Pascal Canfin
16 juillet 2012 | Par Lénaïg Bredoux et Thomas Cantaloube
C'est un des nouveaux visages du gouvernement, qui a été choisi pour incarner une rupture, celle d'avec la Françafrique du vieux ministère de la coopération. À 37 ans, l'écologiste Pascal Canfin est bien loin de ces réseaux. Ancien journaliste à Alternatives économiques, ancien député européen spécialiste de la régulation financière, il œuvre désormais comme ministre délégué au développement. Avec une mission : mener, au-delà du symbole, un changement de politique à l'égard des pays du Sud. En 1981, François Mitterrand avait échoué : en 2012, la récente visite d'Ali Bongo à Paris constitue une première mise à l'épreuve. Entretien.
Vous êtes ministre depuis deux mois. Le changement de l’intitulé de votre ministère, de la coopération au développement, fait partie des symboles de la présidence Hollande. Comment cette rupture s’est-elle concrètement incarnée ?
Elle s’incarne en effet dans le nom du ministère, mais aussi dans mon profil et dans la dissolution de la cellule Afrique de l’Élysée, qui a été intégrée dans la cellule diplomatique. Quand François Hollande a reçu un certain nombre de chefs d’État africains, il leur a parlé sans tabou. Tous les sujets sont évoqués dans le cadre des relations bilatérales normales. Nous avons normalisé les relations entre la France et l’ensemble des Etats concernés, en Afrique et ailleurs. Et je m’occupe du développement en Afrique et ailleurs.
C’est une nouvelle étape qui correspond aux aspirations de tout le monde, à celles des Français, à celles des populations concernées et à celles des chefs d’État. On me compare souvent avec le changement opéré en 1981 par François Mitterrand, avec la nomination de Jean-Pierre Cot (resté à peine quelques mois). Mais le monde a changé depuis 1981. En Afrique, on n’est plus du tout dans une situation où les anciennes puissances coloniales ont leur champ réservé. La Chine, l’Inde, la Turquie, l’Afrique du Sud y sont actives. On va en Afrique anglophone, les Anglais vont en Afrique francophone. La France s’adapte, enfin, à cette nouvelle donne.
À l’inverse, quelle est la réaction des chefs d’État africains qui voient disparaître ce qui était pour eux un canal d’accès bien pratique au gouvernement français ou au chef de l'Etat?
Ils n’étaient qu’une poignée à le faire ! On ne peut pas résumer l’Afrique à quelques chefs d’État qui avaient leurs habitudes et ceux-là ont réagi en prenant acte du fait qu’ils devaient désormais s’adresser à la filière normale du Quai d’Orsay et de la cellule diplomatique de l’Élysée. Cela n’empêche pas qu’il y ait toujours une réunion hebdomadaire sur l’Afrique à l’Élysée à laquelle je participe parce que c’est une zone où la France est active, où elle a des intérêts et où il y a des crises, comme au Mali. Ce suivi est nécessaire, mais les procédures sont désormais normalisées.
On a pourtant vu défiler à Paris certains chefs d’États africains qui incarnent la vieille « coopération ». François Hollande devait-il recevoir Ali Bongo,sans recevoir les représentants de l’opposition ou de la société civile gabonaise ?
Les ONG gabonaises ont dit de cette visite, et je trouve cela assez positif, qu’elle était l’occasion de dire en face à Ali Bongo un certain nombre de choses. Le président de la République a saisi cette opportunité pour parler des droits de l’Homme, des élections et de la démocratie. La question est de savoir quel mode de relation est efficace avec des pays qui n’ont pas d’organisation démocratique. Parce que là, on parle de l’Afrique, mais on pourrait aussi parler de la Chine par exemple. Si on est dans le boycott, on n’a aucun levier et cela ne correspond pas à la réalité du monde. Si on est dans la surenchère et la polémique permanentes, on n’a aucun moyen de pression. Doit-on plutôt utiliser la relation bilatérale pour dire en privé ce qu’il faut dire ? Je pense que c’est la bonne ligne.
Vous avez vu les présidents sénégalais, Macky Sall, et guinéen, Alpha Condé. Vous aviez pourtant dit que vous ne verriez pas chefs d’État…
Mais de quoi ai-je parlé avec Macky Sall et Alpha Condé ? De sujets de développement. Quand je les ai rencontrés, il y avait aussi leur ministre des finances pour évoquer, par exemple, l’annulation des dettes, les projets que la France peut soutenir… C’est de ma responsabilité.
Mais vous n’avez pas vu Ali Bongo et votre cabinet a reçu des représentants d’ONG gabonaises… Pourquoi ?
