Par Jules Crétois
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Portrait : Toussaint Muntazini Mukimapa, procureur de la Cour pénale spéciale de la Centrafrique
www.adiac-congo.com Jeudi 1 Juin 2017 - 14:15
Le haut magistrat, originaire de la RDC, vient d’effectuer son premier séjour à Bangui, en Centrafrique, depuis le jeudi 25 mai dernier. Il a comme mission d’enquêter sur les crimes commis par les groupes armés depuis 2003. Créée en 2015, la Cour pénale spéciale (CPS) centrafricaine a pour mandat d’enquêter, de poursuivre et de juger les crimes résultant de violations graves des droits de l’homme en RCA.
Le 15 février 2017, le président de la République centrafricaine, Faustin Archange Touadéra, a nommé Toussaint Muntazini Mukimapa, originaire de la République démocratique du Congo (RDC), au poste de procureur près la Cour pénale spéciale (CPS) de la République Centrafricaine. Il définira l'orientation des enquêtes et donc des futurs procès. Licencié en droit de l’université nationale du Zaïre (Campus de Kinshasa) en 1977, option Droit privé et judiciaire, le colonel Toussaint Muntazini a gravi tous les échelons de la magistrature militaire depuis le grade judiciaire de substitut de l’auditeur militaire de garnison jusqu’à celui de premier avocat près la haute Cour militaire, soit, le deuxième rang hiérarchique après celui d’auditeur général, chef de corps des magistrats militaires des parquets. Toussaint Muntazini Mukimapa a effectué l'essentiel de sa carrière au ministère de la Défense en RDC. Il est un habitué des instances internationales, respecté dans le milieu de la justice. Avant sa nomination au poste de procureur de la CPS ,il était, depuis 2003, directeur de cabinet de l'auditeur général des forces armées en RDC. À ce poste, le colonel Muntazini a notamment accompagné les agences onusiennes et les ONG dans l'appui aux juridictions. Magistrat militaire depuis la fin des années 1970, il a contribué à un certain nombre de condamnations dans des dossiers de crimes internationaux : crimes de guerre ou crimes contre l'humanité.
Point focal de la CPI en RDC
En effet, le nouveau procureur de la CPS était aussi le point focal de la Cour pénale internationale (CPI) auprès de la justice militaire congolaise. A ce titre, il a joué un rôle majeur dans la mise en place des instruments juridiques censés faciliter l’interaction de la justice militaire congolaise avec la CPI sur l’aboutissement des procédures relatives aux ressortissants congolais déférés devant la CPI. Dans ce cadre, il a été évidemment un acteur de premier plan dans le transfèrement vers La Haye des Congolais Thomas Lubanga et Germain Katanga, condamnés par la CPI, et de Mathieu Ngudjolo Chui (par la suite acquitté). En 2015, Toussaint Muntazini avait initié un processus en RDC censé accélérer les procédures des poursuites des crimes internationaux qui relèvent de la compétence de la CPI. Lors de ses précédentes fonctions, indique-t-on, le haut magistrat congolais a, en coordination avec tous les partenaires de la justice militaire, contribué à la planification et à la mise en œuvre des activités de renforcement des capacités des acteurs judiciaires, particulièrement en matière de crimes internationaux et de ceux relatifs aux violences sexuelles. En outre, explique-t-on, son expérience de manager et de formateur, alliée à celle d’officier du ministère public, dont la carrière a été entièrement vouée à soutenir l’accusation dans des contextes post-conflits fort délicats, lui seront particulièrement utiles dans l’exercice de son actuelle fonction de procureur spécial de la CPS. « Les défis sécuritaires peuvent compromettre les enquêtes. Mais nous sommes là pour les affronter. Avant même de venir, j’étais conscient que beaucoup de défis allaient se poser à moi. Si j’ai accepté d’exercer ce mandat, c’est parce que je me sens prêt à affronter ces défis et je sens que j’aurais le soutien des autorités et du peuple tout entier », a déclaré le procureur de la CPS, lors de son séjour en Centrafrique.
Quid de la Cour pénale spéciale?
La Cour pénale spéciale de la République centrafricaine a été créée par la loi n°15.003 du 3 juin 2015. Elle est compétente pour enquêter, instruire et juger les violations graves des droits de l’Homme et les violations graves du droit international humanitaire, commis sur le territoire de la République centrafricaine depuis le 1er janvier 2003, telles que définies par le Code Pénal centrafricain et en vertu des obligations internationales contractées par la République centrafricaine en matière de droit international, notamment le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre objets des enquêtes en cours et à venir.
Il s’agit d’une juridiction spéciale intégrée dans le système judiciaire national pour une durée de cinq ans renouvelables. Elle applique le droit pénal et procédural centrafricain, avec la possibilité de se référer aux normes et règles internationales pour combler des lacunes ou insuffisances du droit national. Elle bénéficie d’une primauté de compétence vis-à-vis des autres juridictions nationales et travaillera en complémentarité avec la CPI qui a une primauté de compétence (elle se désistera au profit de la CPI en cas de besoin).
La Cour pénale spéciale est composée d’une chambre d’instruction, d’une chambre d’accusation spéciale, d’une chambre d’assises et d’une chambre d’appel. Elle est assistée dans ses actes quotidiens par un Greffe. Le Ministère public y est représenté par le Parquet du Procureur Spécial et la police judiciaire par l’Unité Spéciale de Police Judiciaire.
Elle bénéficie du concours d’un personnel international, soit 12 magistrats internationaux au moins (dont le Procureur Spécial International) et un Greffier international adjoint, aux côtés du personnel national, soit 13 magistrats centrafricains au moins (dont le Président de Cour) sans compter le personnel d’appui. A ce nombre s’ajoutent les officiers de police judiciaire de l’Unité Spéciale de police judiciaire qui sont tous Centrafricains.
Patrick Ndungidi
Vers une « congolisation » de la Centrafrique
http://mondafrique.com Par Aza Boukhris 1 juin 2017
Népotisme, clientélisme et affairisme expliquent que la Centrafrique vit sa crise la plus grave depuis l'indépendance
En février 2016, l’élection du « candidat du peuple et des pauvres », Faustin-Archange Touadera, ancien Premier ministre ( 2008-2013) du Président Bozizé, avait créé d’immenses espoirs pour le relèvement du pays. En juin 2017, les espoirs ont laissés place à une désillusion. Comme ses prédécesseurs, le président Touadera n’a pu résister au népotisme, au clientèlisme et à l’affairisme de son clan. Il donne l’illusion de présider, mais son territoire se réduit de jour en jour.
