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12 juin 2013 3 12 /06 /juin /2013 15:57

 

 

 

Rapport Afrique N°20311 juin 2013

 

SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS

 

La prise de pouvoir par la coalition rebelle de la Seleka en mars 2013 a mis un terme au régime de François Bozizé et a plongé le pays dans une nouvelle crise à la fois sécuritaire, politique et humanitaire. Face à ce changement de pouvoir inconstitutionnel, la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) et d’autres partenaires de la Centrafrique ont opté pour le compromis habituel : une reconnaissance de fait du nouveau pouvoir dans le cadre d’une transition sous contrôle international. Cependant, l’absence d’Etat, le changement de paradigme politique, la fragilité de la Seleka et le ressentiment religieux rendent cette transition incertaine. Afin d’éviter que la Centrafrique ne devienne un territoire ingouvernable au cœur de l’Afrique, le nouveau gouvernement d’union nationale doit très rapidement prendre des mesures d’urgence sécuritaires, humanitaires, politiques et budgétaires qui permettront le retour de la sécurité et la relance de l’économie. Actuellement attentistes, les partenaires internationaux doivent s’engager davantage aux plans politique et financier pour encadrer et financer la nouvelle transition.

 

L’offensive fulgurante de la Seleka menée en décembre 2012 a conduit le groupe rebelle aux portes de la capitale, mais l’intervention de l’armée tchadienne et de la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (Micopax) envoyée par la CEEAC, les a forcés à marquer un temps d’arrêt et à négocier avec le pouvoir en place. Signé le 11 janvier 2013 et imposé par la CEEAC, l’accord de Libreville sur la résolution de la crise en République centrafricaine (RCA) devait permettre d’éviter une nouvelle prise de pouvoir par la force et d’ouvrir une période de pouvoir partagé de trois ans. L’obstination du régime de Bozizé qui a privilégié l’épreuve de force permanente à une transition politique concertée et apaisée, le désengagement progressif de la CEEAC qui n’a pas assuré le suivi de l’accord de Libreville et un rapport de forces favorable à la Seleka ont fourni tous les ingrédients pour l’échec de la première transition. Finalement, lors d’une offensive éclair qui a coûté la vie à plusieurs soldats sud-africains, la Seleka s’est emparée de Bangui le 24 mars.

 

Les défis à relever pour les nouvelles autorités, dont l’unité est loin d’être acquise, sont évidents et considérables. La sécurisation du pays, l’organisation des élections, la restauration de l’administration ou encore les réformes judiciaires, économiques et sociales faisaient déjà partie de la feuille de route définie à Libreville. Ces impératifs sont toujours d’actualité alors que la population aborde la saison des pluies dans un état de dénuement complet, et que la situation humanitaire, déjà critique, s’est encore détériorée, comme en témoigne le nombre important de déplacés internes qui oscille entre 150 000 et 180 000 personnes. Les dissensions au sein de l’ancienne coalition rebelle, la prolifération des armes à Bangui, la dégradation du climat social pourraient compromettre le bon déroulement de la transition. Face à l’avalanche de problèmes, le nouveau gouvernement va devoir définir des priorités en matière sécuritaire, humanitaire, budgétaire et politique.

 

Pour réussir à stabiliser et pacifier le pays, là où les gouvernements précédents ont constamment échoué, il doit réinventer un nouveau programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) et repenser la réforme du secteur de la sécurité (RSS) car la sécurité est la clé de voûte de la nouvelle transition et le besoin d’approches innovantes adaptées aux réalités centrafricaines n’a jamais été aussi fort.

 

Le gouvernement centrafricain ne parviendra pas à surmonter ces défis sans une double aide. Celle financière et technique des donateurs qui doivent accompagner cette nouvelle transition en fournissant un appui budgétaire d’urgence et en mettant leurs compétences à disposition avec le déploiement de trois missions (DDR, RSS et gestion des fonds de reconstruction). Celle politique et militaire de la CEEAC qui, avec l’appui des Nations unies et de la France, doit assurer, dans le cadre du comité de suivi de l’accord de Libreville, un suivi scrupuleux des engagements pris à N’Djamena en avril 2013 et être l’arbitre d’une transition qui s’annonce difficile.

 

Un échec de la nouvelle transition rendra la RCA impossible à gouverner et donnera naissance à une zone grise au cœur du continent. Plusieurs groupes armés étrangers sont déjà installés en République centrafricaine. Les combattants de l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA) sont présents au Sud-Est du pays depuis 2008 et la région de la Vakaga est traversée par de nombreux trafiquants et braconniers originaires des pays voisins, dont le Soudan. Si l’Etat centrafricain s’effondre, de nouveaux réseaux criminels pourraient s’implanter dans le pays et déstabiliser la région.

Dans la mesure où ni les voisins ni les autres partenaires n’ont intérêt à ce que cela se produise, ils doivent aller au-delà des réponses à minima et des engagements en demi-teinte qui caractérisent trop souvent l’encadrement international des transitions politiques.

 

RECOMMANDATIONS

 

Pour répondre aux urgences sécuritaires

 

A la Micopax et à la France :

 

1. Intensifier leurs patrouilles à Bangui.

 

Au gouvernement centrafricain, aux Nations unies, à l’Union européenne, à la Micopax et à la France :

 

2. Créer une mission chargée du DDR, formée par des membres de la Micopax et des experts des Nations unies appuyés par la France, financée par l’Union européenne et placée sous l’autorité du Premier ministre, qui concevra un DDR de seconde génération privilégiant la réinsertion économique et communautaire des démobilisés et qui fera rapport au comité de suivi de la transition.

