Centrafrique : la France exclut toute intervention malgré les appels à l'aide
http://www.leparisien.fr 27.12.2012,
10h48
Cela
ressemble de plus en plus à un dialogue de sourds. Quelques heures après le refus de François Hollande d'intervenir dans un conflit interne africain, le président centrafricain François Bozizé, dans un discours public au centre de la
capitale, a appelé la France et les Etats-Unis à l'aider à stopper la rébellion du Séléka, qui a pris les armes depuis le
10 décembre et menace à présent Bangui.
«Nous demandons à nos cousins français et aux Etats Unis d'Amérique qui sont des grandes
puissances, de nous aider à faire reculer les rebelles à leur base initiale de façon à permettre la tenue du dialogue à Libreville pour résoudre la crise actuelle»,
a déclaré le président en sango, langue nationale centrafricaine.
Refus catégorique de Paris
La France a condamné
«la poursuite des hostilités en République centrafricaine de la part des mouvements rebelles», appelant à régler «par le dialogue» la crise en
Centrafrique, sans répondre à l'appel de Bangui pour un soutien militaire contre les rebelles.
François Hollande avait mis les points sur les «i» ce jeudi concernant la présence militaire
française en Centrafrique, secoué par une violente crise politique. «Si nous sommes présents, ce n'est pas pour protéger un régime, c'est pour
protéger nos ressortissants et nos intérêts et en aucune façon pour intervenir dans les affaires intérieures d'un pays, en l'occurrence la Centrafrique», avait déclaré le chef de
l'Etat, en marge d'un déplacement à Rungis. «Ce temps là est terminé», avait-il insisté.
A Bangui, plusieurs
centaines de manifestants, proches du pouvoir, s'en étaient pris mercredi aux locaux diplomatiques français, reprochant à Paris son inaction face à la progression de la rébellion de la coalition
Séléka. Sur le terrain, la force multinationale d'Afrique centrale (FOMAC), qui compte plusieurs centaines de militaires en Centrafrique, va envoyer de nouvelles troupes pour sécuriser la
capitale, a annoncé jeudi son commandant, le Général Jean-Félix Akaga.
«J'invite tous les ressortissants français à contacter l'ambassade»
Le président Hollande a rappelé qu'il avait «fait en
sorte que l'ambassade de France (assiégée mercredi par des manifestants, NDLR) qui était menacée puisse être entièrement sécurisée» mercredi par «un détachement français présent qui
a assuré cette sécurité de nos ressortissants et de notre représentation diplomatique». «J'invite d'ailleurs tous les ressortissants français à se mettre en rapport avec
l'ambassade pour éviter qu'il y ait le moindre risque», a-t-il également déclaré. Le président Hollande avait demandé mercredi au ministre de la Défense
Jean-Yves Le Drian «de prendre toutes les dispositions pour assurer la sécurité» des 1200 Français vivant en Centrafrique et de l'ambassade. «Ces
mesures ont été mises en oeuvre dans les délais les plus courts et seront prolongées autant que nécessaire», avait indiqué l'Elysée dans un communiqué.
Les Nations unies et les Etats-Unis ont de leur côté annoncé mercredi le retrait «temporaire» de République centrafricaine de
tous leurs employés jugés non indispensables et de leurs familles.
Centrafrique : la France veut protéger ses ressortissants
250 militaires français sur place
Selon le ministère de la Défense, environ 250 militaires français sont actuellement
basés sur l'aéroport de Bangui. Dans le cadre de la mission Boali, ils assurent un soutien technique et opérationnel à la Micopax (Mission for the Consolidation of Peace in Central African
Republic), sous mandat de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC). Leur mission est d'assurer la «sécurité générale du pays» et un «soutien à la
reconstruction des forces armées» centrafricaines, avait précisé mercredi le ministère.
Sur le terrain, «Bangui est sécurisée au maximum par les troupes»(de la FOMAC), mais «d'autres (troupes) vont arriver pour
renforcer cette mission de sécurisation de Bangui», a déclaré son commandant le Général Akaga à la radio nationale centrafricaine. Cette force multinationale, mise en place en
2008, avait pour mission d'aider à consolider la paix dans le pays miné par des années de guerres civiles et de nombreuses rébellions. Elle a compté jusqu'à 500 soldats en provenance du Gabon, de
République Démocratique du Congo, du Tchad et du Cameroun. Elle avait commencé à se retirer progressivement de la Centrafrique, qu'elle était censée quitter définitivement avant le 31 décembre
2013.