Massacres hebdomadaires
Jamais, la République centrafricaine n’a connu une telle crise à la fois humanitaire, sécuritaire et politique. Les ONG humanitaires et les Casques bleus ne sont même plus épargnés, près de 20 % de la population survit misérablement dans des camps de déplacés internes et de réfugiés externes, 70% de la population a besoin d’assistance alimentaire, les massacres quasi hebdomadaires se font en dehors des radars, les deux tiers des seize préfectures ( départements) ne sont plus vraiment contrôlées par Bangui, les services publics sont dévitalisés, beaucoup d’agents publics ne survivent que grâce à leur fonction, les institutions de contrôles financier et administratif ne fonctionnent plus depuis longtemps, la Justice est à l’arrêt sauf pour des affaires mineures tenant lieu d’alibis. L’impunité, pilier de survie du régime, provoque un appel d’air pour les mercenaires venant des pays voisins et constitue un climat propice aux trafiquants multicartes et aux hommes d’affaires véreux qui prospèrent dans cet eldorado minier et forestier.
Cette situation dégradée ne suscite que des condamnations verbales, bientôt à cours d’épithètes, mais pas de véritable pression politique de la part des bailleurs. Les plus hauts responsables de l »ONU, du FMI, de la BAD, de la Banque Mondiale se sont déplacés récemment à Bangui. Ils ont réaffirmé leur soutien fînancier à la Centrafrique, ce qui est heureux et indispensable, mais ils auraient dû aussi être beaucoup plus exigeants vis-à-vis du respect de l’Etat de droit et notamment dans les domaines de la comptabilité publique et de la Justice.
La congolisation de la Centrafrique
Les derniers événements dramatiques de la partie orientale du pays, s’ajoutant aux malheurs des habitants du nord-ouest, traduisent cruellement, à la fois, le faible impact de la Minusca sur la crise, malgré ses 12 000 Casques bleus, et l’incapacité des gouvernants centrafricains à construire un processus politique de réconciliation nationale. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de la République Démocratique du Congo (RDC) avec l’ONU présente depuis 1999 et une Monusco qui n’obtient pas de résultats concrets. Là encore, un pouvoir confortablement installé dans la capitale se contente de veiller à annihiler et combattre toute velléité d’opposition.
Les populations des deux rives de l’Oubangui et du Mbomou, faisant office de frontière sur 1577 km, appartiennent aux mêmes groupes ethniques, ce qui facilite les flux commerciaux et les trafics en tous genres. Cette osmose est facilitée par la disparition progressive des fonctions régaliennes en RDC et RDA. Les provinces congolaises du nord-Ubangui et du bas-Uele sont livrées à elles-mêmes depuis de nombreuses années, tandis que les services publics centrafricains ont aussi quasiment disparu, dans cette partie orientale du pays. Seules quelques villes-enclaves, contrôlées par la Minusca, comme Bambari, échappent au contrôle des bandes armées, qu’elles soient des résurgences de l’ex Seleka ou appartenant à la nébuleuse antibalaka.
La proximité des multiples rébellions congolaises constitue un danger de contamination en RCA et un facteur de risque de pérennisation de la crise centrafricaine. Cette congolisation n’était-elle pas présente dans la nomination subliminale du magistrat militaire congolais, le colonel Toussaint Muntazini-Mukimapa, dans les fonctions de Procureur général de la Cour Pénale Spéciale ?
Le contingent camerounais en Centrafrique pourrait passer de 750 à 1 000 soldats
Ce déploiement se fera dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en Centrafrique (MINUSCA), dont le but est d’aider les dirigeants de la République centrafricaine à faire face au regain d’insécurité, notamment dans la partie Ouest, frontalière avec le Cameroun.
Le Cameroun, qui compte déjà un contingent de 750 éléments en Centrafrique, pourrait envoyer 250 autres éléments pour permettre à ce pays en butte à une insécurité inquiétante de renforcer la sécurité des biens et des personnes.
Selon APA qui relaie cette information mercredi, des batailles entre bandes rivales qui ont fait plus de 100 morts ces deux derniers mois auraient amené les autorités centrafricaines à requérir une aide supplémentaire du Cameroun. Ces exactions ont provoqué le déplacement des populations et ainsi plus de 2000 personnes se sont réfugiées au Cameroun ces derniers jours.
Cette situation s’avère préoccupante dans la mesure où le Cameroun a accueilli au cours de ces quatre dernières années, près de 100 000 réfugiés centrafricains installés dans une dizaine de sites à l’Est du Cameroun, apprend-on.
L’on se souvient qu’en avril dernier, le ministre centrafricain de la Défense, Joseph Yakete, avait effectué une visite de travail au Cameroun, dans le cadre du renforcement de la coopération militaire entre les deux pays.
Le ministre centrafricain de la Défense nationale et son homologue camerounais, Joseph Beti Assomo, ont signé des accords qui permettront aux ressortissants de son pays de suivre des formations militaires au Cameroun.
Durant son séjour au Cameroun, le ministre centrafricain avait notamment visité l’École internationale des forces de sécurité (EIFORCES), l’École militaire interarmées (ÉMIA) et l’École supérieure internationale de guerre (ESIG).
Le 3e contingent des soldats camerounais de la MINUSCA, constitué de 750 soldats, est présent en Centrafrique depuis août 2016. La participation des militaires camerounais à la MINUSCA se fait désormais sur la base d’un contrat individuel, dans lequel sont précisés les droits et obligations des membres du contingent. Il s’agit désormais d’éviter tout malentendu, selon le Gouvernement camerounais.
En septembre 2015, 200 soldats camerounais de retour de Centrafrique avaient marché dans les rues de Yaoundé, la capitale du Cameroun, pour manifester contre le non-paiement des primes. Le Chef de l’État, Paul Biya, avait instruit le déblocage de près de 6 milliards de FCFA pour régler la situation. Il a par la suite signé un décret portant revalorisation de ces primes, les faisant passer de 250 000 FCFA par mois à 450 000 FCFA par mois et par soldat. Désormais, les soldats engagés dans les contingents camerounais de maintien de la paix sont assujettis à la signature d’un contrat.
LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE RISQUE DE REPLONGER DANS UNE CRISE MAJEURE
(Genève, 1er juin 2017) : La communauté internationale doit se rallier d'urgence derrière la communauté humanitaire qui s'efforce d'assister des milliers de civils en République centrafricaine, a annoncé aujourd'hui la Coordinatrice humanitaire dans le pays lors d'une réunion d'information aux États membres de l'ONU à Genève.
« La fréquence et la brutalité des attaques à Bangassou, Bria, Alindao et d’autres localités ont atteint des niveaux qui n’avaient pas été enregistrés depuis août 2014, » a déclaré Najat Rochdi, Coordinatrice humanitaire et Coordinatrice résidente des Nations Unies en République centrafricaine. « Il existe des signes profondément inquiétants de manipulation de la religion visant à déclencher la dernière vague d'attaques qui a secoué le pays. Il faut rapidement saisir ce qui pourrait présenter la dernière occasion d'empêcher une nouvelle escalade de la crise ».
