Coordination des signataires du Manifeste pour un dialogue politique véritablement inclusif en
Centrafrique
S/C Nganatouwa GOUNGAYE WANFIYO
Avocat
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Déclaration au sujet du processus
engagé par le Général BOZIZE en vue de la re-légitimation de son régime par le prochain dialogue politique inclusif en Centrafrique
Le 25 avril 2008, le Comité préparatoire du dialogue, organe gouvernemental institué par décret du président BOZIZE a déposé
son rapport final avec des recommandations dont l’exécution de certaines est posée comme préalable à l’organisation du dialogue politique inclusif en Centrafrique. Il s’agit en particulier de la
signature d’un accord de paix entre le gouvernement centrafricain et le mouvement militaro-politique de l’APRD (Armée
populaire pour la restauration de la démocratie) et d’un autre accord, dit « Accord Global de Paix » avec
l’ensemble des mouvements militaro-politiques qui opèrent dans le pays.
Réunie en séance élargie le 17 mai 2008 à Paris, la Coordination des signataires du Manifeste pour un dialogue politique
véritablement inclusif en Centrafrique a examiné ce rapport et s’est prononcée sur le processus mis en place par les autorités gouvernementales en vue du dialogue censé ramener la paix et la
sécurité dans le pays.
1 - Sur le rapport final du Comité préparatoire du
dialogue
La Coordination des signataires du Manifeste
tient d’abord à relever que certains points du rapport sont intéressants, notamment le diagnostic de la situation nationale, la confirmation du caractère inclusif du
dialogue politique, la proposition de mesures à prendre par le gouvernement en vue de décrisper l’environnement judiciaire et sécuritaire avant la tenue du dialogue ou encore la proposition de
l’organisation des élections municipales avant les prochaines élections législatives et présidentielles.
Néanmoins, les conditions du dialogue telles que prévues par ce rapport participent à une volonté, comme ce fut le cas lors du Dialogue National de 2003, de redonner un semblant de légitimité au
pouvoir du président BOZIZE actuellement en totale perte de vitesse par les effets désastreux de sa politique marquée par la mal-gouvernance, les violations systématiques de la Constitution, des
atteintes graves et massives aux droits de l’homme et des actes guerriers ayant provoqué une crise sécuritaire et humanitaire sans précédent en Centrafrique.
Il est indéniable que ce rapport est l’expression même de l’objectif recherché par le pouvoir, celui de maîtriser et de
contrôler de bout en bout le dialogue. La meilleure preuve c’est l’affirmation selon laquelle le dialogue doit s’organiser dans le respect de la Constitution du 27 décembre 2004 et donc des
institutions issues des dernières élections de mars et avril/mai 2005 quand bien même ces institutions ne fonctionnent pas parce que phagocytées par le président BOZIZE et son clan familial et
politique.
Quels autres « mécanismes contraignants » comme le préconise le Comité préparatoire du dialogue peut-on trouver
pour faire respecter la Constitution par un président de la République pour qui c’est la force qui prime le droit et qui a toujours ostensiblement montré qu’il n’entend pas respecter le texte
fondamental ?
Pourtant, en limitant le cadre du dialogue au respect des institutions, le Comité préparatoire du dialogue a de facto rejeté
la question primordiale qui est à la base de la crise dans le pays, celle de la légitimité du régime du président BOZIZE.
S’agissant du nombre de participants estimé à 150 personnes, celui-ci est pléthorique. En définissant en amont, sans en
préciser les critères, les entités appelées à participer au dialogue, et en leur attribuant des quotas respectifs, le Comité préparatoire du dialogue crée les conditions objectives d’une
participation massive au dialogue des différentes organisations politiques et sociales ainsi que de personnalités acquises au régime en place.
Ainsi, sur la base de ce mécanisme mis en place par le Comité préparatoire du dialogue, les entités qui seront
majoritairement représentées au dialogue seront celles de la mouvance présidentielle au sens large du terme, à savoir : les partis politiques (KNK, GPPMP et tous les petits partis alimentaires) les
pouvoirs publics (administration, armée)
les associations (églises, groupes de femmes, de jeunes, etc.) et les personnalités (chefs religieux, chefs coutumiers,
etc.)
Par ailleurs, sans justifications sérieuses et contre toute considération éthique, les membres du Comité préparatoire du
dialogue se sont auto-proposés comme une entité spécifique devant participer au dialogue en qualité de « membre de droit » Outre cette proposition arbitraire, les membres du
Comité préparatoire du dialogue ont recommandé la transformation de leur groupe en Comité d’organisation du dialogue.
Toutes ces recommandations procèdent de la stratégie de manipulation visant un total verrouillage du dialogue
par le pouvoir et ses soutiens objectifs parmi lesquels figurent en bonne place la majorité des membres du Comité préparatoire du dialogue.
Alors que le Comité préparatoire du dialogue avait suggéré que le dialogue proprement-dit ait lieu 45 jours après le dépôt de
son rapport final, à ce jour, aucune mesure importante n’a été prise pour la concrétisation de cette recommandation. Le peu d’empressement du gouvernement à organiser ce dialogue dans un délai
raisonnable démontre une fois de plus que le président BOZIZE, en réalité, ne veut pas de ce forum inter-centrafricain susceptible de régler la crise nationale.
En conséquence, la Coordination des signataires du Manifeste tient à réitérer ses revendications contenues dans le document
de base du 19 octobre 2007 d’une part, et à préciser et clarifier sa position au vu du rapport du Comité préparatoire du dialogue et de la situation nationale en ce début du mois de juin 2008
d’autre part.
