http://www.journalducameroun.com 19.06.2017 à 20h12 par AFP
Un très fragile espoir de paix et de répit pour les civils en Centrafrique s’est levé lundi à Rome avec la signature d’un accord de paix pour tenter d’éviter l' »embrasement généralisé » que redoutent les Nations unies depuis la reprise des violences communautaires.
Au total 13 groupes rebelles ou milices, principalement anti-Balaka pro-chrétiens ou ex-Séléka pro-minorité musulmane, ont paraphé avec les autorités cet accord prévoyant un cessez-le-feu immédiat sur tout le territoire.
Une seule question se pose à Bangui et surtout dans l’intérieur du pays, après ces cinq jours de discussions sous le parrainage de la communauté catholique Sant Egidio: cet engagement va-t-il mettre un terme aux affrontements qui ravagent l’ex-colonie française depuis 2013 et le renversement de l’ex-président François Bozizé ?
Plusieurs tentative de médiation africaine ont déjà tenté de ramener la paix dans ce pays pauvre de 4,5 millions d’habitants, dont 900.000 déplacés et réfugiés du fait du conflit (forum de Brazzaville en juillet 2014, forum de Bangui en mai 2015…).
« La crise centrafricaine ne manque pas d’accords de paix, mais de forces pour les faire respecter », commente à l’AFP le chercheur de l’Institut français des relations internationales (Ifri), Thierry Vircoulon.
Ces initiatives, ainsi que l’intervention de la France (2013-2016) et de la Mission des Nations unies (Minusca, quelque 12.500 hommes) ont permis début 2016 l’élection d’un nouveau président, Faustin-Archange Touadéra, la fin des massacres de masse et le retour au calme dans la capitale, Bangui.
« Force est de constater malheureusement que tous ces investissements sont demeurés insuffisants. Les groupes armés contrôlent toujours une grande partie du pays, le maintenant ainsi dans une instabilité permanente malgré la présence de la Minusca », déplorait récemment l’ambassadeur de la Centrafrique aux Nations unies, Léopold Ismael Samba.
– « Restauration de l’État » –
Le cessez-le-feu immédiat doit intervenir « sous le contrôle de la communauté internationale », alors que la Minusca mettait publiquement en garde il y a six jours un des groupes signataires, la fraction ex-Séléka du Front populaire pour la renaissance de Centrafrique (FPRC), contre « tout projet d’attaque sur Bangassou », à 470 km à l’est de Bangui.
« Le gouvernement se charge d’obtenir la représentativité des groupes militaires à tous les niveaux relatifs au DDR (désarmement, démobilisation, réhabilitation), poursuit l’accord, alors que, sur le terrain, ce processus de désarmement patine.
Des membres de ces groupes armés feront l’objet d’une « insertion (…) dans les forces de défense » du pays, suivant des « critères préétablis » et suite à une « mise à niveau ».
Ce point répond à l’une des revendications des ex-Séléka, qui affirment lutter contre la marginalisation des musulmans (20% de la population) dans la société, les institutions et l’armée.
Sur le plan sécuritaire, les signataires s’engagent à « la restauration de l’État sur toute l’étendue du territoire national ». Mais pour l’instant, la Centrafrique ne dispose que d’un embryon d’armée réduite à deux ou trois bataillons formées par une mission de l’UE. En dehors de Bangui, l’État ne fait que de timides incursions quand il le peut sous la protection de la Minusca, dans un pays grand comme la France et la Belgique réunis (plus de 600.000 km2).
« Sur les 16 préfectures que compte la République centrafricaine, 14 se trouvent sous l’occupation des groupes armés. Tout effort du gouvernement tendant à déployer l’administration dans l’arrière-pays est aliéné », selon l’ambassadeur centrafricain à l’ONU.
L’accord ne dit en revanche rien sur la Cour pénale spéciale (CPS), qui doit prochainement commencer à instruire les crimes de guerre commis en Centrafrique depuis 2003.
« Nous saluons un accord historique pour la République centrafricaine, un accord plein d’espoir », s’est félicité le président de Sant’Egidio, Marco Impagliazzo.