La rébellion aux portes de Bangui
La rébellion du Séléka (Alliance en sango, la langue nationale) a repris les armes le 10 décembre et a conquis d'importantes
villes du nord et du centre de la Centrafrique. Elle menace désormais la capitale Bangui, bien qu'elle a affirmé ne pas vouloir attaquer la ville. La rébellion a appelé mercredi le pouvoir du
président François Bozizé à déposer les armes.
En Centrafrique, la France gendarme malgré elle
Libération 27 décembre 2012 à 12:40
ANALYSE Paris, qui cherche à se défaire de ses habitudes
interventionnistes tout en gardant son influence sur le continent, se retrouve cette fois encore en première ligne.
Par THOMAS
HOFNUNG
Une ambassade de France protégée par un détachement de soldats français déployés en urgence à la suite
d’une violente émeute dans une ex-colonie africaine: les événements qui se
déroulent actuellement à Bangui, la capitale de la Centrafrique, ressemblent à un mauvais remake, malgré la rupture promise par les différents locataires de l’Elysée.
Aux prises avec la crise dans le Sahel, François Hollande a certes tenté de banaliser cette brusque poussée de fièvre,
précisant, jeudi
matin, que la France à Bangui ne protégeait pas «un
régime, mais ses ressortissants». Evalués à 1200, dont bon nombre de binationaux, ceux-ci craignent d’être
victimes de la colère populaire alors que des rebelles du mouvement
Séléka menacent de prendre la capitale. Mais la situation qui prévaut sur place n’en est pas moins
singulière : la France ne dispose pas de détachement militaire dans tous les pays où elle compte un millier de ressortissants.
Sur le continent qui lui est le plus proche historiquement et géographiquement, l’ancienne puissance coloniale tente, en
réalité, de résoudre une équation a priori insoluble : maintenir son influence tout en se faisant plus discrète. Sous le mandat de Nicolas Sarkozy, tirant les leçons de la crise en Côte
d’Ivoire, elle a ainsi rénové tous les accords de défense ou de coopération en matière de défense la liant à plusieurs pays africains, dont la Centrafrique. Approuvés par le Parlement et rendus
publics, ces accords bannissent toute idée d’intervention de l’armée en cas de troubles intérieurs. Un cas particulier, toutefois : celui de Djibouti, siège de la principale base militaire
française sur le continent (avec 2000 hommes). Paris a accepté le principe d’une clause d’intervention dans ce petit pays situé coincé entre la Somalie, l’Erythrée et l’Ethiopie.
Renforts
Mais cette volonté inscrite noir sur blanc de remiser son uniforme de gendarme de l’Afrique se heurte à deux obstacles de
taille : l’incurie des armées locales et la faiblesse des forces multinationales africaines en gestation. Dans le cas de la Centrafrique, les rebelles du mouvement Séléka ont progressé sans
rencontrer de résistance à l’intérieur du pays, les forces gouvernementales fuyant leur avancée. Tout comme les forces
congolaises, le mois dernier, dans le Nord-Kivu face aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda.
Autre analogie frappante avec la situation de la République démocratique du Congo (RDC). Dans l’est du Congo, une force
internationale sous commandement de l’ONU, la Monusco, est censée protéger la population. Mais quand les armes parlent, les Casques bleus demeurent passifs, tapis dans leurs cantonnements. En
Centrafrique, c’est une mission dirigée par l’organisation sous-régionale d’Afrique centrale (la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale, ou CEEAC), qui est censée sécuriser le
territoire et protéger les civils. Financée par l’Union européenne, et soutenue par les 200 soldats français déployés en Centrafrique, la Micopax (Mission de consolidation de la paix en
Centrafrique) dispose de 400 hommes venus de pays de la région. Mais alors que CEEAC annonce l’envoi de renforts à Bangui, rien ne dit qu’ils auront les moyens et surtout la volonté de s’opposer
à la prise de la capitale.
Piège
Dès lors, la France se retrouve, malgré elle, placée en première ligne. Parce qu’elle dispose d’hommes aguerris, bien armés,
et d’une chaîne de commandement directe. Le pouvoir en sursis à Bangui ne s’y est pas trompé. Mercredi, les manifestants qui s’en sont pris violemment à l’ambassade de France à Bangui sont
considérés comme pro-gouvernementaux. Autrement dit : le président François Bozizé, jugé corrompu et peu compétent par la communauté internationale, ferait pression sur
Paris pour tenter de sauver son trône. Pour échapper à ce piège, la France dispose d’une dernière carte : son allié, le Tchad, par ailleurs très proche du régime de Bozizé,
a déployé des soldats pour barrer la route de Bangui aux rebelles centrafricains.
