http://www.ouest-france.fr/ PAR FRÉDÉRIC SALLE 06 Novembre
La Nazairienne de 21 ans repart dans quelques jours en Centrafrique, pays miné par la guerre et la misère. Là-bas, pour une toute petite ONG, elle recherche les familles des enfants de la rue.
Lorsqu’elle raconte le début de sa journée, Justine Guidoux en dit déjà beaucoup sur sa nouvelle vie en Centrafrique. « J’arrive au centre le matin, vers 8 h, et les enfants courent derrière la voiture en criant : « Maman Justine, Maman Justine »… Dire bonjour à tout le monde, ça peut prendre une bonne heure. » La jeune femme de 21 ans est à Saint-Nazaire pour quelques jours en famille, mais son avenir et ses projets sont à Bangui. La fondation « Voix du cœur », une petite organisation non gouvernementale aux faibles moyens, l’attend avec les 60 garçons et filles de 5 à 18 ans qui y sont hébergés. Des enfants de la rue qui ont trouvé momentanément un toit et beaucoup d’aide. Dans cette capitale de la Centrafrique qui entasse près d’un million d’habitants, ils sont 6 000 selon l’estimation officielle.
Éducatrice
Depuis le coup d’État de 2013, le pays est rongé par la guerre. L’intervention de l’armée française et le déploiement de casques bleus assurent une stabilité minimale entre deux poussées de fièvre : exactions, fausses croyances, sentiment anti-français. Justine Guidoux connaissait le tableau. Son compagnon, Anthony Fouchard, autre jeune Nazairien, journaliste, est installé là-bas depuis 2014. Correspondant de RFI, France 24 et de Ouest-France, il lui a présenté les intervenants de la fondation « Voix du cœur », affaiblie par le manque de bénévoles.
Diplôme d’éducatrice spécialisée en poche en juin dernier, Justine a choisi de se donner « une année sabbatique ». De juillet à octobre, elle a commencé sa mission, « seule Occidentale parmi les bénévoles », avec un sens du contact qui a fait mouche auprès des enfants perdus. « La destruction de la cellule familiale est une conséquence des conflits. Le double mariage fait que des enfants de la première femme sont parfois rejetés. D’autres ont perdu leurs parents lors des déplacements de population. » Sa mission donc ?« Reconstituer la véritable histoire de l’enfant, savoir s’il est prêt au retour. Il faut prendre contact avec sa famille, comprendre si elle veut l’accueillir, le scolariser. »
Détective
Dans les rues en terre de Bangui, l’éducatrice doit aussi enfiler le costume de « Justine détective », chercheuse de parents. « On embarque le gamin sur la moto dans les étroites ruelles et on cherche la bonne porte à partir de ce qu’il a raconté. » Le quotidien est prenant, « les sentiments à fleur de peau. Les enfants peuvent être surpris que je leur parle doucement. » Certains préfèrent aller« à la lutte » qu’à l’école. La « lutte », c’est un regroupement d’enfants des rues qui mendient. L’argent collecté ou la nourriture sont aussitôt partagés dans cette hyper-organisation de la survie. « Ils n’ont connu que la guerre. Certains ont vu des atrocités. Leurs jouets, ils les sculptent dans la terre argileuse. Ce ne sont que des blindés et des avions de guerre. »
La dureté de la situation aurait pu la faire fuir. Le ravitaillement en produits de première nécessité est chaotique. Et la vie est dangereuse à Bangui, certains quartiers désormais infréquentables.« Ces quatre mois, c’était un test. Je me suis adaptée. » Alors elle va y retourner, mi-novembre avec son projet « Je suis un enfant de la rue » pour lequel elle a ouvert une plate-forme de financement (1). Justine a collecté 2 000 €, « presque mon objectif », en attendant une éventuelle bourse sollicitée à la mairie de Saint-Nazaire.
« On encaisse »
La fondation « Voix du cœur » n’a pas de quoi rémunérer les intervenants. Et les ONG internationales, débordées sur les immenses camps de réfugiés, n’ont pas de moyens à donner pour sauver ces enfants. « Finalement, ils n’intéressent personne », dit Justine. Alors, elle va y retourner. Avec ses cahiers et ses crayons de couleur, son cœur gros et sa bonne vieille volonté de demoiselle devenue « Maman Justine ». Avec l’espoir d’être utile au milieu du fracas. Comme lorsqu’elle a accompagné deux enfants venus dans la jungle urbaine pour une vie meilleure, mais accusés de sorcellerie et menacés de mort. « Il a fallu trouver un avion pour qu’ils retrouvent leurs parents en brousse. Ici, on encaisse. Et puis il y a des petites victoires comme ça. »
(1) Il est encore temps d’aider Justine Guidoux à boucler son projet sur http://fr.ulule.com/reinsertion-bangui/