Le ministre des Affaires étrangères, Charles Armel Doubane, a évoqué « une journée d’espoir » pour le pays à l’issue de ces négociations de cinq jours auxquelles avait participé le représentant du secrétaire général de l’ONU et chef de la Minusca, Parfait Onanga-Anyanga.
La violence avait repris de plus belle mi-mai quand la Minusca avait perdu six Casques bleus dans des affrontements à Bangassou à la frontière avec la RDC. Des dizaines de civils avaient été tués dans l’attaque du quartier musulman par un groupe armé inconnu, des anti-Balaka d’après la Minusca. Des dizaines d’autres civils avaient péri dans des affrontements à Bria ou Alindao. Le patron des Nations unies, Antonio Guterres, avait exprimé la crainte d’un « embrasement généralisé ».
Centrafrique : Les termes de l’accord politique pour la paix signé à Rome
Après une discussion ouverte à Rome à l’initiative de la communauté Saint Egidio, un accord politique pour la paix vient d’être signé, ce 19 juin 2017 par les groupes armés.
« Entente de Sant’Egidio »
ACCORD POLITIQUE POUR LA PAIX EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Nous, représentants de SE M. Faustin A. Touadéra, Président de la République Chef de l’Etat, et du Gouvernement de la République Centrafricaine,
Représentants de tous les groupes politico-militaires du Pays, provenant de toutes les régions, représentants toutes ses composantes dans leur diversité,
Réunis à Rome sous la médiation de la Communauté de Sant’Egidio, qui s’engage sans relâche depuis des années pour la paix en Centrafrique,
En présence de délégations centrafricaines représentant l’Assemblée Nationale et la classe politique,
En présence de l’émissaire de SE le Cardinal Nzapalainga, archevêque de Bangui,
En présence du Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en République Centrafricaine, M. Parfait Onanga-Anyanga,
En présence des représentants de l’Union Européenne, de la Communauté internationale et du Gouvernement Italien,
Préambule
Conscients de la situation de crise que traverse notre Patrie, et de la nécessité de mettre fin à la violence et de la mener définitivement vers sa renaissance et sa reconstruction ;
Conscients des efforts déployés par la communauté internationale (Nations Unies, Union Africaine, CEEAC, CEMAC, Union Européenne) pour instaurer la stabilité en République centrafricaine ;
Remerciant tous ceux qui ont menés des efforts pour la réconciliation en République Centrafricaine et notamment le Tchad, la République du Congo, le Cameroun, la République Gabonaise, Guinée Equatoriale, et l’Angola, et en particulier Leurs Excellences les Présidents Idriss Déby, Denis Sassou Nguesso, Paul Biya, Ali Bongo Ondimba, Theodore Obiang Nguema et José Eduardo dos Santos, la CEEAC, la CEMAC, la CIRGL et l’Union Africaine, leurs Excellences le Président en exercice Alpha Condé et le Président de la Commission Moussa Faki, l’OCI, l’OIF et l’ensemble de la communauté internationale;
Considérant que les souffrances du peuple centrafricain sont grandes et que tous doivent agir pour bâtir le bien commun au-delà des divergences politiques légitimes ;
Considérant que l’une des premières grandes ressources du Pays est représentée par son peuple tolérant, pacifique et laborieux ;
Décidés à contribuer à la consolidation d’une société unie, fraternelle et solidaire ;
Ensemble, nous réaffirmons
• notre attachement à l’histoire, à l’intégrité territoriale, aux valeurs et principes constitutionnels de la République, à la démocratie, aux droits de l’homme, à la liberté de croyance et de culte;
• Le droit et devoir de toutes les forces vives de la Nation, à participer à l’édification d’un Pays prospère et indépendant et de garantir la participation politique et citoyenne de tous, dans tous les secteurs sociaux et politiques, sans distinction de religion et appartenance ethnique ou régionale ;
• Que les droits des personnes à la vie, à la liberté et à la sécurité sont sacrés et inviolables pour tout citoyen et qu’ils doivent être défendus par la loi ;
Nous nous engageons :
1. Sur le plan politique
– à la mise en place immédiate de la part des groupes politico-militaires d’un cessez-le-feu sur toute l’étendue du territoire national, sous le contrôle de la communauté internationale, comme étape fondamentale sur le chemin de la paix définitive, par la cessation de tout type d’hostilité ;
– Le gouvernement se charge d’obtenir la représentativité des groupes politico-militaires à tous les niveaux de la DDRR, la prise en charge des leaders des groupes par le Programme National de la DDRR et l’ajustement des indemnités des représentants au CCS, afin de réaliser une meilleure coordination entre les Nations Unies, les mouvements politico-militaires et les autres institutions internationales sur le DDRR, afin de contribuer à la mise en œuvre des autres programmes de reconstruction du Pays et de faciliter le rôle de l’Assemblée Nationale sur la gestion du processus ;
– au respect des autorités légitimes, issues des élections législatives et présidentielles de 2016;
– à la reconnaissance des groupes politico-militaires comme partie prenante de la reconstruction, une fois engagés dans un processus de transformation en partis et mouvements politiques, qui aboutira à l’enregistrement de nouvelles formations politiques dans le cadre légal de l’État;
– à travailler pour bâtir une dynamique de réconciliation dans tout le Pays, en collaboration avec toutes les institutions politiques légitimes, les autorités traditionnelles et religieuses et avec l’appui de la communauté internationale.