De nouveaux foyers de violence ont émergé à travers le pays et d’atroces crimes intercommunautaires divisent et éparpillent le tissu social du pays. Au cours des deux dernières semaines, plus de 100 000 personnes ont été nouvellement déplacées. Dans la ville de Bria, au centre, la violence qui a éclaté à la mi-mai a déraciné plus de 40 000 personnes. En attaquant la ville de Bangassou, au sud-est, où la coexistence pacifique a résisté à tous les épisodes violents précédents, les groupes armés ont attaqué un symbole de cohésion sociale. Les combats ont tué plus de 100 personnes et contraint des milliers à fuir leur maison.
« Les communautés déplacées par ce regain de violence ont cherché refuge dans des zones que nous pouvons difficilement atteindre. Les acteurs humanitaires font face à des défis logistiques et de sécurité, aggravés par des déficits de financement, » a déclaré Mme Rochdi. « À moins que les acteurs humanitaires ne disposent de moyens suffisants, des dizaines de milliers de personnes parmi les plus vulnérables seront exclues de l'aide, plusieurs d’entre elles seront tuées, et des zones entières du pays se retrouveront abandonnées ».
La recrudescence de la violence a engendré un accroissement considérable du nombre de déplacés à l’intérieur du pays, comptabilisant aujourd’hui plus de 500 000 personnes pour la première fois depuis 2014. Un nombre presqu’autant élevé de personnes a trouvé refuge dans les pays voisins. Au total, aujourd’hui, plus d'une famille sur cinq a été obligée de quitter leur maison.
« Cette nouvelle escalade survient à un moment où les communautés en République centrafricaine ont désespérément besoin de relèvement et de reconstruction. Cette crise de plus en plus aigüe nécessite un engagement fort de tous les partenaires, » a déclaré Mme Rochdi. « Ce n'est pas le moment de laisser tomber la population de la République centrafricaine. Ce n’est pas le moment de renoncer à la paix ».
Les nouvelles urgences augmentent les besoins déjà immenses en assistance humanitaire, découlant d'une crise de quatre ans et aggravés par le manque d'infrastructures et de développement de nombreuses régions du pays.
En République centrafricaine aujourd'hui, près d'une personne sur deux dépend de l'aide humanitaire pour survivre, un rapport parmi les plus élevés au monde. Près de la moitié de la population est confrontée à l’insécurité alimentaire. Le plan de réponse humanitaire pour 2017 qui s’élève à 399,5 millions de dollars n'a jusqu'à présent reçu que 25% de financement.
Pour plus d’informations, veuillez contacter :
Jens Laerke, OCHA Geneva, laerke@un.org, Tel.: +41 22 917 11 42, Cell: +41 79 472 9750
Yaye Nabo Sene, OCHA RCA, seney@un.org, Cell: +236 70087565
Les communiqués de presse OCHA sont disponibles sur www.reliefweb.int
Centrafrique : La société civile exige l’extension des crimes recensés allant de 2003 à 2017
Par Auguste Bati-Kalamet le 1 juin 2017
1er juin 2017 (RJDH) –La société civile souhaite l’extension du rapport de la Minusca et du gouvernement sur la carte des violations graves commises dans le pays de 2003-2015 jusqu’en 2017. Propos soutenu par Fernand Mandendjapou deux jours après la publication du rapport par les Nations Unies
Le rapport de la Minusca est composé de 4 parties et plus 620 crimes graves y ont été consignés, crimes commis sur le territoire allant vers la fin du régime d’Ange Félix Patassé, de la rébellion à la prise de pouvoir et de la gestion de François Bozizé son tombeur, des violations graves ainsi que des crimes relevant du domaine de la cour pénale internationale ont été enregistrées et à mettre à l’actif des hommes de la Séléka entre 2012 et 2013, mais aussi à l’actif des Anti-Balaka. Sous Catherine Samba-Panza des crimes commis par les groupes armés sont aussi notés.
Selon Fernand Mandendjapou, il ne faut pas se contenter de ce rapport mais tenir compte des crimes qui se poursuivent encore. « La crise persiste dans la mesure où les rebelles continuent de tuer, violer et piller les ressources naturelles et minières, ce n’est pas tout- à-fait normal. Le recensement des crimes doit prendre en compte des faits et crimes allant au-delà de la période de 2003-2015, en y intégrant ce qui se passe à Bria, Bangassou et autres », suggère-t-il.
Il a annoncé la volonté de collaborer avec la Cour Pénale Spéciale. « Il faut appuyer le gouvernement en dressant ce rapport qui le premier module sur lequel le procureur de la Cour Pénale spéciale avec son équipe doivent commencer à y travailler La société civile a la conclusion d’autres investigations que nous pourrons mettre à la disposition de la Cour, pour que justice soit faite », a-t-il dit avant de se féliciter du fait que le rapport rejette l’amnistie.
Le rapport dont la société civile aimerait voir son extension a été rendu public trois jours après l’arrivée du Procureur de la Cour Pénale Spéciale. Document qui servira de bréviaire pour ladite cour de justice.
Centrafrique : 25 % des forces de défense et de sécurité manquent à l’appel pour le contrôle physique
Par Bienvenu Matongo le 1 juin 2017
BANGUI, 01 Juin 2017(RJDH)—25% des forces de défense et de sécurité dont l’effectif est estimé 10.399 manquent à l’appel pour le contrôle physique dans les corps de l’armée et les unités de la gendarmerie, quelques heures avant la fin de l’opération. C’est la conclusion partielle du contrôle effectué ce mois de mai à Bangui.
Dans le but de maitriser la masse salariale et assainir les finances publiques conformément aux exigences de la communauté financière internationale et partenaire financier du pays, le gouvernement a lancé le contrôle physique et de solde des hommes en treillis. Le constat révèle que 25% des hommes, soit environ 2.500 manquent à l’appel et sont considérés soit comme des déserteurs soit comme du personnel fantôme émargeant sur le budget de l’Etat.
Le contrôle a permis de desceller des disparités dans le solde selon des sources proches du dossier « notre mission est de faire la transparence en ce qui concerne la masse salariale des militaires. Nous constatons des écarts injustifiés notamment en ce qui concerne les hommes de rang qui touchent le solde des aides de camp ; nonobstant des hommes qui touchent le solde qui n’est pas inhérent à leur rang et grade », a indiqué le superviseur principal Augustin Féïgouto.
La supervision annonce des mesures disciplinaires pour ceux qui ne justifieront pas leur absence et projette un règlement pour la conformité. « Nous y pencheront de manière à ce que les déserteurs puissent être privés de solde et que ceux qui ont de contentieux par rapport à leur grade, soient mis à la disposition de l’état-major pour avis et examen au cas par cas », a-t-il ajouté.
Sous François Bozizé, un contrôle physique et de référence a été mené mais les conclusions n’ont pas été rendues publiques. Ce contrôle permet au gouvernement de faire d’ores et déjà l’économie d’une centaine de millions.