Il n’a pas demandé à me voir et je ne l’ai pas non plus sollicité, parce qu’il y a effectivement un problème spécifique avec le Gabon. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas avoir de discussions. Par exemple, nous en avons d’assez poussées sur la protection de la forêt. Au nom des droits de l’Homme qui ne sont pas respectés dans ce pays, doit-on renoncer à travailler sur les questions forestières ? Je pense qu’il faut avoir, en privé, un discours ferme sur les droits de l’Homme et, par ailleurs, travailler ensemble sur certains dossiers. Je pousse aussi pour que les entreprises françaises agissent de manière transparente et qu’elles soient encadrées. C’est tout l’objet du texte discuté actuellement au niveau européen pour imposer la transparence aux grandes entreprises. Quand Aung San Suu Kyi est venue à Paris, elle a délivré deux messages principaux : “Venez investir pour conforter la transition démocratique, mais faites-le dans un cadre totalement transparent pour éviter les dérives”.
Pour éviter ce qui a pu se passer avec le groupe Total, accusé par plusieurs ONG d’exécutions, de travail forcé et de soutien à la junte militaire ?
Pour éviter les dérives. C’est une bataille extrêmement importante qui est en cours, celle de la transparence du cadre d’intervention des entreprises européennes. Elles n’y sont d’ailleurs pas toutes opposées : car la transparence protège celles qui ne veulent pas recourir à des pratiques opaques. Cela donne aussi une assurance pour tous les pays africains qui ne sont plus dans cette logique de mauvaise gouvernance et de corruption.
Le texte est actuellement en discussion à Bruxelles, mais c’est une directive qui ne sera pas opérationnelle avant un an et demi, deux ans…
Le texte est sorti il y a six mois. Il est actuellement en négociation au Parlement européen, et la négociation finale avec les États aura lieu à partir de la rentrée de septembre.
Mais peut-on imaginer d’ici là une loi française ?
Ce ne serait pas plus rapide que d’attendre la directive européenne ! Il faut au contraire se battre pour que celle-ci soit la plus ambitieuse possible. La position française est extrêmement claire : nous voulons un texte qui s’applique au maximum de secteurs économiques possibles, idéalement à l’ensemble des secteurs.
Cette directive permettra-t-elle de voir si une entreprise installée dans un pays verse des pots-de-vin ? Les flux financiers sont pourtant très complexes, avec les paradis fiscaux, les sociétés-écran...
Cette directive est un point d’appui. Je ne dis pas que, demain, en claquant les doigts, la corruption et les paradis fiscaux vont disparaître. Par ailleurs, cette discussion sur la transparence montre bien que la politique du développement ne se réduit pas à l’aide publique au développement. Pour moi, il s’agit aussi de regarder l’ensemble des flux financiers entre le Nord et le Sud. Ceux qui sortent de manière opaque voire illicite, dans le cadre de l’optimisation fiscale et des paradis fiscaux, représentent 10 fois le montant de l’aide publique au développement des pays de l’OCDE ! Si on n’élargit pas le champ du développement à ces questions qui n’étaient pas suivies par le ministère de la coopération, on passe à côté d’un enjeu essentiel.
Le récent rapport de la Cour des comptes sur la politique de développement montre que la France a de plus en plus souvent recours à des prêts – et de moins en moins à des dons, ce qui contribue à alourdir la dette des pays du Sud. Allez-vous renverser cette évolution ?
La part de l’aide qui passe par les ONG va doubler, c’est un engagement du président de la République et il sera tenu. Il s’est aussi engagé à revenir au niveau des dons de 2007. On le fera. Faut-il aller encore plus loin et modifier plus profondément la répartition entre les prêts et les dons ? Le sujet est plus complexe qu’il n’y paraît. Faire des prêts non concessionnels [des prêts sous conditions – ndlr] pour une centrale à gaz au Kazakhstan a un intérêt relativement limité pour une politique publique de développement. Mais il faut inventer, et on y travaille, des mixages entre les prêts et les dons.
Prenons l’exemple des infrastructures énergétiques : une de mes priorité absolues est de trouver les modalités pour soutenir massivement le développement des énergies renouvelables, comme le solaire en Afrique. Cela ne peut pas se faire uniquement par des dons car cela coûterait extrêmement cher au budget de l’État. Mais il ne peut s’agir non plus uniquement de prêts, car ces infrastructures ne peuvent pas encore être viables économiquement sans subventions.
Mais on a vu l’Agence française de développement (AFD) prendre des participations dans des sociétés détenues par les proches de dictateurs. Comment l’empêcher ?
