Par RFI 06-03-2016 Modifié le 06-03-2016 à 20:27
Les rebelles de la LRA font moins parler d'eux et sont plus faibles qu'il y a quelques années, mais ils n'ont pas disparu. C'est ce qui ressort d'un rapport publié par les ONG The resolve et Invisible children. Créée dans les années 1980 en Ouganda, l'Armée de résistance du Seigneur est toujours active, essentiellement en Centrafrique et en République démocratique du Congo. Selon ces deux ONG, la LRA est capable de reconstruire une force de combat, si on lui en laisse l'occasion.
La LRA se livre toujours aux pillages et surtout à de nombreux enlèvements. Depuis le début de l'année, les rebelles ont capturé 217 personnes en Centrafrique. C'est quasiment deux fois que pour toute l'année 2015.
Souvent, ces personnes enlevées sont utilisées comme porteurs, après les pillages et sont rapidement relâchées, mais une quarantaine d'enfants sont toujours aux mains de la LRA.
Il est trop tôt pour dire si le groupe compte en faire des enfants-soldats, mais il faut noter que ces derniers mois, la LRA a intégré des dizaines d'enfants.
Les rebelles cherchent à former au moins une partie des personnes capturées, parce qu'ils ne peuvent plus recruter en Ouganda et qu'ils ont dû faire face à des défections dans leurs rangs. Ils choisissent des jeunes entre 10 et 20 ans, en bonne santé, capables de marcher longtemps, de travailler et de participer à des attaques.
Cela inquiète les ONG de lutte contre la LRA. Elles préviennent que le groupe est capable de reconstruire une force de combat, si on lui en laisse l'occasion, et demandent aux pays concernés, c'est-à-dire principalement la Centrafrique et la République démocratique du Congo, de prendre des mesures pour protéger les civils.
La LRA mène des attaques loin de ses bases pour éviter que ses chefs ne soient repérés. Par exemple, il y a peu de violences dans l'enclave de Kafia Kingi entre le Soudan et la Centrafrique, car c'est là que se trouve le leader du groupe, Joseph Kony.
Mode opératoire de la LRA en Centrafrique et en RDC
En Centrafrique, les rebelles ont mené plusieurs attaques importantes au début de l'année, ils ont pillé, brûlé un village entier et s'en sont pris aux civils. C'est nouveau : il y a quelques mois, Joseph Kony avait demandé à ses hommes de ne pas piller. Il avait mis en place une nouvelle tactique, observée surtout en République démocratique du Congo : les rebelles installent des barrages le long des routes, arrêtent de petits groupes ou juste un couple, donnent de l'argent à l'un d'entre eux pour qu'il aille leur chercher des provisions ou du matériel en ville et jusqu'à son retour, ils gardent l'autre en otage.
La LRA dirige aussi de petites équipes de braconniers qui ramènent des défenses d'éléphant du parc national de Garamba. En Centrafrique, c'est un autre type de trafic : les rebelles attaquent surtout des mines de diamants. Et quand ils visent directement des civils, ils choisissent le plus souvent des forêts isolées pour ne pas être repérés.
lien url pour lire le rapport sur l'état de la LRA en 2016
http://webinvisible.wpengine.netdna-cdn.com/wp-content/uploads/2016/03/LEtat-de-la-LRA-en-2016.pdf
Extraits du rapport :
D. LES ENLEVEMENTS ET LE RECRUTEMENT D’ENFANTS CONTINUENT
Même les officiers supérieurs les plus notoires de la LRA dépendent des femmes et des enfants enlevés pour leur survie au quotidien. Les femmes et les enfants recueillent la nourriture et l’eau, cuisinent, portent les possessions de camp en camp, et servent d’épouses forcées et parfois de combattants. Kony et les autres commandants de haut rang comptent particulièrement sur les femmes et les enfants victimes captifs de longue durée (ceux qui ont passé au moins six mois en captivité dans LRA) parce qu’ils comprennent les exigences logistiques de la LRA au quotidien. La LRA est également incapable de recruter des hommes Ougandais pour remplacer ceux qui font défection ou sont tués, ce qui rend le groupe de plus en plus dépendent des personnes enlevées en RCA et au Congo pour remplir les échelons inférieurs de ses rangs.
