Casques bleus.
L’arrestation de quatre militaires français en Centrafrique suscite questions et hypothèses
RFI REVUE DE PRESSE Publié le 23/02/2022 - 11:46
Après l’arrestation à Bangui de quatre militaires français, la République centrafricaine a ouvert une enquête. Cette affaire coïncide avec les accusations de massacres de civils centrafricains portées devant l’ONU contre la société russe Wagner par la France et les États-Unis.
Les “images de leur arrestation ont donc été diffusées sur les réseaux sociaux” : c’est ce que pointe notamment le Journal de Bangui.
“Des images des quatre Casques bleus arrêtés, de leurs badges ‘Nations unies’ et de leur équipement militaire ont inondé Internet la nuit dernière, via des dizaines de comptes à travers l’Afrique. Ces images étaient accompagnées du commentaire ‘Tentative d’assassinat du président centrafricain’. Une version reprise par un site d’information réputé proche des intérêts russes en Centrafrique, mais démentie par l’ambassade de France et la Minusca.”
En fait, précise le Journal de Bangui, “c’est un véhicule de location, immatriculé en Centrafrique, qui aurait attiré l’attention des services de sécurité. Selon plusieurs sources, il s’agissait d’un véhicule provisoire mis à disposition du chef d’état-major de la Minusca, le général Marchenoir, dans l’attente d’une voiture officielle.”
Les quatre légionnaires venaient d’escorter l’officier à l’aéroport lorsqu’ils ont été arrêtés. Et au même moment atterrissait l’avion du président Touadéra, en provenance de Bruxelles.
Traquenard ?
Dans la presse, on s’interroge, à l’instar du quotidien Aujourd’hui au Faso : “S’agit-il d’un traquenard échafaudé par Wagner ? Où sont les preuves ? Quel acte ont posé ces légionnaires français pour être arrêtés ? Le véhicule provisoire dévolu au chef d’état-major de la Minusca, qui paraissait suspect à l’aéroport de Bangui, suffit-il à opérer cette arrestation ? Ces quatre soldats français ont-ils tenté de s’introduire dans le dispositif sécuritaire de l’aéroport comme le laissent croire les réseaux sociaux ? En tout cas, la célérité avec laquelle ces arrestations ont eu lieu et le commentaire ‘Tentative d’assassinat du président Touadéra’ qui s’en est suivi laissent songeur.”
“Si les autorités centrafricaines n’ont pas encore réagi officiellement à cet événement, peut-être monté de toutes pièces, il faut reconnaître que cette affaire tombe mal pour la France”, note pour sa part le site Wakat Séra. “[La France est] en pleine tourmente dans les pays africains qui se sont amourachés de la Russie. Nul doute que la main invisible, mais bien connue, poursuivant un dessein caché, mais lui aussi connu et qui n’en est pas à son premier coup, s’active déjà pour un autre coup, car la bataille est rude et sera bien longue entre la France et la Russie, qui ont choisi pour arène le sol africain. Une guerre qui se nourrit de la désinformation et de l’instrumentalisation, devenues armes de destruction massive, encore plus dangereuses que les canons.”
Centrafrique : ce que l'on sait de l'arrestation de quatre militaires de l'armée française à Bangui, sur fond de tensions avec la Russie
23/02/2022 12:49Mis à jour le 23/02/2022 13:03
Quatre légionnaires opérant sous la bannière de l'ONU sont détenus depuis lundi en République centrafricaine. Une enquête a été ouverte.
Une enquête a été ouverte, mardi 22 février, après l'arrestation la veille de quatre militaires de l'armée française opérant sous la bannière de l'ONU à Bangui, la capitale de la République centrafricaine. Les militaires sont "toujours détenus par les autorités centrafricaines", selon un responsable de l'armée française en Afrique à l'AFP. Un haut responsable de l'ONU en Centrafrique a rencontré le président Touadéra afin d'obtenir "au plus vite" leur libération. Franceinfo revient sur cette affaire.
Quatre légionnaires ont été arrêtés
Quatre militaires de l'armée française opérant sous la bannière de l'ONU ont été arrêtés, lundi 21 février, par la gendarmerie centrafricaine, devant l'aéroport de Bangui. Ces militaires du corps de la Légion étrangère sont "de nationalité française, italienne, roumaine et bulgare", a précisé le procureur de la République de Bangui, mardi soir.