Centrafrique : Le personnel du CASDF accuse le conseil d’administration du détournement de fond
Par Nina Verdiane Niabode le 1 juin 2017
BANGUI, 01 Juin 2017(RJDH)—Le personnel du Compte d’Affectation Spéciale et du Développement Forestier a manifesté ce 31 mai à Bangui pour exiger quatre point dont le remboursement de 9 millions qui seraient détournés par le président du Conseil d’administration de cette structure sous tutelle du ministère des Eaux et forêts.
Il s’agit selon les manifestants l’annulation immédiate et sans condition des décisions portant le retrait du quitus de gestion sur les documents financiers et bancaires ; la résiliation du contrat de service du commissaire au compte et le remboursement de 9,5 millions qu’aurait détourné le président du Conseil d’Administration de CASDF.
Une action de soutien à l’action du directeur du CASDF en incompatibilité d’humeur avec la ministre qui envisage une action pouvant le destituer, selon Mesmin Sedoyoro délégué du personnel. « Présentement, la ministre est en train d’intenter une poursuite judiciaire contre le directeur ordonnateur du CASDF par rapport à ces trois points. C’est pourquoi, il a été décidé de suspendre le directeur. Ce problème a occasionné le retard dans le paiement de notre salaire et les arriérés des deux années écoulées », a-t-il expliqué.
La ministre Arlette Sombo Dibelé qui a reçu les manifestants dit les comprendre et a préféré mettre cela à l’actif de manque d’information. «Les manifestants sont en grève par absence d’information sur ce qui se passe au CASDF, mais je puis les rassurer qu’en dépit de tout une solution sera trouvée et c’est imminent », a-t-elle rassuré sans plus de détail.
Le CASDF est replacé sous le conseil d’administration en 2013 au même titre que certaines sociétés parapubliques.
Centrafrique : La municipalité de Bangui annonce la mise en circulation des pompes funèbres
Par Nina Verdiane Niabode le 1 juin 2017
BANGUI, 01 juin 2017 (RJDH)…La municipalité projette arrêter le transport des corps par des véhicules non-agréés et annonce la mise en circulation prochaine des pompes funèbres au service des usagers. L’annonce a été faite lors d’un point de presse commun du directeur général de la société Pompe funèbre Mongando et de la mairie à Bangui.
Le transport des corps à des fins d’obsèques dans la commune de Bangui par des véhicules non agrées est interdit, alors qu’à défaut des moyens logistiques adéquats, les véhicules non agrées continuent de le faire. Un secteur qui échappe à la municipalité. C’est dans ce contexte que la Mairie rappelle à l’ordre en rappelant les dispositions de l’arrêté municipal de 2004 après un accord avec la société pompe funèbre Mongando qui sous-traite avec la municipalité.
Selon les responsables communaux, l’application de cet arrêté vise à protéger la population, « la municipalité veut entrer dans la phase d’application interdisant le port des corps dans les véhicules particuliers afin d’éviter des catastrophes d’épidémies et des accidents de circulation » a expliqué Ferdinand Songuelema, conseiller juridique à la mairie de Bangui.
L’arrêté permet l’enterrement dans la dignité des disparus, « les corps doivent bénéficier de leur dernier honneur car la manière dont les gens se comportent pendant les inhumations n’est pas appréciable », a-t-il ajouté.
Guy-Max Mbotto Matha, Directeur Général de la société Pompe Funèbre rassure du nombre des pompes à satisfaire la demande. « Nous nous sommes entendus avec les directeurs des hôpitaux et mis d’accord pour qu’un corbillard fasse trois tours, donc il y’aura au total 24 tours au quotidien », a-t-il dit avant de préciser qu’il n’y a pas de prix standard.
La société sous-traitant dispose de 80% de revenu et la municipalité de Bangui se contente de 20%, selon les termes du contrat qui lie la mairie et la société Mongando, pompe funèbre.
Centrafrique : Les femmes de Bangassou s’insurgent contre les crimes
Par Fleury Agou le 31 mai 2017
BANGASSOU, 31 mai 2017 (RJDH)—Bangassou, Chef-lieu du Mbomou est sous la coupe d’une bande armée qui se réclame Autodéfense et s’est attaquée à la population civile et la force de la Minusca sur place. Exaspérées, les femmes de la ville ont manifesté ce matin dans les rues.
Dans la nuit du 13 mai 2017, une bande armée a attaqué la ville de Bangassou ciblant la population civile et les casques bleus de la Minusca. L’ONU déploie des moyens aériens pour briser l’étau qui se resserrait sur la base de ses hommes. Coïncidence : la présence du Cardinal Dieudonné Nzapalainga aura permis que les assaillants se retirent après les négociations. Mais une courte durée avec un calme précaire.
Le bureau de Ocha en Centrafrique a fait un bilan de 100 morts, de nombreux blessés, plus de 4.400 déplacés internes et un nombre important de la population a traversé la rive pour se réfugier en RD Congo.
« Traumatisées » par ces tueries qui ont brisé la cohésion sociale entre les communautés, les femmes de Bangassou ont manifesté aujourd’hui les pieds-nus et pour certaines les seins nus pour dénoncer les crimes sur la population civile », a rapporté le Père Gaétan Kabasha, ancien curé de Bakouma.
A la fin de leur manifestation, le Collectif des Femmes ont remis un mémorandum aux autorités et il est signé par Léa Nabala. Dans cet exposé, les femmes ont demandé au Gouvernement centrafricain d’ « accélérer le DDRR, de déployer les Forces Armées Centrafricaines dans la ville, de libérer l’axe Bangassou-Bambari pour des trafics sans danger et enfin, d’appuyer les femmes traumatisées », exigent les participantes à cette marche.
Au contingent Marocain déployé dans la région d’« arrêter les tirs sur la population civile innocente, de faire des interventions ciblées, libérer l’axe Bangassou-Bambari et ramener la paix », a demandé les femmes.
En ce qui concerne les groupes armés, les dames ont demandé le démantèlement des barrières, la cessation des tirs et pillages, et la libération des établissements scolaire pour la reprise des cours.
Violences, vandalisme et déplacement de population:
A l’Est de la RCA, se déroule actuellement une tragédie. Dans le Mbomou et Haut-Mbomou, « certaines communautés de Zemio, Rafaï et autres petits villages ont déjà traversé vers le Congo. Du coup, les petits villages de l’autre côté (Ndu, Sahali, Dangobe, Kpete, Kanzawi, Gona etc.) ont accueilli les réfugiés centrafricains sans aucune présence des humanitaires pour les aider », a rapporté Gaétan Kabasha. A Mobaye, l’on rapporte que la population a trouvé refuge de l’autre côté de la rive en RDC.
La situation sécuritaire et humanitaire à l’intérieur du pays reste dégradée. Plusieurs incidents sont relevés par des acteurs humanitaires ainsi des actions de réponse. La résurgence des violences fait fuir 88.000 civils dont 20.000 réfugiés en RDC.