– Sur la base du contenu du présent accord, le gouvernement de la République Centrafricaine, ensemble avec le Représentant Spécial du Secrétaire Général, s’engage à entamer une consultation sur la levée des sanctions pour les personnalités centrafricaines sanctionnées, qui relève du Comité des sanctions du Conseil de Sécurité des Nations Unies ;
– Sur les questions de justice et de réparation, le présent accord, prenant en compte :
o les recommandations du Forum de Bangui en la matière,
o le travail de la Cour Pénale Internationale et de la Cour Pénale Spéciale,
o le droit de grâce du Président de la République,
décide l’institution d’une Commission « Vérité, Justice et Réconciliation », avec un mandat de 12 mois, laquelle, après avoir acquis toute la documentation existante en la matière et procédé aux auditions qu’elle jugera utiles, produira des recommandations à remettre au Président de la République et à exposer devant l’Assemblée nationale, portant sur les questions suivantes:
– Le traitement traditionnel sur les cas de réparation et pardon,
– La réinsertion des leaders et cadres relevant des groupes politico-militaires,
– La libération de combattants détenus,
– L’adoption de lois sur la réconciliation nationale, gage de confiance, d’apaisement et de stabilité.
2. Sur le plan sécuritaire :
– à la réouverture du territoire national à la libre circulation des personnes et des biens avec la levée des barrières illégales comme conséquence immédiate du cessez-le-feu;
– à la restauration de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national par le biais du retour des autorités administratives et la mise en place d’un mécanisme conjoint de sécurité;
– à l’insertion, après sélection suivant des critères préétablis et suite à une phase de mise à niveau, de membres des groupes politico-militaires dans les forces de défense, les corps habillés ainsi qu’à la régularisation consensuelle de la situation des anciens militaires ayant intégré les groupes politico-militaires, afin de reconstituer leurs carrières ;
– à la sécurisation du couloir de transhumance et la protection de la faune;
3. Sur le plan économique, humanitaire et social
– à la mise en œuvre de programmes nationaux de reconstruction et de développement de la République Centrafricaine, en mettant l’accent sur les infrastructures socio-économiques de base;
– à la libre circulation des ONG nationales et internationales et à la protection des humanitaires;
– au retour de tous les réfugiés et personnes déplacées et à l’identification de toute la population afin de le faciliter ;
– à la mise en œuvre d’un début de travaux à haute intensité de main d’œuvre urgents, orientés vers les ex-combattants, les jeunes et la communauté, pour la réhabilitation des infrastructures prioritaires (routes, écoles, hôpitaux, etc.) ;
– à la prise en charge alimentaire et aux soins pour les membres des groupes politico-militaires, ainsi que leurs familles, durant la période de la DDRR;
– à la distribution, après identification, de kits (outils agricoles, semences, bétail, matériel de construction ou autre) pour ceux qui choisissent de retourner à la vie civile;
– à la mise à disposition des groupes politico-militaires des moyens nécessaires à la sensibilisation et à la vulgarisation du présent accord ;
– à l’organisation de cours de formation technique (électriciens, mécaniciens, charpentiers, etc.) et de bourses d’études pour ceux qui désirent initier une activité économique ;
– pour ceux qui étaient déjà employés de l’État, une commission mixte gouvernement-groupes politico-militaires sera établie pour l’évaluation de chaque cas.