Ils escortaient le général français Stéphane Marchenoir, chef d'état-major de la force de maintien de la paix en Centrafrique (Minusca) à l'aéroport, où il prenait un avion pour Paris, selon l'armée française et l'ONU. La Minusca compte environ 15 000 militaires et policiers dans le pays.
Ils circulaient dans un véhicule banalisé
Au moment de leur arrestation, les quatre légionnaires étaient lourdement armés et en treillis. Ils portaient leur équipement militaire habituel, soit quatre pistolets automatiques, trois fusils d'assaut, une mitrailleuse et des grenades.
Munis de badges de la Minusca, ils circulaient à bord d'un véhicule banalisé non siglé ONU et considéré comme "suspect", selon le procureur de la République de Bangui. Le véhicule, "suivi par les services de renseignements de la police depuis deux mois", se trouvait "à moins de 30 mètres du passage du convoi présidentiel", a-t-il assuré.
Ils sont accusés sur les réseaux d'avoir voulu "assassiner" le président centrafricain
Aussitôt, ces militaires ont été accusés sur de nombreux comptes privés sur les réseaux sociaux, avec de nombreuses photos de leurs équipements, d'avoir voulu "assassiner" le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, dont le convoi devait passer au même endroit. Paris et l'ONU ont immédiatement démenti avec force, dénonçant une "désinformation" et une "manipulation grossière".
Force de la Minusca pour prendre le vol Air France avec leur équipement professionnel. L'Ambassade de France regrette vivement cet incident. Elle condamne son instrumentalisation immédiate sur certains réseaux malveillants et la désinformation grossière à laquelle elle donne lieu.
— La France à Bangui (@FranceBangui) February 21, 2022
Le procureur centrafricain a annoncé l'ouverture d'"une enquête régulière pour faire la lumière sur les faits".
Bangui est au cœur des tensions entre Paris et Moscou
Le jour de l'ouverture de l'enquête, la France et les Etats-Unis ont accusé devant le Conseil de sécurité de l'ONU les "mercenaires" de la société russe de sécurité privée Wagner d'avoir "exécuté" et "massacré" des dizaines de civils en janvier et 200 civils ces derniers mois. Le groupe paramilitaire russe est accusé de mener une campagne "systématique" de "terreur" en Centrafrique, où ses membres combattent les rebelles aux côtés de l'armée régulière. "Ces violences sont systématiques, délibérées, elles participent d'une méthode qui vise à provoquer la terreur pour contrôler certains territoires et en tirer des profits", a estimé l'ambassadeur de France à l'ONU, Nicolas de Rivière.
#Centrafrique: Une vague des paramilitaires russes arrive ce matin à bord d'un Antonov sur le tarmac de l'aéroport Bangui Mpoko.@Makafaitsonshow @RFIAfrique @vianney_ingasso @UN_CAR pic.twitter.com/8yVjiGjrVA
— Fridolin Ngoulou (@fridolinngoulou) February 21, 2022
Moscou rejette en bloc les affirmations de Paris et Washington. Ce sont des "accusations portées contre nos spécialistes", une "campagne hystérique (...) pour les discréditer", a dénoncé une diplomate russe à l'ONU.
Les tensions entre la France et la Centrafrique, ancienne colonie en guerre civile depuis 2013, sont exacerbées par cette féroce guerre d'influence entre Paris et Moscou. La France reproche à la Centrafrique d'être "complice" d'une campagne "anti-française" orchestrée par Moscou. Déjà, en juin 2021, la France avait coupé son aide militaire et financière en Centrafrique pour ces raisons. Cette stratégie encourageant un sentiment anti-français a déjà été observée au Mali.
>> Mali : comment la Russie souffle sur les braises du sentiment anti-français
De son côté, Moscou reproche à Paris d'accuser les paramilitaires de Wagner d'avoir fait main-basse sur le pouvoir et les ressources du pays. Les paramilitaires russes sont présents depuis 2018 en Centrafrique, où ils assurent la sécurité rapprochée du président Touadéra.
Fin décembre 2020, une coalition de groupes armés qui contrôlaient alors plus des deux tiers de la Centrafrique avait lancé une offensive en direction de Bangui pour renverser le président à la veille de la présidentielle. Le chef de l'Etat, finalement réélu, avait alors appelé Moscou à la rescousse de son armée démunie et mal entraînée. Moscou assure avoir envoyé des "instructeurs non armés". Des combattants de Wagner, selon l'ONU et la France.