 

3. Lier étroitement la composante réinsertion du DDR à la création de pôles de développement dans le Nord-Est du pays, qui devraient générer de l’emploi pour les futurs démobilisés.

 

4. Créer une mission RSS, composée d’experts internationaux, du chef d’état-major, des ministres de la Sécurité, de la Justice et de la Défense, ainsi que des représentants de la société civile, placée sous l’autorité du Premier ministre et qui fera rapport au comité de suivi de la transition. Cette mission définira et mettra en œuvre une RSS de seconde génération qui impliquera notamment une intégration des rebelles dans l’armée nationale en fonction de quotas préalablement fixés et de normes de recrutement clairement définies (compétence, niveau d’éducation et expérience antérieure au sein des forces de sécurité).

 

Pour répondre aux urgences humanitaires

 

Aux organisations non gouvernementales et aux Nations unies :

 

5. Formuler une demande collective auprès des dirigeants de la Seleka afin qu’ils dépêchent des hommes de confiance dans les régions identifiées comme des zones à risques.

6. Créer un poste de coordinateur de la sécurité pour toutes les ONG et procéder à des évaluations précises sur les risques sécuritaires par zone.

 

Pour garantir la protection des droits de l’homme

 

Au gouvernement centrafricain :

 

7. Garantir l’indépendance de la nouvelle Commission mixte d’enquête en lui donnant les moyens d’agir et de se déployer sur le terrain afin de mener des investigations et en intégrant en son sein davantage de personnalités expérimentées en matière de défense des droits de l’homme.

 

Au gouvernement centrafricain et à l’Union européenne :

 

8. Soutenir le travail de documentation de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire, notamment grâce à l’attribution de financements de l’Union européenne dédiés aux droits de l’homme.

 

A l’Union européenne :

 

9. Lancer une procédure de consultation des autorités nationales, conformément à l’article 96 de l’Accord de Cotonou, et continuer, en attendant que ce processus arrive à son terme, à soutenir financièrement la RCA mais en assurant une exécution financière des ressources du Fonds européen de développement (FED) de manière centralisée.

 

A la Cour pénale internationale :

 

10. Diligenter une mission en RCA afin de vérifier les conditions de sécurité des témoins du procès de Jean-Pierre Bemba et d’envoyer un message fort et dissuasif à l’encontre des auteurs d’exactions.

 

Pour répondre aux urgences économiques

 

A la Communauté économique et monétaire des Etats d’Afrique centrale, à la Banque africaine de développement, à la Banque mondiale, au Fonds monétaire international et à l’Union européenne :

 

11. Se concerter pour attribuer une aide budgétaire d’urgence afin de permettre au gouvernement de payer les fonctionnaires, de réactiver les services sociaux de base et de faire face aux défis liés à la crise.

 

Au gouvernement centrafricain et aux bailleurs de fonds :

 

12. Créer, sous l’autorité du Premier ministre, une mission de gestion des fonds liés à la reconstruction, à l’organisation des élections et aux principaux chantiers de la transition, qui sera composée de membres de l’administration centrafricaine et d’experts internationaux ; aura pour but de gérer le fonds spécial de solidarité annoncé à la conférence de Brazzaville ; effectuera l’identification des besoins, l’allocation des subsides et la vérification des réalisations ; et fera rapport au comité de suivi.

 

Au gouvernement centrafricain et à la Banque africaine de développement :

 

13. Faire évaluer par la Banque africaine de développement les contrats miniers et pétroliers signés par le précédent régime afin de déterminer si ces contrats sont conformes aux normes en vigueur dans le secteur.

 

14. Remettre en place les contrôles administratifs nécessaires pour garantir l’intégrité de la chaine commerciale des diamants et organiser une mission de vérification du Processus de Kimberley dans toutes les zones de production du pays.

 

Au Processus de Kimberley :

 

15. Enquêter sur les réseaux de contrebande du diamant.

Pour répondre aux urgences politiques

 

Au gouvernement centrafricain :

 

16. Préparer les prochaines élections en installant l’Autorité nationale des élections après avoir désigné ses membres.

 

Aux Nations unies:

 

17. Envoyer une mission exploratoire pour proposer un plan d’action, un budget et un chronogramme réalistes.

 

Au comité de suivi de la transition :

 

18. Organiser une réunion tous les mois afin d’évaluer le respect des accords, l’état d’avancée des chantiers de la transition et discuter des ajustements à apporter dans la mise en œuvre de ces chantiers ; identifier, si nécessaire, les responsables de blocages, rendre publics les manquements des acteurs concernés et les sanctionner (enquêtes internationales, sanctions internationales ciblées, exclusion du processus politique en accord avec le Premier ministre, etc.).

 

A l’Union africaine, la CEEAC, les Nations unies et l’Union européenne :

 

19. Organiser un retour d’expérience sur la réponse apportée à la crise centrafricaine afin d’identifier et de proposer des pistes de solutions aux problèmes politiques et militaires qui se sont manifestés lors de cette gestion de crise et améliorer l’architecture de paix et de sécurité régionale.

 

 

Nairobi/Bruxelles, 11 juin 2013

 

 

http://www.crisisgroup.org/fr/regions/afrique/afrique-centrale/republique-centrafricaine/203-central-african-republic-priorities-of-the-transition.aspx

République centrafricaine : les urgences de la transition
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