Reste une interrogation majeure : pourquoi et pour quels intérêts la France maintient-elle des troupes en
Centrafrique ? Déjà présente militairement au Gabon et au Tchad voisins, Paris veut sans doute éviter l’effondrement d’un pays situé au cœur du continent, qui risquerait de fragiliser ses
voisins, où la France a davantage d’intérêts et de ressortissants. L’Afrique demeure le dernier endroit de la planète où Paris peut encore jouer les premiers rôles (comme en Côte d’Ivoire en
2011) et, donc, maintenir son rang sur la scène internationale. Face à cette réalité géostratégique, la «nouvelle donne en Afrique» promise par François Hollande au
lendemain de son élection attendra.
Centrafrique : la France ne veut plus faire et
défaire les régimes
Le Point.fr le 27/12/2012 à
14:48
Le régime de Bangui avait réclamé l'aide française pour mater une rébellion qui menace
la capitale. Il a reçu une fin de non-recevoir.
La France a assuré jeudi que son intervention en Centrafrique se
limiterait à la protection de ses ressortissants et a exclu toute aide militaire directe au régime de Bangui, conformément à sa volonté de ne plus être le gendarme de ses anciennes colonies.
"Si nous sommes présents, ce n'est pas pour protéger un régime, c'est pour protéger nos ressortissants et nos intérêts et en aucune façon pour intervenir dans les affaires intérieures
d'un pays", a déclaré vendredi le président français François Hollande, insistant : "Ce temps-là est terminé."
Paris semble donc envoyer une fin de non-recevoir au président centrafricain François
Bozizé, qui a appelé jeudi la France et les États-Unis à l'aider à stopper les rebelles du Séléka. La rébellion a pris les armes depuis le 10 décembre et menace à présent
Bangui. La crise "doit se régler par le dialogue", a répété le ministère français des Affaires étrangères, tout en condamnant "la poursuite des hostilités de
la part des mouvements rebelles".
Interrogé sur une possible intervention française au profit des personnes déplacées ou des réfugiés, François
Hollande a souligné que la France ne pouvait "intervenir que s'il y a un mandat de l'ONU", relevant que "tel n'est pas le cas".
Moins d'ingérence
Pendant des décennies, la France n'a cessé de jouer un rôle central en Centrafrique, faisant ou défaisant les
régimes, "jusqu'au coup d'État de François Bozizé en 2003 sur lequel Paris avait fermé les yeux",
rappelle le spécialiste de l'Afrique Antoine Glaser. En 2007 encore, des parachutistes français étaient intervenus dans le nord-est du pays, en soutien des forces armées contre
un mouvement rebelle. "Mais c'était à la frontière du Darfour, il y avait un contexte géostratégique avec le Soudan qu'il n'y a plus aujourd'hui", juge-t-il.
Les relations entre les deux pays avaient déjà été revues sous l'ex-président de droite Nicolas Sarkozy.
Elles sont régies par un "Accord de partenariat de défense", signé en avril 2010, qui à la différence du précédent pacte de 1960, ne prévoit pas la possibilité pour l'armée française d'intervenir
en cas de conflit intérieur dans ce pays.
La France a cependant encore environ 250 militaires basés sur l'aéroport de Bangui, mais dans le cadre de la mission "Boali"
de soutien technique et opérationnel à la Micopax (Mission de consolidation de la paix en Centrafrique). Sous mandat de la Communauté économique des États d'Afrique centrale, la Micopax est
chargée de soutenir "la reconstruction des forces armées" et d'assurer la "sécurité générale du pays".
"On ne fait pas de la sécurité civile ou du maintien de l'ordre", a-t-on cependant assuré au
ministère de la Défense, en insistant sur la mission de "formation, instruction et conseil" aux militaires centrafricains. Quelque 1 200 Français vivent en Centrafrique,
parmi lesquels un tiers de binationaux, selon le ministère de la Défense. "À ce stade, ils ne sont pas menacés", a dit à l'AFP une source au ministère, et leur
évacuation vers Libreville, où la France dispose d'une importante base militaire, n'est pas prévue.
Sécurité des ressortissants
"Nous avons invité nos ressortissants présents à Bangui à rester à leur domicile, à éviter tout rassemblement et
à rester en contact avec l'ambassade", a souligné de son côté le ministère des Affaires étrangères. À son arrivée au pouvoir en mai, le pouvoir socialiste avait assuré que la France
ne voulait plus "rentrer dans un principe d'ingérence" et n'avait "pas vocation à intervenir directement" avec ses troupes combattantes en Afrique.
