Suite aux multiples refus du gouvernement de répondre aux interpellations du parlement, des tensions statistiques étaient très palpables mettant en danger la cohésion du jeu démocratique et le bon fonctionnement des institutions étatiques. Remontés contre le non versement des fonds de fonctionnement de l'assemblée nationale par le gouvernement, les parlementaires ont commencé à murmurer en coulisses leur intention d'opposer une motion de censure à l'actuel gouvernement. Pour des raisons encore inconnues, le chef du gouvernement a décidé de répondre favorablement à l'énième interpellation des parlementaires.
Dans son allocution liminaire, le chef du gouvernement n'avait d'autres arguments pour justifier leur retrait que de s'excuser, de demander un "piteux pardon" au nom de son gouvernement avec drapeau et bible à la main et de promettre les députés comme un petit enfant qui reconnaît ses bêtises que ses erreurs ne se reproduiront jamais, qu'il tirera in fine les leçons de ce malentendu. En outre, il faut noter que la confession par définition est un aveu de pêchés en vue d'obtenir l'absolution. Ce volt-face du premier ministre laisse le citoyen lambda dubitatif et ce dernier ne peut se priver de la curiosité de comprendre à travers des interrogations : qu'est-ce qui justifient les changements d'attitude et de comportement du premier ministre ?
Quelle est la motivation du changement de cap ? Le chef du gouvernement a t-il reçu des remontrances ou injonctions de la part du Président de la République ? Ce pardon renforcera t-il sa posture de chef du gouvernement ? Le pardon/aveu de culpabilité prolongera t-il ses jours ? Pourquoi un si long silence pour que le pénitent premier ministre accepte de répondre aux interpellations des députés ? En se confessant et en optant pour le profil-bas, le premier ministre a t-il échappé à une motion de censure ?
Notre enseignant/premier ministre a t-il confondu pardon et excuse ? Pardonner est-elle synonyme d'oublier ? Toutes les fautes sont-elles pardonnables ? Après le pardon, ce sentiment de culpabilité est-il effacé ? Autant d'interrogations sans réponses qui laissent perplexe le citoyen lambda qui se permet de poser la dernière et ultime question : la paix est-elle encore possible sachant que la crise n'est pas centrafricaine ?
De prime abord et au-delà de toute considération, nous tenons à apprécier, à féliciter l'humilité et le courage du premier ministre car il a demandé pardon au nom de son gouvernement et il a accepté endosser la responsabilité des actes des membres de son gouvernement. Il a été démontré que le pardon même dépourvu de sincérité n'est pas une faiblesse mais une vertu car il libère, apaise les tensions. Le pardon relève de la morale, et si les parlementaires entendent sanctionner ultérieurement le gouvernement, rien ne les empêche selon les termes de la constitution.
L'absence du ministre de La Défense à la séance animée et axée sur la sécurité sonne comme une insulte à l'égard des députés mais le jeu démocratique a obligé le chef du gouvernement de répondre lamentablement à sa place. Il est ressorti de ses interventions sur les questions sécuritaires un manque chronique de carrure et de finesse politique pour espérer diriger un gouvernement en temps de crise.
Ces piteuses interventions ressemblaient à une causerie de rue démontrant au passage que le mode de gestion est basé sur des rumeurs et ragots de basse classe. Cette situation, plus particulièrement la question du député du Mbomou sur la reprise des hostilités et le niveau sécuritaire jamais atteint depuis les indépendances, met à nu son incompétence à ramener la paix, à restaurer l'autorité de l'Etat sur l'étendue du territoire national, son incapacité à circonscrire et à extirper le mal.
Ensuite, il n'est pas parvenu en tant que premier ministre à connaître le comment du pourquoi des tueries et certains de ses propos sur la sécurité frôlent la vulgarité. Notre étonnement est encore si grand car un premier ministre qui est responsable des actions gouvernementales devant le parlement ne maîtrise visiblement pas les questions vitales de la nation et demande à tour de rôle aux ministres de s'expliquer, une sorte de les inviter chacun à prendre ses responsabilités. Notoirement, le gouvernement ne dispose pas de programme d'action sur le volet sécuritaire. C'est un pilotage à vue, ce qui explique le manque de lisibilité qui étouffe le minimum d'effort fait par le gouvernement.
Pour finir, nous rappelons à la classe politique centrafricaine que la question sécuritaire dépasse tous les clivages et nécessite la contribution de tous bords à condition que le pouvoir veuille bien associer toutes les forces vives de la nation. La classe politique centrafricaine doit comprendre qu'avant de se projeter en 2021, il faut d'abord contribuer positivement à la pacification du pays, à la restauration de l'autorité de l'Etat et à la sauvegarde de l'intégrité du territoire national. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c'est moi.
Paris le 26 mai 2016
Bernard SELEMBY DOUDOU
Juriste, Administrateur des Elections.