La sagesse qui prévaut au cours des dernières années a été que la LRA est trop faible et désorganisée pour recruter et retenir de nouveaux captifs, créant l’impression que le groupe est toujours en baisse. Et en effet, la plupart des enlèvements de la LRA depuis 2012 ont été intentionnellement temporaires, ciblant généralement les adultes qui sont obligés de porter les biens pillés vers les camps de la LRA à distance avant d’être libérés. Cependant, depuis la mi- 2014, les commandants de la LRA ont lancé plusieurs raids ciblant les enfants, dont des dizaines ont depuis été intégrés dans le groupe.
L’une des opérations de recrutement les plus audacieuses s’est produite à partir de Octobre 2014 jusqu’en Février 2015, lorsque les forces de la LRA ont enlevé 17 enfants et jeunes dans les préfectures de la Ouaka et Nana-Gribizi dans l’est de la RCA qui sont plus à l’ouest que la zone opérationelle typique de la LRA. Les trois premiers enfants ont été enlevés en Octobre 2014, lorsque le groupe de Onencan Unita a enlevé et intégré deux jeunes femmes et un garçon près de Atongo-Bakari dans la Ouaka. Entre Décembre 2014 et Février 2015, un groupe de la LRA a enlevé 14 enfants supplémentaires dans le village de Morobanda dans la préfecture de Nana Gribizi, à des centaines de kilomètres de la zone normale de l’ensemble des opérations. Un an après les raids de Morobanda, les forces de la LRA ont réussi à conserver la plupart de leurs recrues forcées, à l’exception de six enfants et une femme qui ont réussi à s’échapper après des mois de captivité.
Au Congo, le groupe dissident de Achaye Doctor a lancé une opération de recrutement similaire au début de l’année 2015. Dans une série d’attaques contre des villes de l’ouest de la province du Bas Uélé, son groupe a enlevé environ 15 garçons Congolais et 11 jeunes femmes Congolaises. Les garçons ont depuis reçu une formation aux armes à feu et beaucoup ont été affectés comme gardes du corps aux commandants Ougandais. La plupart des filles et des jeunes femmes ont été distribuése aux combattants Ougandais comme “épouses”, tandis que l’une aurait été donnée comme “épouse” à un combattant Congolais qui a été enlevé en 2008. Il est très rare pour les combattants non-Ougandais d’avoir des “épouses” dans la LRA, mais Achaye Doctor pourrait avoir assoupli ces règles quand il s’est séparé du contrôle de Kony. Le ciblage d’enfants par la LRA s’est intensifié au cours de la vague d’attaques dans l’est de la RCA au début de l’année 2016. La LRA a enlevé 54 enfants dans l’est de la RCA jusqu’à présent cette année, dont 41 sont toujours en captivité ou sont portés disparus. Ces 54 enfants représentent une proportion exceptionnellement élevée de l’ensemble des 217 personnes enlevées par la LRA en RCA jusqu’à présent en 2016.
Sur l’ensemble de 2015, la LRA a enlevé 113 personnes dans l’est de la RCA, seulement 16 d’entre eux étaient des enfants. Il est trop tôt pour estimer la probabilité que les commandants de la LRA vont essayer d’intégrer les enfants enlevés au cours des dernières semaines dans le groupe en tant qu’enfants soldats et ouvriers de camp ou bien les libérer après une période plus longue que d’habitude après avoir transporter les biens pillés. Les opérations de recrutement par des groupes de la LRA à la fin de l’année 2014 et au début de 2015 suggèrent que la LRA chercherait à former au moins une partie des personnes enlevées.
LA LRA DANS LE CONTEXTE
Depuis 2006, la LRA opère dans un vaste territoire qui englobe l’est de la RCA, le nord du Congo, l’ouest du Soudan du Sud et certaines parties du Sud-Darfour et de l’enclave de Kafia Kingi contrôlée par le Soudan. Cette région est parmi les plus reculées et marginalisées sur le continent, avec de rares infrastructures et une économie limitée. Les gens qui y vivent ne sont pas une circonscription notable pour quatre capitales, rendant les élites dirigeantes peu enclines à répondre directement à la violence de la LRA ou à demander des interventions internationales plus robustes.
L’explosion de conflit civil en RCA et au Soudan du Sud depuis 2013 a encore plus mis à l’écart cette crise, alors que les tensions géopolitiques continuent entre Kampala et Kinshasa et entre Kampala et Khartoum ont inhibé la coordination transfrontalière pour empêcher les refuges de la LRA. Pendant ce temps, la violence de la LRA a exacerbé les tensions sectaires entre les communautés agricoles et les communautés d’élevage, et les tensions politiques entre les communautés touchées par la crise et leurs gouvernements - des conséquences qui pourront survivre à Kony lui-même.
