Le Monde | 22.02.11 | 12h03 • 22.02.11 | 14h22
Un groupe de diplomates français de générations différentes, certains actifs, d'autres à
la retraite, et d'obédiences politiques variées, a décidé de livrer son analyse critique de la politique extérieure de la France sous Nicolas Sarkozy. En choisissant l'anonymat, ils ont
imité le groupe Surcouf émanant des milieux militaires, dénonçant lui aussi certains choix du chef de l'Etat. Le pseudonyme collectif qu'ils ont choisi est "Marly" – du nom du café où ils se sont
réunis la première fois. Ceci est leur premier texte public.
La manœuvre ne trompe plus personne : quand les événements sont contrariants pour les mises en scène présidentielles,
les corps d'Etat sont alors désignés comme responsables.
Or, en matière diplomatique, que de contrariétés pour les autorités politiques ! A l'encontre des annonces claironnées
depuis trois ans, l'Europe est impuissante, l'Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore ! Dans le même temps, nos avions Rafale et notre
industrie nucléaire, loin des triomphes annoncés, restent sur l'étagère. Plus grave, la voix de la France a disparu dans le monde. Notre suivisme à l'égard des Etats-Unis déroute beaucoup de nos
partenaires.
Pendant la guerre froide, nous étions dans le camp occidental, mais nous pesions sur la position des deux camps par une
attitude originale. Aujourd'hui, ralliés aux Etats-Unis comme l'a manifesté notre retour dans l'OTAN, nous n'intéressons plus grand monde car nous avons perdu notre visibilité et notre capacité
de manœuvre diplomatique. Cette perte d'influence n'est pas imputable aux diplomates mais aux options choisies par les politiques.
Il est clair que le président n'apprécie guère les administrations de l'Etat qu'il accable d'un mépris ostensible et
qu'il cherche à rendre responsables des déboires de sa politique. C'est ainsi que les diplomates sont désignés comme responsables des déconvenues de notre politique extérieure. Ils récusent le
procès qui leur est fait. La politique suivie à l'égard de la Tunisie ou de l'Egypte a été définie à la présidence de la République sans tenir compte des analyses de nos ambassades. C'est elle
qui a choisi MM. Ben
Ali et Moubarak comme "piliers sud" de la Méditerranée.
Un WikiLeaks à la française permettrait de vérifier que les diplomates français ont rédigé, comme leurs collègues
américains, des textes aussi critiques que sans concessions. Or, à l'écoute des diplomates, bien des erreurs auraient pu être évitées, imputables à l'amateurisme, à l'impulsivité et aux
préoccupations médiatiques à court terme.
Impulsivité ? L'Union pour la Méditerranée, lancée sans préparation malgré les mises en garde du Quai
d'Orsay qui souhaitait modifier l'objectif et la méthode, est sinistrée.
Amateurisme ? En confiant au ministère de l'écologie la préparation de la conférence de Copenhague sur le changement
climatique, nous avons abouti à l'impuissance de la France et de l'Europe et à un échec cuisant.
Préoccupations médiatiques ? La tension actuelle avec le Mexique résulte de l'exposition publique d'un dossier qui, par
sa nature, devait être traité dans la discrétion.
Manque de cohérence ? Notre politique au Moyen-Orient est devenue illisible, s'enferre dans des impasses et renforce les
cartes de la Syrie. Dans le même temps, nos priorités évidentes sont délaissées. Il en est ainsi de l'Afrique francophone, négligée politiquement et désormais sevrée de toute aide
bilatérale.
Notre politique étrangère est placée sous le signe de l'improvisation et d'impulsions successives, qui s'expliquent
souvent par des considérations de politique intérieure. Qu'on ne s'étonne pas de nos échecs. Nous sommes à l'heure où des préfets se piquent de diplomatie, où les "plumes" conçoivent de
grands desseins, où les réseaux représentant des intérêts privés et les visiteurs du soir sont omniprésents et écoutés.
Il n'est que temps de réagir. Nous devons retrouver une politique étrangère fondée sur la cohérence, l'efficacité et la
discrétion.
Les diplomates français n'ont qu'un souhait : être au service d'une politique réfléchie et stable. Au-delà des grandes
enceintes du G8 et du G20 où se brouillent les messages, il y a lieu de préciser nos objectifs sur des questions essentielles telles que le contenu et les frontières de l'Europe de demain, la
politique à l'égard d'un monde arabe en révolte, nos objectifs en Afghanistan, notre politique africaine, notre type de partenariat avec la Russie.
Les diplomates appellent de leurs vœux une telle réflexion de fond à laquelle ils sauront apporter en toute loyauté leur
expertise. Ils souhaitent aussi que notre diplomatie puisse à nouveau s'appuyer sur certaines valeurs (solidarité, démocratie, respect des cultures) bien souvent délaissées au profit d'un coup
par coup sans vision.