Jusqu’à présent, l’Agence française de développement avait une tutelle de l’État assez éloignée. C’est d’ailleurs ce que dit le dernier rapport de la Cour des comptes. Ma responsabilité en tant que ministre du développement est d’exercer cette tutelle, c’est-à-dire avoir un regard politique et obtenir une transparence sur tous les projets. Ce n’est pas une logique de reprise en main mais d’exercice légitime de la tutelle sur un opérateur de l’État, dont la mission sociale est d’exercer la politique publique de développement. L’AFD n’est pas une banque privée autonome. Son directeur général est d’ailleurs satisfait de voir l’État parler de nouveau d’une seule voix dans ce domaine.
Faut-il changer l’actuel directeur général de l’AFD, Dov Zerah ? Au-delà de sa personne, il incarne une certaine pratique de la Françafrique avec laquelle vous voulez rompre.
Je ne me prononce pas sur sa personne. Sa politique, c’est celle de l’agence et de la tutelle. L’essentiel, c’est que l’on puisse travailler ensemble. Ce qui me poserait problème, ce n’est pas ce qu’il a fait dans le passé, mais ce qu’éventuellement il ne ferait pas dans le futur.
Quelles sont les priorités en matière de développement que vous souhaitez instaurer ?
La France est un des premiers bailleurs au monde dans le domaine de la santé, avec un budget d’un milliard d’euros par an. Il faut en faire une évaluation, notamment dans la lutte contre le sida, voir si la priorité aujourd’hui ce doit être les brevets, la distribution, ou bien l’aide à la création de systèmes de santé dans les pays concernés. Il ne s’agit pas de faire moins mais d’évaluer ce qui est le plus pertinent.
Viennent ensuite les enjeux de développement durable : l’aide publique au développement doit s’intégrer totalement dans la recherche d’un nouveau mode de développement dans le monde. Aujourd’hui 1,3 milliard d’humains vivent dans la pauvreté absolue et nous devons pouvoir vivre sur une planète aux ressources limitées à 9 milliards d’ici 2050. Pour l’instant, nous manquons d’une feuille de route mondiale, comme l’a montré l’échec du sommet de Rio. En même temps, pour la première fois, et c’est sans doute le principal acquis de ce sommet, on a créé des Objectifs du développement durable qui doivent aboutir d’ici 2015. Il faut maintenant les faire vivre pour que, dans trois ans, la communauté internationale se fixe pour la première fois des objectifs chiffrés, en matière d’énergie ou d’eau par exemple. Je compte bien apporter ma pierre à cet édifice.
Est-ce qu’il y a des priorités de développement géographiques, notamment autour de la Méditerranée ?
Dans les prochains mois, nous devrons trancher la question de l’élargissement du nombre de pays dans lequel l’AFD peut intervenir. À ce stade, je n’ai pas de religion sur le sujet. Je constate que, dans un contexte limité budgétairement, nous n’avons pas intérêt à diluer nos interventions. Mais j’entends aussi ceux qui disent que la France doit être universelle et intervenir partout.
Pour l’instant, là où la France a un vrai impact, c’est le sud de la Méditerranée et l’Afrique. Cela ne veut pas dire que l’on va s’interdire d’aller dans certains États – je pense à la Birmanie – qui connaissent une évolution à accompagner. Il faut être capable d’être flexible pour accompagner les nouvelles donnes politiques.
François Hollande a dit à plusieurs reprises qu’il voulait affecter la taxe sur les transactions financières au développement. Dans quelle proportion ?
Il est impossible de répondre précisément à cette question aujourd’hui, car cela dépend d’une négociation européenne. La France est sans doute l’État en Europe qui pousse le plus pour qu’une partie de la taxe sur les transactions financières reste affectée au développement, alors que d’autres pays n’y voient qu’une ressource pour leur propre compte. Quel sera le compromis final : 10 %, 15 %, 30 % ? Je n’en sais rien.
10 %, 15 %, 30 % : cela reste faible par rapport à l’ambition de départ.
Dans l’absolu, je suis d’accord avec vous. Sauf qu’aujourd’hui, pour que cette taxe voie le jour, il faut une coalition politique. Il faut agréger à cette coalition des gens qui pensent que cette taxe peut être utile pour diminuer leur déficit, ou contribuer au budget européen. C’est la réalité du monde ! Soit on dit : “On ne fera une taxe sur les transactions financières que si elle est affectée à 100 % au développement”, et il ne se passera rien. Soit nous faisons cette taxe avec trois objectifs : le budget européen, les budgets nationaux, et le développement. La répartition entre les trois émergera de la négociation.
Au sein de gouvernement français, notamment du côté de Bercy, il semble que l’on veuille affecter cette taxe à la résorption des déficits. Quel est l’état des débats au gouvernement ?