A. LE MANQUE DE PRÉSENCE ÉTATIQUE DANS L’EST DE LA RCA
Le gouvernement Centrafricain a longtemps eu une présence limitée dans l’est de la RCA, laissant un espace relativement non-gouverné à la merci de divers groupes armés non étatiques. La LRA a lancé ses premières attaques majeures dans l’est de la RCA au début de l’année 2008 quand ils ont enlevé des dizaines de personnes dans plusieurs attaques près de la ville d’Obo en toute impunité. En 2009, suite à l’attaque de l’Armée Ougandaise sur leurs bases dans le Parc National de la Garamba au Congo, Kony et d’autres hauts dirigeants de la LRA ont fui vers l’est de la RCA, en espérant qu’ils pourraient échapper à la pression militaire. L’ancien président centrafricain François Bozizé avait peu d’intérêt à la protection des civils dans le sud-est de la RCA, mais il a permis aux troupes Ougandaises d’entrer dans le pays pour poursuivre la LRA .
Cette autorisation a évolué en une externalisation de toutes les opérations de lutte contre la LRA aux troupes Ougandaises de la RTF, qui ont opéré sur une grande partie de l’est de la RCA entre 2009-2012.5 Pour échapper aux troupes Ougandaises de la RTF, les forces de la LRA se sont déplacées plus au nord en 2010, se heurtant à plusieurs reprises avec des combattants du groupe rebelle UFDR, à qui Bozizé avait cédé le contrôle de Sam Ouandja et d’autres zones d’extraction de diamants en Haute Kotto en échange de promesses de ne pas menacer son régime à Bangui. Malgré cet arrangement, la marginalisation constante de l’est de la RCA par Bozizé a contribué à la décision de l’UFDR et plusieurs autres groupes rebelles de s’unir brièvement pour former la coalition Séléka et renverser son gouvernement en Mars 2013.
L’explosion ultérieure des tensions sectaires a non seulement relégué la crise de la LRA au second rang, mais elle a aussi créé plus d’espace pour que la LRA puisse opérer. Le coup a ralenti les opérations contre la LRA pendant plusieurs mois et a forcé les États-Unis à renoncer à une base nouvellement construite dans la ville de Djemah et à consolider la présence de leurs conseillers militaires dans la ville plus sûre d’Obo. À la fin de 2013, les groupes de la LRA ont capitalisé sur la recrudescence de l’insécurité pour établir le contact avec les forces ex-Séléka près de la ville de Nzako, en transitionnant d’une relation antagoniste vers une relation mutuelle et opportuniste.
L’est de la RCA continue d’être dirigé par une mosaïque de groupe étatique, non-étatique, et des groupes armés internationaux. Les troupes Ougandaises de la RTF et conseillers américains, avec l’autorisation de l’UA et le gouvernement Centrafricain, ont la responsabilité exécutive de la sécurité dans le Haut Mbomou et Mbomou. Les troupes de la mission de paix en RCA (MINUSCA) contrôlent plusieurs grandes villes du Mbomou et le sud-ouest la préfecture de la Haute-Kotto, comme Bangassou et Bria. Les forces de l’ex-Séléka contrôlent la plupart des zones de la Haute Kotto au nord et à l’est, y compris Ouadda et Ouanda Djalle. Les forces militaires de la République Centrafricaine sont déployées en petit nombre dans plusieurs villes, mais ont peu d’influence. La LRA continue d’exploiter les lacunes dans ce patchwork des forces de sécurité, en utilisant l’est de la RCA pour le transport illicite d’ivoire, d’or et de diamants et pour piller la nourriture et d’autres fournitures nécessaires. Avec le gouvernement Centrafricain et les troupes internationales qui jusqu’à présent ne protègent pas suffisamment les civils dans l’est de la RCA contre les attaques de la LRA, ces derniers mois les forces des ex-Séléka ont lancé plusieurs déploiements unilatéraux contre les groupes de la LRA. Bien que ces déploiements aient conduit à peu de choses jusqu’à présent, cela pourrait renforcer la crédibilité et la légitimité des forces des ex-Séléka parmi les populations locales et discréditer les efforts visant à développer la présence d’un état efficace et crédible dans l’est de la RCA.