Selon Antoine Glaser, la France a d'autant plus intérêt à se montrer discrète en Centrafrique qu'elle est
très active au Mali, même si elle répète qu'elle n'agira qu'en soutien d'une éventuelle intervention africaine. "Au moment où la France est prête à s'investir au nord du Mali, ça peut
être bien de montrer qu'on est prêt à laisser tomber un régime, que la politique de la canonnière est bien terminée", souligne-t-il.
Hollande : "La France n'interviendra pas dans les affaires de la Centrafrique"
http://www.france24.com
Au lendemain de violentes manifestations contre l’ambassade française en République centrafricaine pour exiger un
soutien de la France contre les rebelles du Séléka, François Hollande s’est opposé à toute intervention de Paris.
"La France n’est pas présente en Centrafrique pour protéger un régime". Au lendemain des violences
contre l’ambassade de France à Bangui, perpétrées par des manifestants exigeant une intervention de Paris pour contrer la rébellion en Centrafrique, le président français François
Hollande s’est montré ferme : la France ne prendra pas part à la crise que traverse le pays. "Si nous sommes présents […], c’est pour protéger nos ressortissants et nos
intérêts, a ajouté le chef de l’État. Et en aucune façon pour intervenir dans les affaires intérieures d’un pays. Ce temps-là est terminé." Jeudi, lors d'une allocution publique
tenue dans la matinée, le président centrafricain François Bozizé a officiellement demandé l'aide de la France pour combattre le mouvement rebelle qui contrôle désormais près
d'un tiers du pays.
À Bangui, mercredi 26 décembre, plusieurs bâtiments internationaux ont été pris pour cible par des centaines de manifestants
proches du pouvoir. Dans l’ambassade de France, caillassée, une cinquantaine de personnes sont restées retranchées pendant plusieurs heures. Jeudi, l’Onu et les États-Unis ont ordonné le
rapatriement temporaire de tous les employés jugés non-indispensables dans leurs représentations diplomatiques. La France, en revanche, n’a entamé aucune mesure de départs.
Les manifestants ont dénoncé la passivité de l'ancienne puissance coloniale face à la progression de la coalition rebelle du
Séléka, "alliance", en langue sango. Le mouvement a lancé, le 10 décembre dernier (voir chronologie), une "opération reconquête" dans le pays, et s’est emparé de plusieurs villes : Bria, dans le
centre-est, Bambari, au sud, et Kaga Bandoro, dans le centre-ouest. Près d’un tiers de la Centrafrique serait à présent entre leurs mains. Les rebelles s’approchent désormais de Bangui, la
capitale centrafricaine.
"Mettre la pression sur le gouvernement"
"Pour le moment, les rebelles sont en ‘stand by’. Il faut savoir que l’armée tchadienne [le Tchad est un allié
historique du régime de François Bozizé, ndlr] s’est positionnée pour sécuriser Bangui et constituer un parapluie sécuritaire", assure sur l’antenne de FRANCE 24
Thierry Vircoulon, directeur du programme Afrique centrale de l'International Crisis Group.
Le Général Jean-Félix Akagae, commandant de la Force multinationale d'Afrique centrale (Fomac), qui compte
déjà plusieurs centaines de militaires en Centrafrique, a annoncé jeudi l’envoi de renforts dans le pays.
Pour autant, le mouvement rebelle assure ne pas vouloir mener bataille. "La stratégie affichée du Séléka est de
mettre la pression sur le gouvernement pour le forcer à des négociations, mais pas de prendre le pouvoir par la force", poursuit le chercheur. Les rebelles réclament le respect
d’accords de paix conclus entre 2007 et 2011, qui prévoyaient notamment un programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des diverses milices rebelles éparpillées dans le pays.
Ces accords n’ont jamais été respectés.
Les chefs d’État de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) se sont retrouvés le 21 décembre dans la
capitale tchadienne N’Djamena, pour tenter de mettre fin à la crise politique en République centrafricaine. Le gouvernement et les rebelles se disent l’un et l’autre prêts à ouvrir des
négociations à Libreville, au Gabon, sous l’égide du Congo-Brazzaville. "La situation prend une tournure plutôt positive, estime Thierry Vircoulon.
Tout le monde semble prêt à des pourparlers, il faut que la mécanique se mette en place sur le terrain et que tout le monde trouve le chemin de Libreville".
Avec dépêches