévoile petit à petit. Elle apparaît bien éloignée de la description rassurante faite par le gouvernement français, avant le lancement de la mission Sangaris, décrite comme une simple opération de police. La conférence donnée hier à Genève par John Ging, directeur des opérations humanitaires de l’Onu, marque un tournant. « Il y a tous les éléments que nous avons vus dans des endroits comme le Rwanda, la Bosnie, les éléments sont là pour un génocide. Cela ne fait pas de doute », a déclaré ce haut responsable onusien, de retour d’une mission en Centrafrique. « Des atrocités sont commises de façon continue », a-t-il affirmé, soulignant que « les communautés ont peur. Les gens ont peur des autres communautés ».
Une nouvelle fois, donc, l’Onu tire la sonnette d’alarme. « Les conséquences vont être dramatiques si nous n’agissons pas immédiatement », a encore indiqué John Ging, pointant l’effondrement total du pays. L’Onu exhorte la communauté internationale à fournir une aide financière majeure. Sur les 247 millions de dollars demandés en décembre, 15,5 millions seulement ont été débloqués. Cela ne suffit pas à fournir l’eau potable et la nourriture aux centaines de milliers de déplacés qui vivent dans des conditions désastreuses.
Meurtres, mutilations…
À Bangui, dans le camp de réfugiés de l’aéroport, plus de 100 000 personnes s’entassent dans l’anarchie la plus totale. Chaque jour, des enfants meurent de malnutrition ou maladie.
John Ging a qualifié le drame centrafricain de « méga-tragédie ». La France aussi commence à prendre la mesure du bourbier dans lequel ses soldats sont engagés. Gérard Araud, l’ambassadeur de France aux Nations unies, a finalement reconnu que « nous avons peut-être sous-estimé la haine et le ressentiment entre communautés ». Enfin, l’aveu !
Sur place, pourtant, le général Francisco Soriano, commandant de l’opération Sangaris, estime qu’il y a une « baisse réelle de la tension dans la capitale ». C’est relatif. Chaque nuit, des atrocités sont commises. Les civils se regroupent par confession, chrétiens d’un côté, musulmans de l’autre.
Et Bangui n’est qu’une petite partie de la Centrafrique, un pays plus grand que la France. Qui peut, aujourd’hui, donner une image juste de ce qui se passe en brousse ? Les militaires sécurisent les grands axes, notamment vers le Cameroun voisin. Des informations inquiétantes viennent des derniers religieux encore sur le terrain. Les descriptions se suivent et se ressemblent. Meurtres, mutilations, pillages, incendies… La mécanique de la haine est enclenchée. Dans ce contexte, l’annonce de l’arrivée prochaine de 55 soldats estoniens dans le cadre d’une future mission européenne paraît bien dérisoire. Tout comme l’élection programmée d’un nouveau président de la République intérimaire prévue pour lundi.
Ludovic BASSAND