La priorité de Bercy est de réduire les déficits, mais ce n’est pas Bercy qui fait toute la politique du gouvernement français. Il faut attendre la fin de la discussion budgétaire. Je suis assez optimiste.
La procédure qui a été choisie pour mettre en place cette taxe sur les transactions financières est celle de la coopération renforcée. Or, elle est très longue. Il est difficile d’imaginer que cela aboutisse d’ici 2013.
Pas forcément. Il y a quand même eu une directive de la Commission européenne, basée sur des études de faisabilité et d’impact. Tout le travail technique a déjà été fait. La question est de savoir s’il y aura la volonté politique d’aller vite de la part des neuf pays (au minimum) qui choisiront la coopération renforcée. On peut penser que oui.
Pour caricaturer un peu, avec le retrait des soldats français d’Afghanistan, vous allez récupérer le bébé de l’implication française dans ce pays. Laurent Fabius a annoncé une aide de 230 millions d’euros sur cinq ans pour l’Afghanistan. C’est moins que ce que désiraient les Américains, mais c’est plus que ce que des conseillers de François Hollande souhaitaient durant la campagne.
Le retrait militaire d’Afghanistan ne signifie pas un désengagement politique. Cela passe donc par un renforcement de la coopération civile. C’est un renforcement non négligeable par rapport aux chiffres actuels de la coopération française en Afghanistan. Nous sommes en dessous d’autres États et il y avait une pression pour que l’on augmente notre participation, mais nous avons des contraintes budgétaires.
Cependant, si nous sommes disposés à participer à l’effort de la communauté internationale, nous avons des conditions pour que cette aide soit efficace. La première condition, c’est la sécurité. On ne peut pas dire : c’est trop dangereux pour nos militaires, mais ce n’est pas dangereux pour des enseignants, des magistrats, des archéologues, des infirmiers, etc. Une partie des opérations civiles est aujourd’hui sécurisée par l’armée française. Le jour où l’armée française n’est plus là, qui sécurise ces opérations civiles ? L’armée afghane ? D’autres ? Voilà la discussion que nous avons. Nous sommes en train de regarder précisément quels sont les projets qui peuvent continuer sans sécurisation de l’armée française.
La deuxième condition, c’est la capacité d’évaluer à quoi sert cette aide. Dans le passé, nous avons eu des mauvaises surprises. Envoyer de l’argent sur un territoire sans être capable d’évaluer à quoi il sert pose un problème de légitimité. Nous sommes donc en train de regarder quels sont les projets et les secteurs qui répondent aux deux conditions.
Est-ce que cela signifie que ce chiffre de 40 millions d’euros par an pourrait finalement s’avérer bien moindre ?
Nous sommes prêts à mettre ce montant, mais on ne le mettra pas n’importe comment et n’importe où. Aujourd’hui, personne ne le sait, mais l’Union européenne et les États européens sont le premier bailleur de coopération civile de l’Afghanistan, devant les États-Unis, avec 1,2 milliard d’euros par an. L’aide publique au développement représente 90 % du PIB de l’Afghanistan. C’est déjà massif. Il s’agit donc d’utiliser cet argent au mieux et de s’assurer qu’il ne se perd pas dans des tuyaux qui n’ont pas été prévus pour cela. Cela me semble plus important que de dire : “On va mettre 10 ou 20 millions additionnels chacun.”
Nous faisons le pari du renforcement de l’État afghan et de ses institutions. C’est pour cela que l’on peut imaginer davantage de coopération : l’hôpital français de Kaboul qui a mis en place des services de télémédecine particulièrement innovants, mais aussi la formation de juges, de douaniers, d’enseignants. Là, on construit du capital humain dans un cadre institutionnel. C’est extrêmement important pour la consolidation de l’état de droit.
Votre parti, Europe Écologie-Les Verts, fait partie de ceux qui ont défendu l’annulation de la dette de certains pays, notamment la Tunisie et l’Égypte. C’est un sujet que vous n’avez pas évoqué depuis que vous êtes ministre. Est-ce que la France milite pour l’annulation de la dette de ces pays ?
Il n’y a pas de position officielle qui consiste à aller plus loin que les engagements déjà pris dans le passé. En revanche, il y a un engagement très clair pris à l’égard des biens mal acquis, qui sont une petite partie, mais très symbolique, de cette question. Il n’y aura plus d’intervention particulière dans les procédures judiciaires, ce qui est un changement important avec les pratiques antérieures.