2 - Sur le lieu du dialogue
Le dialogue doit se tenir à l’extérieur du territoire centrafricain afin de préserver la sécurité de tous les
participants et la sérénité des débats.
Le pouvoir qui, tout en discutant et en signant des accords avec les mouvements militaro-politiques, menace et exclut des
personnalités qui ont des liens avec ces mêmes mouvements ou encore fait arrêter d’autres qui sont soupçonnées d’avoir des contacts avec certains responsables de la rébellion armée n’offre
donc aucune garantie sérieuse de respect de la liberté d’opinion des personnes et de leur intégrité physique.
3 - Sur le caractère inclusif du dialogue
Tous les acteurs connus ou reconnus de la profonde crise politique et militaire qui sévit en Centrafrique doivent participer
de manière équitable au dialogue. C’est la seule possibilité de trouver une solution négociée, globale et durable à cette crise. Aucune personne ne doit être exclue sous quelque prétexte que ce
soit pour ne pas créer des frustrations et ressentiments qui seront les terreaux fertiles d’autres conflits à l’avenir.
4 - Sur l’adoption d’une loi d’amnistie générale avant le dialogue
Pour favoriser la tenue du dialogue, un apaisement s’avère nécessaire. Pour ce faire, le principe de l’adoption d’une loi
d’amnistie générale répond à une nécessité politique nationale. En conséquence, une loi d’amnistie générale doit être adoptée par l’Assemblée Nationale et promulguée par le président de la
République avant la tenue effective du dialogue. Toutefois, cette loi d’amnistie doit concerner les crimes et délits de droit commun à l’exclusion des crimes relevant de la compétence de la CPI
(Cour Pénale Internationale) et devra
être assortie d’un mécanisme national d’indemnisation de toutes les victimes.
5 - Sur les thématiques du dialogue
Les thématiques du dialogue doivent être circonscrites aux questions de gouvernance politique et économique ainsi que de
défense et de sécurité. Ces deux thématiques constituent les enjeux fondamentaux de la crise et de l’indispensable besoin de sa résolution de manière exceptionnelle, transparente et consensuelle.
Par ailleurs, en posant ces thématiques comme base minimale des discussions du dialogue, cela induit la prise en compte de la problématique de la légitimité du pouvoir et la nécessité absolue de
la définition précise par les participants au dialogue des conditions opérationnelles de la re-fondation des Institutions ainsi que celles de la pacification et de la sécurisation de l’ensemble
du territoire national.
La question du développement socio-économique est primordiale mais les participants au dialogue ne disposeront pas de tous
les outils et compétences nécessaires pour en débattre efficacement. Aborder cette thématique risque d’ailleurs d’éluder l’objectif du dialogue qui est purement politique.
6 - Sur le caractère exécutoire des recommandations du
dialogue
Pour ne pas refaire les mêmes erreurs du passé, les décisions et résolutions du dialogue politique inclusif
doivent totalement et impérativement être exécutoires et opposables à toutes les parties prenantes.
Comme cela a été exprimé dans le texte du Manifeste, les Centrafricains désireux de voir leur pays sortir du cycle de
violences et de la voie suicidaire dans laquelle les ont engagés ceux qui se sont succédés à la tête de l’Etat veulent un dialogue politique véritablement inclusif dont le contenu et les
modalités doivent être clairement définis et non pas faire un rafistolage pour préserver le pouvoir du Général BOZIZE.
C’est pourquoi, la Coordination des signataires du Manifeste attire avec insistance l’attention de la communauté
internationale, particulièrement celle de tous les membres du Conseil de Sécurité des Nations unies, sur le fait que des responsables politiques et gouvernementaux étrangers ainsi que des
représentants d’institutions inter-gouvernementales, plus préoccupés par leurs intérêts économiques, géopolitiques et géostratégiques apportent un soutien objectif au président BOZIZE dans sa
volonté de verrouiller le dialogue afin de continuer à s’imposer au peuple centrafricain malgré ses multiples dérives en matière de bonne gouvernance, d’atteintes graves aux droits de l’homme
ainsi que de la contestation de son régime par le plus grand nombre de ses concitoyens. En agissant de la sorte, ces responsables politiques et d’Etats étrangers et les représentants
d’institutions inter-gouvernementales font courir le risque de faire porter par l’ensemble de la communauté internationale une grande responsabilité morale en cas de réactivation des conflits
armés sur le terrain avec des conséquentes immédiates à savoir, l’aggravation des atteintes massives aux droits de l’homme et une nouvelle et grave crise humanitaire en Centrafrique.
De même, il est à craindre une extension et une exacerbation des crises dans les domaines sécuritaires et humanitaires au
niveau de toute la sous région de l’Afrique centrale, particulièrement dans la zone des trois frontières Tchad, Soudan et Centrafrique si le dialogue politique inclusif ne débouche pas sur une
solution globale juste et équitable.
Enfin, la Coordination des signataires du Manifeste tient à préciser qu’à ce jour, le nombre des personnes qui ont adhéré au
Manifeste s’élève à plus de 3000, dont la majorité est constituée de citoyens ordinaires de Centrafrique, ce qui confère une légitimité nationale à la démarche du Manifeste et permet d’exprimer
un point de vue représentatif de l’opinion centrafricaine sur le dialogue.
Paris, le 7 juin 2008
Pour la Coordination des signataires du Manifeste,
Me Nganatouwa GOUNGAYE WANFIYO
Président.