Centrafrique : Les habitants de Benz-Vi et Sica 3 dans la rue pour exiger de l’électricité
Par Auguste Bati-Kalamet le 31 mai 2017
BANGUI, 31 Mai 2017 (RJDH) –Ils sont plus d’un millier à descendre dans la rue et ériger des barrières pour exiger de l’Energie Centrafricaine (ENERCA) de l’électricité. Les manifestants conditionnent la levée des barrières par la reprise du courant dans le secteur.
Plusieurs localités de la capitale sont astreins à un programme de délestage de 8 heures de temps programmé par l’Enerca. Mais certaines localités n’ont pas d’électricité et s’indignent du non-respect du programme de l’Enerca. C’est dans ce contexte que les habitants de Sica 3 et Benz-Vi ont pris d’assaut l’avenue de France pour exiger du gouvernement l’électricité. Manifestation qui intervient quelque mois après les travaux effectués sur les installations de Boali 2.
Pancarte en mains avec des cris, nous pouvons lire des slogans hostiles à l’Enerca « trop c’est trop. La libération des voies conditionnée au rétablissement de l’électricité », peut-on lire et écouter au sein de la foule encadrée par la police et la gendarmerie.
Solange Rénéba, habitant le quartier Sica 3, a indiqué que ses réserves et ses affaires ne peuvent prospérer à cause de l’énergie « un mois et quelques semaines aujourd’hui, nous n’avons pas de courant. Mes réserves sont toutes gâtées parce que le congélateur n’est alimenté. L’Enerca ne pourra pas me rembourser cette perte alimentaire et financière », a-t-elle lâché.
Hervé Ninga, technicien en électronique est furieux parce que son entreprise est au arrêt à cause de l’Enerca, « c’est grâce à l’électricité que mon atelier de soudure fonctionne. Nous sommes pénalisés par ce manque d’énergie », avant d’ajouter que « si l’Enerca ne répond pas à nos exigences, la voie ne sera pas libérée » a-t-il dit.
Une source de l’Enerca parle du vandalisme comme cause de cette perturbation de l’électricité dans le secteur de Sica 3, « les gens ont volé une pièce sur le transformateur des tensions et c’est ce qui a fait que le secteur n’a pas de courant. Nous devons mobiliser de l’argent pour remettre ça. Vous voyez que cette même population qui vandalise et qui manifeste », a-t-il expliqué au RJDH.
Plusieurs autres secteurs de Bangui sont dans la même situation et projettent des manifestations. Pour certains quartiers, même si le courant y est, la tension est faible soit vient en deux fils.
Lors de cette manifestation un jeune d’une vingtaine d’année a été heurté et est transféré à l’hôpital. Plusieurs cas de braquage ont été enregistrés ces derniers temps dans les quartiers que la population attribue la faute à l’Enerca par défaut d’éclairage public.
Centrafrique : « La crise sécuritaire à Bria est une crise oubliée », selon le député Arsène Kongbo
Par Jean Fernand Koena le 31 mai 2017
BANGUI, 31 Mai (RJDH)—La crise à Bria localité située au nord-est de la République Centrafricaine est une crise oubliée. Propos du député de Bria 1 Arsène Kongbo lors d’une interview accordée au RJDH ce 31 mai à Bangui.
Le bilan des affrontements entre deux groupes armés, le FPRC et les Anti-Balaka est lourd, plus 700 maisons incendiées, 300 maisons pillées, et plus d’une centaine de morts et plusieurs blessés par balles et armes blanches sont enregistrés. Plusieurs personnes ont trouvé refuge dans 6 sites des déplacés et l’assistance humanitaire s’organise alors que les déplacés exigent la sécurité.
Arsène Kongbo confirme le chiffre de plus de 80% des déplacés et appelle à l’aide humanitaire en faveur des déplacés. « La situation humanitaire est d’autant plus grave que ce qui se passe à Bangassou, à Alindao. Les ONG humanitaires sont dépassées et dépourvues des moyens pour pouvoir venir en aide aux personnes déplacées et selon les informations reçues de ce matin, il a plu toute la journée d’hier et ce matin et les déplacés n’ont plus rien » s’inquiète-t-il.
Le député Arsène Kongbo salue l’approche de OCHA et fustige l’attitude de la Minusca « nous nous félicitons de ce que Dr Yao Koffi est en train de faire, mais je puis vous dire que notre rencontre avec les autorités locales laisse croire clairement le ras-le-bol de la population face à la prestation de la Minusca. La population exige le redéploiement de son armée pour être en sécurité » a-t-il insisté.
La Minusca est décriée à Bria dans un contexte où son n°2 Diane Corner annonce la volonté de déployer des troupes dans les zones considérées comme foyer de tension.
mercredi 31 mai 2017 (Agence de Presse Africaine)
APA - Dans un communiqué rendu public ce mercredi, la MINUSCA et l’UNICEF demandent à tous les groupes armés en Centrafrique de mettre fin au recrutement et à l’utilisation des enfants.
Selon ce communiqué « ces actes constituent des violations graves des droits de l’enfance pouvant hypothéquer leur avenir. »
La MINUSCA et l’UNICEF rappellent que l’utilisation des enfants par les groupes armés est contraire à leur engagement contenu dans l’accord signé le 5 mai 2015, en marge du Forum de Bangui.
Le point 3 de l’accord selon ces deux institutions stipule que les groupes politico-militaires s’engagent à « assurer la libération immédiate et inconditionnelle des enfants associés aux groupes armés et permettre à l’équipe spéciale des Nations Unies sur les enfants et les conflits armés et leurs partenaires d’accéder sans entraves et sans conditions aux zones sous leurs contrôles afin de vérifier la présence des enfants »
La MINUSCA et l’UNICEF appellent dans leur communiqué tous les groupes armés « à émettre des directives qui promeuvent la protection des civils et des enfants, interdisent le recrutement et l’utilisation des enfants, et demandent la libération de tous les enfants associés. »
La MINUSCA et l’UNICEF prennent note dans ce communiqué de la décision du Front Populaire pour la Renaissance de Centrafrique (FPRC), une des factions des ex sélékas, dans un document en date du 13 mai 2017, « demandant le strict respect et l’application de l’Accord de 2015 par ses éléments ».
Dans ce document, précise le communiqué, « le FPRC s’engage à recenser et à dissocier du groupe tous les enfants âgés de moins de 18 ans et à les remettre immédiatement à l’unité pour la protection de l’enfance de la MINUSCA et à l’UNICEF. Le groupe armé s’engage aussi à faciliter l’accès, la libre circulation et la sécurité des équipes techniques chargées de mener des missions de contrôle ».
Vers un nouveau contingent de 250 soldats camerounais en Centrafrique
APA – Douala (Cameroun) - mai 31, 2017 à 12:34 - Le Cameroun qui compte déjà un contingent de 750 éléments en Centrafrique, pourrait envoyer 250 autres éléments pour permettre à ce pays en butte à une insécurité inquiétante de renforcer la sécurité des biens et des personnes, a-t-on appris mercredi de sources sécuritaires.