Depuis leur contre-offensive fulgurante, les militaires centrafricains, essentiellement grâce aux paramilitaires russes, ont regagné la majeure partie du territoire, poussant les rebelles hors des villes et de leurs principaux bastions. Leur but : reprendre le contrôle des principaux gisements d'or et de diamants.
La Centrafrique ouvre une enquête après l'arrestation de quatre militaires de l'armée française
https://www.france24.com/ 22/02/2022 - 21:52
Accusés sur les réseaux sociaux d'avoir voulu "assassiner" le président centrafricain, quatre militaires du corps de la Légion étrangère de l'armée française opérant sous la bannière de l'ONU, ont été arrêtés lundi après-midi à l'aéroport de Bangui. Une enquête a été ouverte mardi par la Centrafrique "pour faire la lumière sur les faits."
La Centrafrique a ouvert une enquête, mardi 22 février après l'arrestation la veille de quatre militaires du corps de la Légion étrangère de l'armée française opérant sous la bannière de l'ONU, a annoncé le procureur de la République à Bangui.
Les quatre hommes armés escortaient un général français de la force de maintien de la paix de l'ONU (Minusca) à l'aéroport, avaient assuré lundi l'armée française et l'ONU. Ils avaient été accusés sur les réseaux sociaux d'avoir voulu "assassiner" le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, ce que Paris et l'ONU ont démenti. "Le parquet a décidé de l'ouverture d'une enquête régulière pour faire la lumière sur les faits", a déclaré le procureur Laurent Lengande sur la radio d'État.
"Concours de circonstances"
"L'ambassade regrette vivement cet incident. Elle condamne son instrumentalisation immédiate sur certains réseaux malveillants et la désinformation grossière à laquelle elle donne lieu", écrivait la représentation diplomatique lundi soir.
"Ils étaient à l'aéroport pour escorter le général, c'est un concours de circonstances qui a fait qu'au même moment, l'avion du président Touadéra atterrissait", a expliqué l'état-major parisien des armées à l'AFP.
"Sans raisons particulières, ils ont été arrêtés par la gendarmerie centrafricaine alors qu'ils se trouvaient près de l'aéroport et des accusations relatives à une tentative d'attentat ont été portées via les réseaux sociaux", a poursuivi cette source.
Cet incident survient au moment où les relations entre la France et son ancienne colonie sont de plus en plus tendues, exacerbées par une féroce guerre d'influence entre Paris et Moscou, dans ce pays en guerre civile depuis 2013.
La France reproche à la Centrafrique d'être "complice" d’une campagne antifrançaise orchestrée par Moscou notamment par d'innombrables trolls sur les réseaux sociaux et dans certains médias. Et Moscou reproche à Paris d'accuser la compagnie de sécurité privée russe Wagner d'avoir fait main-basse sur le pouvoir et les ressources du pays.
"Une tentative de manipulation de l'opinion publique"
Dans un communiqué, la Minusca a "regretté cet incident et condamne vivement son instrumentalisation sur les réseaux sociaux, dans une tentative de manipulation de l’opinion publique". "Elle rejette catégoriquement les accusations d’atteinte à la sûreté de l’État", conclut la force de maintien de la paix.
La Minusca compte environ 15 000 militaires et policiers dans ce pays parmi les plus pauvres du monde et en guerre civile depuis près de neuf ans.
Fin décembre 2020, une coalition de plusieurs des groupes armés qui contrôlaient alors plus des deux tiers de la Centrafrique avait lancé une offensive en direction de Bangui pour renverser le président Touadéra à la veille de la présidentielle.
Le chef de l'État, finalement réélu, avait alors appelé Moscou à la rescousse de son armée démunie et mal entraînée et des centaines de paramilitaires russes étaient venus s'ajouter à de nombreux autres présents depuis trois ans. Des "instructeurs non armés" assure Moscou, des combattants de Wagner selon l'ONU et la France, qui les accusent de commettre des violations de droits de l'Homme.
Depuis leur contre-offensive fulgurante, les militaires centrafricains, essentiellement grâce aux paramilitaires russes, ont regagné la majeure partie du territoire, poussant les rebelles hors des villes et de leurs principaux bastions. Ces derniers mènent aujourd’hui des actions furtives de guérilla contre les forces de sécurité et les civils.
Avec AFP