Considéré et voulu par presque tous les fils du pays et tous les partis de l’opposition ainsi que tous les mouvements armés comme seule et unique voie pour ramener une paix durable en République centrafricaine, ce grand forum national censé réunir sans exclusive tous les protagonistes majeurs de la longue et grave crise qui secoue ce pays est aujourd’hui dans l’impasse par la seule volonté de François Bozizé. Ce n’est un mystère pour personne que celui-ci, dès le début, ne voulait pas de ce dialogue national inclusif. Il était conforté dans son refus par les conseils de son clan politique qui voyait dans la tenue d’une telle assise (surtout si l’ancien président Ange Félix Patassé y prenait part) un véritable danger pour la survie de leur pouvoir.
Tout est donc mis en œuvre afin de faire traîner au maximum les préparatifs et gagner ainsi du temps. Sans qu’on puisse en percevoir le bien fondé et alors qu’on ne leur a prévu que peu de siège, on va exiger que tous les groupes armés désignent absolument leurs représentants dans le comité préparatoire pensant sans doute ainsi les piéger. Entre temps, l’ancien porte parole de Bozizé et actuel ministre de la communication, Cyriaque Gonda, ira même se promener en Côte d’Ivoire pour rencontre le premier ministre Guillaume Soro sous prétexte de s’inspirer de l’exemple ivoirien du « dialogue direct » alors que l’expérience et le contexte ivoirien sont totalement différents de la situation centrafricaine.
L’immuable et puérile position de Bozizé consistant à répéter inlassablement dans toutes ses déclarations et interviews lorsqu’il est question du sort qu’il entend faire à l’ex président Ange Félix Patassé et son ancien ministre de la défense Jean Jacques Démafouth que ces derniers étaient libres de regagner leur pays mais que si jamais la justice décidait de leur demander des comptes, il ne pourrait rien faire pour eux, est bien la preuve que l’homme n’a nullement envie de voir se tenir ce dialogue national inclusif. Il prend donc la lourde responsabilité d’assumer seul les conséquences de l’impasse dans laquelle sa gestion a plongé le pays.
Or, si le dialogue national inclusif ne se tient pas comme tout semble l’indiquer, la situation du pays qui est déjà extrêmement grave
surtout sur le plan de l’insécurité, s’empirera. C’est un secret de polichinelle que le régime de Bozizé ne contrôle que la capitale Bangui. Le reste du territoire est un vaste no man’s land où
écument des bandes armées non identifiées, des mouvements nationaux de rébellion armée, voire étrangers comme c’est le cas de l’Armée de Résistance du Seigneur de l’Ougandais Joseph Kony qui
utilise le territoire centrafricain comme bon lui semble. Bozizé avait pourtant courant 2007, effectué une visite à Kampala pour s’entretenir avec Yowéri Musevéni notamment au sujet des
incursions de la LRA.
Récemment aussi, des troupes régulières tchadiennes ont allégrement franchi la frontière et pénétré sur plusieurs kilomètres à l’intérieur du territoire centrafricain où elles ont brûlé des
villages et tué de paisibles paysans et volé leurs boeufs sans que cela ait suscité quelque émotion ni réaction des autorités centrafricaines de Bangui. Il est vraisemblable que ce soit même avec
leur aval que cela se soit déroulé. Une telle situation ne saurait s’éterniser. Comment peut-on parler de développement d’un pays dans un tel contexte ! Le monde rural n’existe plus. La RCA
se meurt. Si on laisse Bozizé prendre ainsi le pays en otage, l’impasse actuelle le précipitera définitivement dans le gouffre. C’est probablement ce que Bozizé souhaite lui qui est parfaitement
conscient que sans le pouvoir, il n’a point d’avenir.