Le pape François veut se rendre à Bangui les 29 et 30 novembre prochains L'Armée française essaie de l'en dissuader pour des raisons de sécurité. "Hors de question, a répondu le souverain pontife".
C'est un voyage hors-norme que prévoit le pape François. D'habitude, le programme est publié des mois à l'avance. Là, le Vatican vient de le faire. On s'attendait à une visite réduite à quelques heures, adaptée à la situation explosive du pays, sans grande messe en plein air par exemple. Chaque semaine en moyenne, cinquante personnes seraient tuées par les violences. Le souverain pontife a prévu de passer vingt-six heures sur place.
Son programme comporte une rencontre dans un camp de réfugiés, une visite au palais présidentiel puis aux communautés chrétiennes, une veillée de prière, une nuit sur place, une rencontre avec la communauté musulmane à la mosquée de Bangui, et une messe dans le stade de la capitale qui devrait attirer des centaines de milliers de fidèles, y compris des pays voisins.
La Centrafrique s'en remet à Dieu
François "veut se présenter en Centrafrique en héros de la paix", nous dit le vaticaniste Jean-Marie Guénois. Il veut faire avancer la réconciliation avec les musulmans dans un pays à 80% chrétien. Pour la Centrafrique, cette visite est une chance. La présidente Catherine Samba Panza le prient de ne pas annuler. Peut-elle se porter garante de la sécurité du pape ? "On ne peut jamais se porter totalement garant de la sécurité de qui que ce soit. Même en France, il y a eu des problèmes de terrorisme", argue-t-elle.
Elle explique avoir reçu le nonce apostolique qui lui a demandé : "Madame la présidente, pensez-vous que le pape ne doit pas venir ? Dites-le nous !" Elle lui a répondu que le pape devait venir. "L'arrivée du pape sera une grande bénédiction, et je tiens à ce qu'il vienne quel que soit le destin qui nous sera réservé. Je crois que par la grâce de Dieu le pape viendra et il n'y aura rien", insiste-t-elle.
La présidente par intérim, qui tente d'organiser des élections en décembre, s'en remet au destin et à Dieu. C'est ce qui inquiète les militaires français qui sont sur place. Au point que depuis un mois, le ministère français de la Défense a tout essayé pour le convaincre de renoncer. "On se heurte à un mur", nous dit-on dans l'entourage de Jean-Yves Le Drian, qui laisse entendre que les services de sécurité du pape eux-mêmes sont très préoccupés et regrettent de ne pas avoir pu convaincre le pape.
Pour François, les militaires font de la surenchère
La France a 900 militaires français sur place dans le cadre de l'opération Sangaris. "Il n'y aura pas de renfort pour la visite papale", fait savoir le ministère de la Défense qui s'inquiète de la sécurité du pape, mais aussi et surtout des pèlerins. La peur, c'est que les rassemblements de foule soient l'occasion de provocations d'un camp ou de l'autre : des ex-Séléka (de confession musulmane) ou des anti-Balaka (des groupes d'autodéfense chrétiens). Si Paris s'exprime aujourd'hui aussi publiquement, c'est aussi un peu pour se dédouaner. Si les choses tournent mal, elles ne veulent pas être tenues pour responsables.
Dans ce contexte vraiment inhabituel, peut-on peut imaginer que François renonce à sa visite ? C'est toujours possible. La Centrafrique est à la fin de la tournée papale en Afrique. Il se rend au Kenya, puis juste à côté en Ouganda. Il peut facilement annuler l'étape en Centrafrique. Les Français voudraient au moins qu'il écourte sa visite. Mais on a affaire à un pape opiniâtre, qu'on commence à connaître. Il est persuadé que les militaires font de la surenchère.
Jamais, au moins depuis Jean Paul II, aucun voyage papal dont le programme a été publié n'a été annulé. En 2014, François tenait absolument à se rendre en Irak en revenant de Corée. Il a dû renoncer, mais rien n'avait été annoncé. Il avait dit dans une interview il y a un an : "Dieu est bon pour moi, il m'a donné une bonne dose d'inconscience. Je fais ce que j'ai à faire".