Vous étiez pourtant favorable à l’annulation de certaines dettes. Vous avez même signé des textes dans ce sens…
Oui, mais il y a une position interministérielle. Cela pose la question de notre rôle en tant qu’écologistes dans ce gouvernement. Nous faisons avancer des dossiers qui n’avanceraient pas, ou avanceraient moins, si nous n’étions pas là. Nous apportons une vision, mais nous ne sommes pas majoritaires dans ce gouvernement. C’est la réalité de la démocratie française. Le moment venu, nous ferons le bilan de savoir si nous avons plus réussi à pousser nos idées que ce que nous avons dû céder sur un certain nombre d’arbitrages.
C’est trop tôt pour faire un bilan de la participation des écologistes au gouvernement ?
Bien sûr ! Et il ne faut pas oublier toutes les décisions déjà prises par ce gouvernement, qui vont exactement dans le sens que nous, écologistes, souhaitons : augmentation de l’allocation rentrée scolaire, fin de la double peine pour ceux qui ont commencé à travailler jeune et qui ne pouvaient plus prendre leur retraite à 60 ans, blocage des loyers, mis en œuvre par Cécile Duflot, suppression du Cruiser insecticide, responsable de la disparition progressive des abeilles, etc. Et dans le collectif budgétaire, je retrouve une grande partie de notre projet fiscal : augmentation de l’impôt sur la fortune, modification des règles sur les prix de transferts pour éviter les abus dûs à l’optimisation fiscale des multinationales…
Pourtant, lors du remaniement, la seule décision majeure concernait le ministre de l’écologie, qui a changé d’affectation suite à des problèmes sur des permis de forages au large de la Guyane.
Ce que nous voulions obtenir concernant les forages, c’était la réforme du Code minier, une réforme indispensable pour modifier les conditions d’attribution des permis et d’exploitation des ressources. On va l’avoir. Cette histoire a été perçue comme une défaite de l’écologie, mais on a gagné la réforme du Code minier !
Laurent Fabius a parlé de sa volonté de promouvoir la diplomatie économique. De quoi s’agit-il ?
Nous avons un problème de déficit commercial. Il n’est donc pas illégitime que la diplomatie française travaille à le réduire. La mauvaise façon de le faire serait, en ce qui concerne le champ dont j’ai la responsabilité, de lier les aides publiques au développement à l’obtention de marchés pour les entreprises françaises. Mais si l’on peut développer notre aide dans des secteurs où il existe un savoir-faire français, comme l’assainissement ou les services urbains, avec des entreprises comme Alstom, qui construit des tramways, Veolia, ou Poma, qui construit des cabines de téléphériques à Rio ou en Colombie pour désenclaver les favellas, c’est une bonne chose. Ces réalisations sont utiles pour les gens, et il se trouve que ce sont des entreprises françaises qui les fabriquent. On ne lie pas les deux, mais il peut y avoir une cohérence sur laquelle je ne m’interdis pas de travailler.
Vous vous voyez partir en déplacement dans un pays étranger avec le PDG de Veolia ou d’Alstom ?
Si le service rendu correspond aux objectifs politiques que je défends, pourquoi pas ? Mais il ne faut pas se focaliser seulement sur les grandes entreprises, il faut aussi considérer les petites. J’ai demandé à ce qu’on me fasse remonter toutes les PME qui ne sont pas forcément connues par la diplomatie française, et qui sont capables d’offrir un service en phase avec les grandes orientations politiques que je défends en matière de villes durables, de développement agricole écologique, d’énergies renouvelables, etc. À partir du moment où la technologie et le savoir faire humain n’existent pas dans le pays où l’on intervient, il n’est pas honteux que cela soit une entreprise française qui s’en charge.
Vous savez bien que le vrai problème ce sont les conditions d’intervention de certaines entreprises françaises, le manque de transparence, etc. Par exemple, Alstom est impliquée dans plusieurs procédures judiciaires en Suisse par rapport à ses activités en Afrique.
C’est pour cela que l’on revient à la question de transparence. Si vous vous placez dans une perspective d’une offre économique favorable à un développement plus écologique, que vous ajoutez la transparence, et que vous n’impliquez pas seulement les grandes entreprises mais aussi les PME, cela fait un bloc cohérent en terme de valeur ajoutée pour les gens aidés et pour l’économie française. L’énergie, il faut bien la produire ! Si, localement, personne ne maîtrise le savoir-faire, ou si l’on peut avoir des accords de transferts de technologie, c’est une bonne chose que cela soit fait par des entreprises françaises. Par contre, il ne faut pas se retrouver dans la situation inverse où l’on bloquerait des projets parce que l’on n’aurait pas le savoir-faire, par exemple en matière d’énergies renouvelables.