Ce déploiement se fera dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en Centrafrique (MINUSCA), dont le but est d’aider les dirigeants de la République centrafricaine à faire face au regain d’insécurité, notamment dans la partie Ouest, frontalière avec le Cameroun.
D’après des témoignages concordants, des batailles entre bandes rivales qui ont fait plus de 100 morts ces deux derniers mois, auraient amené les autorités centrafricaines à requérir une aide supplémentaire du Cameroun.
Ces exactions ont provoqué le déplacement des populations et ainsi plus de 2000 personnes se sont réfugiées au Cameroun ces derniers jours.
Cette situation s’avère préoccupante dans la mesure où le Cameroun a accueilli au cours de ces quatre dernières années, près de 100 000 réfugiés centrafricains installés dans une dizaine de sites à l’Est du Cameroun.
En avril dernier, le ministre centrafricain de la Défense, Joseph Yakete, avait effectué une visite de travail au Cameroun, dans le cadre du renforcement de la coopération militaire entre les deux pays.
Le ministre centrafricain de la Défense nationale et son homologue camerounais, Joseph Beti Assomo, ont signé des accords qui permettront aux ressortissants de son pays de suivre des formations militaires au Cameroun.
Durant son séjour au Cameroun, le ministre centrafricain avait notamment visité l’Ecole internationale des forces de sécurité (EIFORCES), l’Ecole militaire interarmées (EMIA) et l’Ecole supérieure internationale de guerre (ESIG).
Centrafrique: un évêque espagnol dans l'enfer des violences de Bangassou
31/05/17 (AFP)
De l'Espagne à l'enfer de la Centrafrique: le prêtre andalou Juan José Aguirre Muñoz assume depuis quinze ans la lourde charge d'évêque de Bangassou, théâtre du dernier épisode de violence meurtrière à grande échelle dans ce pays ravagé par les groupes armés qui attisent la haine entre chrétiens et musulmans.
Né à l'ombre de la magnifique cathédrale-mosquée de Cordoue (sud de l'Espagne), l'homme d'église a débarqué en 1980 dans l'ex-colonie française, un an après le renversement du fantasque "Empereur" Jean-Bedel Bokassa.
"J'ai vécu 33 belles années. Mais depuis quatre ans, c'est l'inexorable descente dans l'abîme", soupire l'évêque à la barbe grisonnante bien entretenue, 63 ans le 5 juin, qui accuse sous des airs débonnaires le coup de la fatigue après des infarctus et des pontages coronariens.
Parlant parfaitement français et couramment sango, l'autre langue nationale de la Centrafrique, Aguirre Muñoz a vu son pays d'accueil et de coeur s'enfoncer en 2013 dans la spirale des haines communautaires entre groupes armés Sélékas pro-musulmans et anti-Balakas pro-chrétiens.
La nostalgie d'avant 2013 s'empare de lui, malgré la pauvreté chronique du pays: "Je suis arrivé à Obo, près de la frontière du Soudan, en tant que missionnaire combonien. C'est là que j'ai passé mes sept premières années. Je prenais ma mobylette pour aller visiter la quarantaine de chapelles à la frontière du Soudan. La nuit je dormais dans une cabane, complètement seul. J'en profitais pour prier, pour écrire. Et puis la journée on construisait des chapelles avec les gens".
Ordonné évêque de Bangassou en 2000, l'Espagnol devient vite une figure dans cette ville reculée à 470 km à l'est de Bangui, posée sur la frontière avec la République démocratique du Congo.
L'Andalou a gagné le respect des populations avec sa "Fondation Bangassou", soutenue par un site internet et des bénévoles jusque dans son Espagne natale. "On a créé quatre maisons dans le diocèse pour les vieillards séniles, ceux qui sont accusés de sorcellerie, plusieurs coopératives pour les jeunes, pour qu'ils apprennent les métiers comme menuisier, des écoles pour les enfants".
Son engagement en faveur du dialogue et de la paix lui a aussi valu le surnom d'"homme qui dialogue avec les groupes armés". L'Espagnol a vécu l'un des pires moments de son sacerdoce dans la nuit du 12 au 13 mai 2017, quand le quartier musulman de Bangassou a été attaqué par un groupe lourdement armé et organisé, des anti-Balakas d'après la Mission des Nations unies (Minusca).
L'assaut a fait 108 morts, 76 blessés et plus de 4.400 déplacés, selon le bilan de la Croix rouge centrafricaine et du bureau des Affaires humanitaires des Nations unies en Centrafrique (Ocha).
- Médiateur au coeur l'attaque -
Réveillé par les coups de feu, l'Espagnol s'est dirigé vers la mosquée, où la population musulmane avait trouvé refuge sur les conseils des Casques bleus, qui sont par la suite partis, affirme-t-il.
Le missionnaire a vu de ses yeux des hommes armés piller les boutiques et les maisons du quartier musulman. "Une centaine encerclait la mosquée. Moi, j'ai tenté de m'interposer plusieurs fois", se souvient l'Espagnol rencontré par l'AFP lors d'un reportage à Bangassou.
"Ils ont vu l'imam sortir. Ils lui ont tiré dessus. Il est tombé à genoux, blessé à mort. Quand je suis arrivé, je l'ai trouvé comme ça, puis je l'ai porté pour allonger son corps dignement. Les anti-Balakas m'ont hurlé dessus pour que je n'y touche pas", relate l'évêque, le visage encore marqué par l'émotion.
Des familles musulmanes fuyant leurs habitations ont ensuite trouvé refuge chez lui, à l'évêché. "Ici, c'est Rome, on est sous la protection de l'évêque, il ne peut rien nous arriver", racontait à l'AFP un musulman réfugié dans l'église.
Quelques jours avant l'assaut contre Bangassou, l'Espagnol avait été mandaté par la Minusca pour récupérer auprès des assaillants les corps de quatre Casques bleus tués dans l'assaut de leur convoi sur la route à 25 km de Bangassou. Déjà des anti-Balakas, d'après la Minusca.
"Deux jours de négociations. Une épreuve. Le plus dur est quand j'ai ramassé la main gauche d'un soldat. J'ai vu qu'il était marié. Cette image me hante depuis. Je pense à lui et à sa famille", soupire l'évêque.
Par Jules Crétois
Saluée par la communauté internationale, la Cour spéciale, créée en 2015 et appelée à juger les atteintes aux droits de l'homme, dispose enfin d'un procureur.
« Il est arrivé il y a quelques jours ». Musa Gassama, le chef du département des droits de l’homme de la Minusca ne cache pas sa joie de voir arriver en République centrafricaine Toussaint Muntazini Mukimapa, haut magistrat originaire de la République démocratique du Congo (RDC).
En effet, c’est lui qui va diriger la Cour pénale spéciale prévue par une loi adoptée le 3 juin 2015 et qui a pour mandat d’enquêter, de poursuivre et de juger les crimes résultant de violations graves des droits de l’homme.
