(Xinhuanet 09/12/2009)
YAOUNDE -- La conférence des Nations Unies sur les changements climatiques ouverte lundi à Copenhague au Danemark revêt
un enjeu crucial pour la préservation du Bassin du Congo, deuxième grand massif forestier au monde après la forêt amazonienne, selon des experts camerounais et des organisations internationales
préoccupés par la dégradation de cette zone écologique à cause d'une déforestation qualifiée de "sauvage" et " barbare".
Avec une superficie de plus de deux millions de kilomètres carrés, le Bassin du Congo érigé en priorité par les chefs d'Etat d'Afrique centrale, soutenus par des partenaires au développement,
représente 26% de la forêt tropicale mondiale. Il y est fait état d'une surexploitation du bois, notamment de la part des entreprises étrangères.
L'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO)
évalue à 934.000 hectares les surfaces affectées par an par cette déforestation à laquelle s'ajoutent les actes de braconnage des populations locales mettant en outre en péril la faune d'une rare
richesse qui s'y découvre.
"Nous avons la chance d'être dans le massif forestier le plus important après l'Amazonie. Si rien n'est fait pour le protéger, il est certain que le désert finira par
s'installer. Lorsqu'on abat un arbre qui a 200 ans, comment peut-on réparer ça ? Combien de temps faut-il pour le remplacer ?", s'est
interrogé à Xinhua un spécialiste du droit international de l'environnement, Me Ndjodo Bikoun, avocat au barreau du Cameroun.
Réparti entre le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République du
Congo, la République centrafricaine (RCA) et la République démocratique du Congo (RDC), cet écosystème forestier est en effet réputé de renfermer une biodiversité exceptionnelle comprenant 11.000
espèces de plantes, 4.09 espèces de mammifères, 1.086 espèces d'oiseaux, 152 espèces de serpents et 1.069 espèces de poissons.
Dans un documentaire récent intitulé "Bassin du Congo : un patrimoine en danger", l'organisation non gouvernementale internationale de défense de
l'environnement Greenpeace démontre qu'il est surtout l'habitat de trois des quatre primates (le gorille, le chimpanzé et le bonobo) et abrite par ailleurs 14 autres espèces de
singes.
"Au moins 3.300 espèces endémiques de plantes et 90 espèces animales telles que l'okapi et le paon congolais n'apparaissent nulle part ailleurs que dans cette région.
Or, toutes ces espèces sont menacées par l'exploitation industrielle des forêts, leur conversion ou leur dégradation, et le braconnage", s'alarme-t-elle.
Pour Me Ndjodo Bikoun, ces assauts
contre la biosphère d'Afrique centrale peuvent constituer l'une des causes des perturbations climatiques dans cette région marquées comme d'autres du continent par des saisons des pluies
irrégulières, des inondations accentuées et la sécheresse.
Ces phénomènes préoccupent les chefs d'Etat de la Commission des forêts d'Afrique centrale (COMIFAC) et de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC) qui, dans la perspective
de la conférence de Copenhague, ont adopté lors d'un sommet le 24 octobre à Kinshasa en RDC, une position commune dite "position commune des pays de la COMIFAC-CEEAC relative aux négociations sur le nouveau régime climatique post-Kyoto 2012".
Elaborée en septembre par le Conseil des ministres de la COMIFAC, organe réunissant les ministres en charge des forêts et de l'environnement, cette position commune s'intègre à celle de l'Union
africaine qui réclame des pays industrialisés une réduction de 40% de leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020, puis des compensations financières d'environ 65 milliards de dollars
par an et un transfert de technologies pour l'impact de leur pollution sur le continent.
Créée en 1999 à Yaoundé lors d'un sommet des chefs d'Etat de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC) regroupant le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Congo, la
RCA et le Tchad, et élargie par la suite à la CEEAC qui rassemble en plus de ces six pays l'Angola, le Burundi, la RDC et Sao Tomé et Principe, la COMIFAC a pour mission la protection et la
préservation des écosystèmes forestiers du Bassin du Congo.
Sous son patronage, s'est tenue le 10 novembre dans la capitale camerounaise, à l'initiative du Center for International Forestry Research (Centre pour la recherche forestière internationale), la
deuxième journée de la forêt d'Afrique centrale, Forest Day Central Africa 2, sous le thème "forêts du Bassin du
Congo et changements climatiques : avancées et challenges avant Copenhague".
Auparavant, Bata, la capitale économique de Guinée équatoriale, avait abrité du 2 au 4 novembre la deuxième conférence internationale des parlementaires d'Afrique centrale sous le thème "ressources naturelles renouvelables et développement humain : contraintes et opportunités des changements climatiques
dans le Bassin du Congo".