Enfin, pour reprendre l'avertissement d'Alain Juppé et d'Hubert Védrine publié le 7 juillet 2010 dans Le
Monde "l'instrument [diplomatique] est sur le point d'être cassé". Il est clair que sa sauvegarde
est essentielle à l'efficacité de notre politique étrangère.
Lire la contre-enquête sur "la diplomatie française bousculée par la révolte arabe", dans l'édition Abonnés du site et dans Le Monde daté du 23 février
2011 et disponible dans les kiosques mardi 22 février à partir de 14 heures.
le groupe "Marly", un collectif qui réunit des diplomates français critiques
Article paru dans l'édition du 23.02.11
La pression monte à l’UMP pour un départ de Michèle
Alliot-Marie
par Emile Picy
PARIS (Reuters) Reuters - Publié le 22/02/2011 à 17:00 - La pression monte
au sein de l'UMP pour que Nicolas Sarkozy se sépare de Michèle Alliot-Marie à
l'occasion du remaniement gouvernemental qui devrait suivre les élections cantonales de la fin du mois de mars.
La ministre des Affaires étrangères a été vivement critiquée par l'opposition pour avoir utilisé par deux fois pendant
ses vacances tunisiennes de fin d'année le jet privé d'Aziz Miled, un homme d'affaires tunisien liée au président Zine ben Ali, quelques jours avant la fuite de ce dernier en Arabie saoudite.
Les attaques ont redoublé lorsque la ministre a reconnu la semaine dernière que ses parents, qui étaient du voyage en
Tunisie, en avaient profité pour acheter les parts d'une société immobilière appartenant au même Aziz Miled.
Le gouvernement et Nicolas Sarkozy, ainsi que l'UMP, ont jusqu'à
présent soutenu Michèle Alliot-Marie mais de nombreux députés de la majorité étiquetés "sarkozystes" estiment que l'heure de son départ a désormais sonné.
"Il faut qu'elle
dégage", a déclaré mardi l'un d'eux à Reuters en réclamant le respect de son anonymat.
Un autre député UMP a estimé que la ministre, qui a cédé mardi la place à la responsable de l'Economie Christine Lagarde pour le premier déplacement d'un ministre français en Tunisie depuis la chute de Zine ben
Ali, n'était "plus crédible".
Les déclarations de Michèle Alliot-Marie offrant l'aide de la
France au maintien de l'ordre en Tunisie en pleine répression des manifestations par le régime Ben Ali rendent la position du chef de la
diplomatie française extrêmement délicate dans ce pays où la France a d'importants intérêts.
Pour un autre député UMP, la conclusion est claire.
"Sarkozy doit profiter de
l'occasion offerte par le remaniement prévu en mars pour la virer", a-t-il expliqué.
RAFFARIN POUR UNE IMPULSION
Des rumeurs sur son départ et son remplacement par le ministre de la Défense Alain Juppé ou l'ancien ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo avaient déjà circulé il y a deux
semaines mais les révélations sur le voyage en Egypte de François Fillon avaient rendu tout départ impossible.
Le remaniement gouvernemental prévu selon une source gouvernementale après les cantonales des 27 et 27 mars pourrait
donc être plus large que l'arrivée de trois secrétaires d'Etat afin de seconder les ministres de la Défense et de l'Intérieur.
Depuis la formation du nouveau gouvernement de François Fillon le
14 novembre dernier, le ministre de la Défense Alain Juppé s'occupe également des Anciens combattants. Le ministre de l'Intérieur
Brice Hortefeux traite aussi de l'immigration.
Plusieurs noms circulent avec insistance, comme ceux des députés UMP Valérie Rosso-Debord, François Vannson, Marc Laffineur ou du Nouveau centre Jean-Christophe
Lagarde.
Le Premier ministre, François Fillon, n'avait pas écarté, en
décembre, des "ajustements" au gouvernement afin de répondre "à des manques" au sein de l'équipe gouvernementale et de calmer le mécontentement des centristes de l'UMP,
grands perdants du remaniement du 14 novembre.
Pour l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, Nicolas
Sarkozy doit donner une nouvelle impulsion à son quinquennat alors que les partis politiques échafaudent déjà leur projets pour la présidentielle et les législatives de
2012.
Jean-Pierre Raffarin a plaidé mardi sur Europe 1 en faveur d'une
"initiative politique" du gouvernement fin mars.
"Je pense qu'il faudra une
relance politique après les élections cantonales", a-t-il déclaré, avant de rappeler avoir été "toujours été favorable à un acte II du quinquennat".
"Ça peut être des remaniements,
ça peut être des textes à l'Assemblée nationale, ça peut être des grands débats, ça peut être un Congrès", a expliqué le sénateur UMP de la Vienne.
Edité par Yves Clarisse