Le 30 mai, le Haut Commissariat des droits de l’homme des Nations unies, en lien avec la Minusca, a publié un rapport, « Mapping des violations graves du droit international des droits de l’homme et du droit international, humanitaires commises sur le territoire de la RCA de janvier 2003 à décembre 2015 ». Le ton global est pessimiste. Parmi les touches d’espoir, il y a la création de cette Cour, mandatée pour s’occuper des événements survenus depuis le 1er janvier 2003, qui siège à Bangui mais peut être délocalisée en cas de besoin, composée de 21 juges dont dix internationaux.
« Sur 386 pages, une bonne dizaine sont d’ailleurs consacrées à donner quelques idées à cette nouvelle Cour », pointe Musa Gassama. En effet, le deuxième chapitre s’intitule : « Une stratégie de poursuite pour la Cour pénale spéciale ».
Un outil pour la paix
Les auteurs du rapport décrivent en filigrane la Cour comme une arme puissante pour la réconciliation : « Les stratégies de poursuite répondant aux besoins exprimés par les victimes sont de nature à produire des changements sociétaux », lit-on.
Le travail du nouveau procureur Toussaint Muntazini Mukimapa ne sera pas de tout repos. Et les auteurs du rapport le mettent en garde : « Il faut s’attendre à des critiques et des pressions », de la part de différents groupes politiques, ethniques ou religieux impliqués dans les violences de ces dernières années. Et le rapport conseille au procureur d’adopter une approche pragmatique : « Le grand nombre de personnes suspectées (…) requiert une sélection réfléchie de dossiers prioritaires afin de s’assurer que les ressources limitées prévues pour les poursuites soient utilisées pour poursuivre les personnes qui portent la plus grande responsabilité et les auteurs de rang intermédiaire, et qui ne sont pas hors de portée de la Cour pénale spéciale ».
Le ministre de la Justice en appelle à la générosité des « pays amis »
Toussaint Muntazini Mukimapa était jusqu’ici directeur de cabinet de l’auditeur général des forces armées de la RDC et a, dans ce cadre, eu l’habitude de travailler avec des ONG et facilité la coopération entre la justice militaire congolaise et les équipes de la Cour pénale internationale (CPI). Lors de son discours à l’occasion du rendu du rapport de mapping, Flavien Mbata, ministre de la Justice, a invité « les pays amis de la République centrafricaine (…) à rejoindre le mécanisme d’opérationnalisation de la Cour pénale spéciale, à appuyer financièrement la Cour » et a remercié le procureur « qui a rejoint Bangui il y a quelques jours ».
MISE EN PLACE DE LA COUR PENALE SPECIALE EN RCA : Une opportunité pour tourner la page
http://lepays.bf 31 mai 2017
En Centrafrique, il s’est passé des choses effroyables depuis notamment 2003, date qui marque, faut-il le rappeler, l’arrivée au pouvoir de François Bozizé dans les circonstances que l’on sait. En effet, à la chute de ce dernier et surtout avec la première alternance démocratique que le pays a connue, l’on avait espéré que la patrie de Bathélémy Boganda allait enfin rompre avec son image de pays chroniquement violent qui lui colle à la peau depuis les premières heures de son indépendance. Mais rien n’y fit. Car, malgré la volonté affichée de celui qui préside aujourd’hui aux destinées du pays, c’est-à-dire Faustin Archange Touadéra, les professionnels des coupe-coupe et de la mort facile continuent d’écumer l’ex-Oubangui-Chari. Et ce, en toute impunité. L’espoir de les voir, dans le futur, répondre de leurs actes est désormais permis. L’on peut même dire qu’il est acté. En effet, une Cour pénale spéciale vient d’être mise en place dans le pays, sous l’égide des Nations unies. Cette juridiction exceptionnelle a pour vocation de connaître des exactions que le pays a enregistrées depuis l’arrivée de François Bozizé au pouvoir en 2003. Déjà, et c’est heureux de le relever, depuis un an, les enquêteurs onusiens ont exhumé des archives publiques et confidentielles en rapport avec cette période noire de l’histoire de la RCA. Autre chose dont on peut se réjouir, c’est la nomination d’un procureur, en la personne du Congolais Toussaint Muntazini Mukimapa, auprès de la Cour pénale spéciale centrafricaine.
La RCA a souffert dans sa chair et dans son âme
Un autre motif de satisfaction encore est que le choix de ce magistrat n’est pas pour déplaire aux organisations de défense des droits humains, à l’instar d’Amnesty International. Cette structure, en effet, trouve le choix judicieux, compte tenu de l’expérience du colonel Muntazini, notamment dans la poursuite judiciaire des groupes armés. Le ministre de la Justice de la RCA a la même lecture du choix du magistrat congolais. A ce propos, il estime que c’est « l’homme qu’il faut pour accomplir ce travail ». Bref, l’on peut a priori saluer cette noble initiative onusienne, dans l’espoir qu’elle permettra d’élucider tous les crimes qui ont emmaillé l’histoire de la RCA pendant la période concernée, c’est-à-dire de 2003 à nos jours. Et s’il y a une chose dont chacun peut se convaincre, c’est que le magistrat congolais a suffisamment de la matière pour ne pas chômer. En effet, pendant cette période de braise, la RCA a souffert dans sa chair et dans son âme de l’animosité de ses fils et de ses filles. De ce fait, la RCA a toujours rimé avec viol, exécutions sommaires, déplacements forcés de populations, tortures, massacres collectifs qui s’apparentent à des actes génocidaires, bref, tout ce qui rappelle le côté bestial de l’Homme. Et dans l’hypothèse où le magistrat congolais arriverait à dépoussiérer tous ces crimes et à identifier leurs auteurs, l’on pourrait dire qu’il a fait œuvre utile pour la Centrafrique et au-delà, pour le genre humain. En effet, cela permettra au pays d’entamer résolument sa marche vers la réconciliation en soldant non seulement ses comptes avec son passé, mais aussi en se projetant avec beaucoup plus de sérénité dans l’avenir. Cet exercice est impératif et obligatoire si les Centrafricains veulent se réconcilier avec eux-mêmes, et ce dans la durée. Les peuples traumatisés qui ont prôné la réconciliation sans se donner les moyens de solder d’abord leurs comptes avec leur passé, l’ont appris à leurs dépens.