– pour ceux qui désirent rejoindre la fonction publique ou reprendre des études, des mesures appropriées devront être mises en place par le gouvernement.
Sortie de crise
– La feuille de route du présent accord sera établie par un comité de suivi pour la mise en œuvre de tous les points susmentionnés, dont les membres seront choisi par consensus, avec la participation de la Communauté de Sant’Egidio.
– À la fin du processus de DDRR il n’y aura plus de groupes politico-militaires en République Centrafricaine mais seulement des forces politiques. Le Pays sera sécurisé par la MINUSCA et par ses propres forces de défense et de sécurité, présentes sur toute l’étendue du territoire national.
– Nous remercions la communauté internationale pour son soutien à la République Centrafricaine, ainsi que sa présence à Rome avec des observateurs. Nous lui demandons de soutenir les mesures susmentionnées par les programmes déjà existants ou à définir.
– Nous demandons aussi à l’Union Africaine, qui a incessamment œuvré pour la stabilisation de la République Centrafricaine, de nous soutenir à tous les niveaux dans la mise en application de cet accord et dans la pacification du Pays.
– Nous remercions la Communauté de Sant’Egidio pour son soutien à la réconciliation nationale et nous lui demandons de poursuivre son travail de médiation, de dialogue et de suivi de l’exécution du présent Accord.
Pour le Gouvernement :
CHARLES ARMEL DOUBANE
Ministre des Affaires étrangères de la République Centrafricaine
GEORGES-ISIDORE-ALPHONSE DIBERT
Conseiller politique du Président de la République Centrafricaine
Pour les groupes politico-militaires :
BERNARD FRANCOIS WAGRAMALE, UFR
ANICET SIMPLICE MACKOUMOU, UFR
DEYA GILBERT TOUMOU, MLJC
LARRY FABRICE NARDINE-MINDOM, MLJC
THIERRY CYPRIEN M’PONDO, SR
ASCAIN NZENGUE LANDA UFRF
DIEU BENIT CHRISTIAN GBEYA KIKOBET UFRF
HERBERT GOTRAN DJONO-AHABA RPRC
MOUSTAPHA ABAKAR RPRC
JUDICAEL OROFE-MOGANAZOUM Coordination ANTIBALAKA
DIEUDONNE NDOMETE Coordination ANTIBALAKA
GUY BONGARKA WABILO ANTIBALAKA MOKOM
JEAN DE DIEU NGAISSONA ANTIBALAKA MOKOM
LAMBERT LISSANE MOKOVE FPRC
BRAHIM ABDOULAYE FPRC
SOULEMANE DAOUDA UPC
HABIB HODI UPC
KARIM MOUSSA ABDEL MPC
JEAN-ROCK SOBI FDPC
BARTHELEMY BOGUYANAN FDPC
ARMEL MINGATOUM-SAYO RJ SAYO
BIENVENU BERTRAND KOUNKOU RJ SAYO
SIMON PIERRE PASSI INGAM RJ BELANGA
LAURENT DJIM-WOEI BEBITI RJ BELANGA
Pour la Communauté de Sant’Egidio :
Pour l’Assemblée Nationale :
TIMOLEON BAIKOUA Vice-Président
FERDINAND ALEXANDRE NGUENDET Ancien Président du CNT,Président du RPR
ANICET DOLOGUELE Ancien Premier Ministre,Président de l’URCA
MARTIN ZIGUELE Ancien Premier Ministre, Président du MLPC
BERTIN BEA Secrétaire Général du KNK
En présence de :
PARFAIT ONANGA-ANYANGA
Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies
GODEFROY MOKAMANEDE, Représentant du Cardinal Nzapalainga
MARTIN ALBANI Union Européenne
MARIO GIRO Vice Ministre des Affaires étrangères de l’Italie
IBRAHIM HASSAN FREDE Point focal de la Communauté de Sant’Egidio