17 ans après le sommet de la terre de Rio de Janeiro au Brésil en 1992 et 4 ans
après l'entrée en vigueur en 2005 du Protocole de Kyoto (adopté en 1997) sur la réduction des émissions des gaz à effet de serre, la conférence de Copenhague suscite des espoirs pour, d'une part,
la sauvegarde de ce massif forestier et, d'autre part, la limitation des effets des changements climatiques en Afrique centrale.
De l'avis du Pr. Athanase Bopda,
chercheur à l'Institut national de la cartographie (INC) du Cameroun, "si un accord est signé et si les termes
scientifiques avec lesquels cet accord serait paramétré sont bons, on aurait la possibilité d'envisager une limitation des méfaits des actes de pollution et de ceux qui provoquent actuellement la
récession climatique".
"Mais, a-t-il avisé, si l'accord n'est pas signé, nous ne devrons pas être surpris de voir la sécheresse
augmenter et les phénomènes qui sont à l'origine de l'élévation de la température générale du globe s'accentuer".
Se fondant sur les résultats mitigés des rendez-vous précédents et les
pesanteurs liées à l'application du Protocole de Kyoto, Me Ndjodo Bikoun émet des doutes sur la rencontre de Copenhague.
"Si les dirigeants de la planète se retrouvent une fois de plus à Copenhague pour parler d'un même problème, cela
veut dire qu'un consensus est difficile", a-t-il jugé.
Pour lui, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est une équation
sensible pour les pays riches. Car, elle implique la fermeture des industries et suppose par voie de conséquence des licenciements de travailleurs, soit une source d'instabilité
sociale.
Il insiste toutefois sur la coopération entre les Etats pour la prévention et la
lutte contre la pollution de l'environnement. " Les problèmes de l'environnement ne peuvent être envisagés que de
façon transversale", note-il.
Par Raphaël MVOGO
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C’est quoi, le réchauffement du climat ?
(Le Soir 09/12/2009)
Entre l’immense majorité de la communauté scientifique et ceux qui ne croient pas au réchauffement climatique ou à son origine humaine, la
polémique est d’une incroyable violence et aucun coup bas n’est exclu.
Entre l’immense majorité de la communauté scientifique et ceux qui ne croient pas au réchauffement climatique ou à son origine humaine, la polémique est d’une incroyable violence et aucun coup
bas n’est exclu. D’un côté : recherches financées en sous-main par des groupes pétroliers, vols de courriels, présence massive sur les forums internet et dans les blogs, manipulation des données…
De l’autre, crispation sur les résultats des études, mise au ban des négateurs. Et au centre, l’opinion déboussolée, sceptique et parfois trop heureuse de penser à rebrousse-poil en invoquant
l’un ou l’autre complot.
Les études scientifiques sur le climat sont synthétisées dans les rapports du Giec, le groupe intergouvernemental d’experts sur le climat. Celui-ci ne réalise pas de recherche mais se base sur
les travaux de milliers d’experts de plusieurs disciplines scientifiques. Le point.
Y a-t-il un réchauffement ?
La Planète se réchauffe, c’est « irréfutable ». Les mesures montrent que la surface de la Terre s’est réchauffée en moyenne de 0,74º au XXe siècle. L’essentiel de cet accroissement (0,6º) a eu
lieu depuis le début des années 70. Signe d’accélération du phénomène. Par ailleurs, cette moyenne masque d’importantes disparités. Si le centre de certains océans s’est refroidi, les zones
polaires, elles, se sont réchauffées de 2 à 4º. Et les prévisions évoquent un accroissement de la température globale de 0,2º par décennie si aucune mesure n’est prise. Selon les scénarios
d’émissions de gaz, les études scientifiques compilées par le Giec prévoient que la température moyenne augmentera de 1,1 à 6,4 degrés en 2100 (par rapport au niveau pré-industriel de 1750).
Quant au niveau moyen des mers, il a monté de 17 cm et poursuit son expansion avec une hausse de 3 mm par an. Peu de chose ? Les impacts sont déjà sensibles aujourd’hui (voir plus loin).
Quelle en est la cause ?