Les Nations unies sont prévenues
Mais, il faut reconnaître que dans le cas de la RCA, le magistrat congolais doit s’attendre à affronter beaucoup de difficultés et non des moindres avant de parvenir à ses fins. Premièrement, il évolue dans un pays qui a la singularité de n’avoir pas d’Etat depuis que la Séléka a déposé, par les armes, le régime de François Bozizé. Depuis lors, c’est le pouvoir des machettes qui régente la RCA. Et l’avènement de Touadéra à la tête du pays n’a pas changé fondamentalement les choses, puisque la poudre continue de parler dans bien des localités du pays. Même la présence massive des Casques bleus n’a pas suffi à pacifier la RCA. La deuxième embûche à laquelle sera confronté le magistrat congolais est liée au soutien connu et/ou caché dont bénéficient les principaux groupes armés qui sèment la terreur dans le pays, depuis la chute de François Bozizé. Les plus emblématiques de ces groupes sont incontestablement la Séléka et les Anti-balaka. Et pour ne pas arranger les choses, des entrailles de ces 2 entités de la haine sont sortis de petits monstres qui ne sont pas moins diaboliques. Et ce qui contribue à durcir davantage leur cœur, c’est la dose communautaire et tribale qu’ils ont apportée à leur folie meurtrière. Il ne faut pas non plus oublier le fait que ce sont les immenses ressources minières du pays sur lesquelles chaque groupe armé veut mettre la main, qui achèvent de rendre inextricable l’écheveau centrafricain. De tout ce qui précède, il faudra, pour le juge congolais, plus que de la volonté pour collecter les preuves des crimes qui lui permettront de confondre les Centrafricains qui en sont à l’origine. Cela est d’autant plus vrai que ces derniers feront feu de tout bois pour l’en empêcher. Ils pourraient ne pas hésiter, par exemple, à menacer de mort, tous ceux qui, par leur témoignage, sont susceptibles d’aider à la manifestation de la vérité. Les Nations unies sont donc prévenues. Les entraves à la manifestation de la vérité et in fine à l’administration de la justice sont nombreuses en RCA. Il leur revient donc de se donner les moyens qu’il faut, pour que cette grande et noble initiative que représente la mise en place de la Cour pénale spéciale en Centrafrique, n’accouche pas d’une souris. Les Nations unies doivent d’autant plus adopter avec fermeté cette posture que la mise en place de la Cour pénale spéciale en RCA représente une opportunité rêvée pour le pays de tourner la page sombre de son histoire. Les Centrafricains apporteront la preuve qu’ils ont cessé de s’inscrire dans le domaine de définition du mal en aidant le procureur de la Cour pénale spéciale dans sa mission. Toute autre attitude de leur part pourrait être interprétée comme le signe d’un nanisme moral et politique incurable.
« Le Pays »
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Bangui Agence France-Presse le 30 mai 2017 à 12h25 | Mis à jour à 12h25
Tueries et viols, tortures, pillages, enlèvements, enrôlement d'enfants-soldat: les Nations unies ont détaillé 620 crimes commis en Centrafrique lors des conflits armés entre 2003 et 2015, dans un rapport publié mardi, avant la mise en route à Bangui de la Cour pénale spéciale (CPS) pour juger ces crimes.
Ce rapport soulève aussi la question de savoir si les massacres ciblés entre communautés n'ont pas constitué des faits de génocide.
«En République centrafricaine, l'impunité a toujours été la règle - et la justice l'exception», relève ce travail exhaustif publié au moment où les 4,5 millions de Centrafricains subissent un regain de violence des groupes armés ex-Séléka pro-musulmans ou anti-Balakas pro-chrétiens, avec des morts par dizaines et des milliers de nouveaux déplacés depuis début mai.
Lieux précis, dates exactes, mode opératoire des assaillants (armée régulière, groupes armés...), calvaire des victimes, souvent très jeunes, tuées, violées, torturées...: cet inventaire de plus de 300 pages se présente comme un document de travail pour le procureur de la Cour pénale spéciale (CPS) qui vient d'arriver à Bangui.
Créée par une loi centrafricaine de 2015, cette juridiction mixte, intégrant des magistrats locaux et étrangers, doit commencer d'ici peu ses enquêtes sur les crimes de guerre commis à partir de 2003, année du renversement du président Ange-Félix Patassé par François Bozizé.
Pays à l'histoire tourmentée de plus de 600 000 km2 (la France et la Belgique réunies), où les groupes armés se battent pour le contrôle des ressources (or, diamant, bétail), la Centrafrique a ensuite basculé dans les massacres de masse en 2013 avec le renversement à son tour du président Bozizé par l'ex-Séléka, entraînant une contre-offensive des anti-Balakas.
L'intervention de la France (2013-2016) et de la Mission des Nations unies (Minusca, 12 500 hommes) ont ramené le calme dans Bangui, mais 50 à 60% de l'intérieur du pays reste sous le contrôle des groupes armés, en l'absence de l'État et de l'armée régulière, pulvérisés par le conflit.
Le rapport met l'accent sur les violences sexuelles commises à grande échelle contre les femmes et les enfants, utilisées par «pratiquement toutes les parties prenantes aux différents conflits armés». Le rapport rappelle aussi les accusations qui ont pesé contre des soldats français de l'opération Sangaris.
Comme les autres crimes, ces violences sexuelles redoublent d'intensité à partir de 2013: «Les partenaires locaux de l'UNICEF ont observé une recrudescence générale des viols à la suite de l'assaut de Bangui par les anti-Balaka (le 5 décembre 2013), avec 781 cas de viols et d'agressions sexuelles enregistrés en janvier et février 2014», avancent les Nations unies.
Génocide?
Les auteurs citent même le cas d'une jeune fille de 14 ans violée le 5 décembre 2013 par «trois éléments ex-Séléka»: «Le 26 septembre 2015, la même jeune fille a été violée par cinq éléments anti-Balaka».
«L'âge des victimes variait de cinq ans à 60 ans et plus. Un pourcentage élevé de ces viols était des viols collectifs allant parfois jusqu'à 20 auteurs pour une seule victime. Ces viols étaient souvent commis en public et/ou sous les yeux des membres de la famille de la victime», détaille le rapport du Haut commissariat aux droits de l'homme et de la Mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca).
«Les juridictions nationales ordinaires et la Cour pénale spéciale devront veiller à mener, en priorité, des enquêtes sur les violences sexuelles et les violences fondées sur le genre et assurer une protection aux victimes et aux témoins de ces violences», soulignent les enquêteurs.
«À cette fin, il conviendra de prévoir la nomination d'experts compétents pour apporter un soutien psychosocial aux victimes et aux témoins avant, pendant et après les procès», suggère cette enquête conduite entre mai 2016 et mars 2017.
Le rapport repose la question de savoir si les massacres ciblés, perpétrés par la Séléka contre les non-musulmans et les anti-Balakas contre les musulmans fin 2013-début 2014, ne constituent pas un début de génocide: «En raison de la nature des groupes ciblés par la Séléka (essentiellement des chrétiens et des animistes), la question d'établir l'intention de détruire ce groupe «en totalité ou en partie» pourrait être soulevée».
Quant aux exactions attribuées aux anti-Balakas, elles «soulèvent des faits pouvant faire l'objet d'enquêtes supplémentaires pour savoir si les actes commis, les groupes ciblés et l'intention de leurs auteurs étaient suffisants pour constituer le crime de génocide»...»Nous sommes intervenus pour éviter un génocide», confiait à l'AFP un haut-responsable français en 2016, traumatisé par le souvenir du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.