Résumé exécutif tiré du rapport de 47 pages de la FIDH
Une mission internationale d’enquête de la FIDH s’est rendue en République centrafricaine (RCA) du 03 au 13 juillet 2013. Elle a pu établir que l’ensemble du territoire était toujours aux mains des éléments Séléka dirigés par des seigneurs de guerre centrafricains, tchadiens ou soudanais, plusieurs mois après avoir porté les chefs rebelles au pouvoir. Du coup d’Etat à la date de publication du présent rapport, ces éléments Séléka, dont le nombre estimé en mars à 5000 serait trois ou quatre fois supérieur, ont commis les crimes les plus graves contre la population civile qui peuvent être qualifiés de crimes internationaux. La FIDH affirme qu’en l’état actuel du dépérissement des services de l’Etat et du dispositif prévu par l’Union africaine avec la mise en place de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) en remplacement de la MICOPAX (composée d’éléments de la Force multinationale de l’Afrique centrale – FOMAC), la population centrafricaine demeure en grande insécurité et la sécurité de la région est menacée.
Depuis le renversement du régime de François Bozizé, le 24 mars 2013, s’il est difficile de mesurer l’exacte ampleur du phénomène, la FIDH estime, au terme du recoupement de nombreuses informations à au moins 400 le nombre de meurtres commis par des membres de la Séléka. Lors de sa mission, la FIDH a pu recueillir de nombreux témoignages concernant des civils tués par balles. Elle s’est en particulier focalisée sur la tuerie de Gobongo du 28 juin 2013, quartier de Bangui, où des éléments Séléka ont tiré sur une foule d’hommes, de femmes et d’enfants qui manifestait contre l’assassinat d’un jeune de leur quartier, tuant au moins 6 civils et blessant plusieurs dizaines de personnes. Depuis la mission, d’autres meurtres ont été perpétrés par des éléments Séléka, comme dans le quartier Boy-Rabe à Bangui où au moins dix personnes ont été tuées le 20 août au cours d’une opération de « désarmement » mais aussi en province.
La FIDH confirme également le nombre élevé de viols commis par des membres de la Séléka à Bangui. Une source fiable a recensé les cas de 82 viols le premier mois suivant l’arrivée des rebelles dans la capitale. Un nombre qui reste en-deçà de la gravité des faits. Par ailleurs, de très nombreux cas d’enlèvements de civils par des Séléka ont été rapportés aux chargés de mission, ainsi que des cas d’intimidation, de mauvais traitements et de détentions arbitraires.
La présence d’enfants soldats dans les rangs de la Séléka a également pu être constatée par la FIDH.
La FIDH a pu aussi recueillir des témoignages d’incendies de villages par des éléments Séléka.
Sur l’axe Mbrès – Kaga-Bandoro, où la FIDH s’est rendue, 270 maisons ont été incendiées et 6 personnes ont été tuées le 14 avril 2013 dans 6 villages par des Séléka en représailles du meurtre de l’un d’entre eux.
Par ailleurs, alors que le pays a été pillé de ses biens publics et privés de manière générale et systématique les jours qui ont suivi le coup d’Etat au profit des chefs rebelles et des seigneurs de guerre, des éléments Séléka, non payés par leur hiérarchie, continuent les braquages et le racket de la population.
La FIDH affirme que les crimes commis par les éléments Séléka le sont en toute impunité.
En province, où les Séléka ont tous pouvoirs et où l’Etat est complètement absent, la sécurité
4 / République centrafricaine : Un pays aux mains des criminels de guerre de la Séléka – FIDH et la justice sont inexistantes. A Bangui, au moment de la mission, seulement 16 mandats de dépôt étaient confirmés par le procureur de la République. Les rares éléments Séléka arrêtés étaient pour la plupart cantonnés dans des centres de détention pour une formation disciplinaire mais échappaient à toute procédure judiciaire. Suite aux protestations de la communauté internationale, un procès a été ouvert contre 24 éléments de la Séléka accusés pour des faits criminels lors de la tuerie de Boy-Rabe d’août 2013. Une procédure bien isolée face à l’ampleur des exactions commises sur l’ensemble du territoire.
L’Etat centrafricain est aujourd’hui dans l’incapacité de veiller à la protection de la population via le rétablissement d’une force publique et la lutte contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves. Les caisses sont vides. Au moment de la mission, une crise institutionnelle autour d’une charte constitutionnelle de transition paralysait l’exercice du pouvoir, en lambeaux à Bangui et inexistant en province. Le chef de l’Etat cherchait à asseoir son nouveau pouvoir via le limogeage du gouvernement du puissant chef rebelle Dhaffane et sa détention illégale.
Dans ces circonstances, les forces et le mandat de la MICOPAX étaient manifestement insuffisants pour assurer la protection de la population. Parmi ses 1000 éléments présents en RCA au moment de la mission, le contingent tchadien le plus important en nombre ne rassurait pas la population. Et les seules trois garnisons de province, à Paoua, Kaga-Bandoro, et Ndele, avaient un rayon d’action territoriale beaucoup trop limité. Quant aux soldats français de l’opération Boali, ils ne patrouillaient qu’à Bangui et leur mandat est restreint à la sécurité de l’aéroport et des ressortissants français. Le déploiement annoncé des 3650 éléments de la MISCA en remplacement de la MICOPAX est salué par la FIDH comme un véritable effort de l’Union africaine pour s’attaquer au problème de la RCA. Mais en l’absence d’implication de la communauté internationale dans son ensemble, il ne peut en l’état satisfaire les exigences liées à la sécurité de la population.
« Assurer la protection de la population est une obligation incontournable et urgente que le dispositif sécuritaire actuel ne garantit pas. La population civile est abandonnée aux mains criminelles des Séléka. La persistance de l’anarchie en Centrafrique risque de fragiliser davantage le pays, d’exacerber les tensions et d’empêcher une reprise économique » , a déclaré Eric Plouvier, chargé de mission de la FIDH. « La présence en grand nombre d’hommes en armes en RCA est par ailleurs une source potentielle de déstabilisation sécuritaire de la sous-région, » a-t-il ajouté.
La FIDH appelle la Communauté internationale à placer la protection de la population civile au centre de ses priorités s’agissant de la situation en RCA. Les Nations unies et l’Union africaine doivent soutenir la mise en place de la MISCA dont le mandat et le budget doivent permettre de garantir la protection de la population sur l’ensemble du territoire. Cette nouvelle force devra être assortie d’observateurs pour garantir l’accomplissement de son mandat conformément au droit international des droits de l’Homme.
La FIDH appelle la Communauté internationale à adopter des mesures de sanction contre les chefs de la Séléka et des seigneurs de guerre, notamment le gel des avoirs financiers.
La FIDH appelle à une opération effective de désarmement des Séléka sur l’ensemble du territoire et au redéploiement de l’autorité de l’Etat dans tout le pays.