« Très vraisemblablement » (une certitude à 90 %) les émissions de gaz à effet de serre, principalement le CO2. La concentration de dioxyde de carbone était de 280 ppm (parties par million en
volume, soit 280 cm3 par m3 d’air) avant l’ère industrielle. Elle a atteint 379 ppm en 2005. Elle est environ de 388 aujourd’hui. Au cours des 800.000 dernières années, elle n’a que rarement
dépassé 300 ppm. La corrélation entre l’augmentation des gaz à effet de serre et la hausse des températures a toujours été quasi parfaite. L’autre souci est la rapidité du phénomène. En un
siècle, l’émission annuelle de gaz carbonique a été multipliée par 17.
Qui sont ces gaz à effet de serre et d’où viennent-ils ?
Ils sont six. Le principal est le CO2 (dioxyde de carbone). L’homme en produit essentiellement par la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), les transports, les bâtiments et
l’industrie. Mais on estime qu’un tiers des émissions humaines de CO2 est causé par la déforestation. Les autres gaz sont le méthane (CH4) provenant des activités agricoles, de l’élevage, des
ruminants, du riz et des décharges d’ordure ; le protoxyde d’azote (N2O) issu des engrais azotés et de divers procédés chimiques ; et les gaz fluorés – les hydrofluorocarbones (HFC), les
perfluorocarbones (PFC), surtout des gaz réfrigérants utilisés par les climatiseurs, et l’hexafluoride de soufre (SF6).
L’activité solaire cause-t-elle le réchauffement ?
A l’inverse des gaz à effet de serre, l’activité du soleil – actuellement à un niveau très bas – contribue faiblement au réchauffement. En termes techniques, le coefficient de « forçage radiatif
» est de 0,12 pour le soleil, 1,66 pour le CO2, 0,48 pour le méthane et 0,34 pour les gaz fluorés.
L’homme en est-il responsable ? On peut lui attribuer « la presque totalité du réchauffement », répond le climatologue de l’UCL André Berger. Certes, les principaux producteurs de gaz à effet de
serre sont les océans, les sols et les forêts. Mais jusqu’à présent, ils étaient autant « absorbeurs » qu’« émetteurs » d’émissions. Et ils nous offraient en plus la générosité d’absorber environ
la moitié des émissions d’origine humaine. Mais bien que proportionnellement faibles (4 % du total), les émissions d’origine humaine n’ont fait qu’augmenter. Petit à petit, les océans et les
forêts ne peuvent pas suivre le rythme et absorber l’excédent. Pire, au-delà d’une certaine hausse, ces « puits » pourraient devenir émetteurs nets de CO2 et de méthane.
La concentration de gaz dans l’atmosphère augmente rapidement pour quatre raisons. Les deux premières sont la croissance économique continue au profit d’une population de plus en plus nombreuse,
combinée avec une grande « intensité en carbone », c’est-à-dire basée sur la combustion d’énergies fossiles productrices de CO2 (pétrole, gaz, charbon, 97 % du CO2 émis). La troisième raison de
l’augmentation de la concentration de CO2 est l’affaiblissement de l’efficacité des « piégeurs de carbone » que sont les océans et les forêts. Cette baisse de régime est plus importante qu’on ne
le prévoyait. Enfin, l’homme a aussi créé avec les halocarbures des gaz de synthèse artificiels contribuant à l’effet de serre.
Quels sont ses impacts aujourd’hui ?
L’augmentation moyenne de 0,8º a déjà des impacts visibles. Le plus spectaculaire est sans doute la fonte des calottes glaciaires, la diminution de la couche neigeuse et le recul des glaciers. La
glace d’été en Arctique a fortement diminué. Et il semble que la calotte continuerait à fondre même en hiver. La fonte des glaces polaires contribue à l’élévation du niveau des mers. Celle des
glaciers prive les territoires en contrebas d’une eau douce indispensable à la biodiversité mais surtout à la vie humaine. Le réchauffement des températures affecte également le rendement des
céréales (maïs, froment et blé).
Qu’est-ce qu’on ne sait pas ?
Pas mal de choses en fait, ce qui explique la prudence du Giec qui publie des fourchettes très larges ne tenant parfois pas compte d’éléments fondamentaux comme l’impact de la fonte des calottes
glaciaires sur l’élévation du niveau des mers. On étudie encore l’effet radiatif des aérosols, les interactions entre la biosphère et l’atmosphère ainsi que la dynamique de la circulation
océanique et son comportement en cas d’arrivée massive d’eau douce dans l’eau salée. L’impact du climat sur les pluies et sur les événements climatiques extrêmes est aussi à l’examen. Le climat
terrestre est une machine à la fois très délicate et très complexe dont personne ne prétend connaître le fin mot.
MICHEL DE MUELENAERE
mardi 08 décembre 2009, 16:30
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