Le Monde.fr avec AFP Le 11.04.2018 à 10h47 • Mis à jour le 11.04.2018 à 12h02
La mission de l’ONU et les forces centrafricaines tentent de démanteler des milices au PK5, quartier majoritairement musulman de la capitale.
Des violences ont fait au moins 18 morts, mardi 10 avril, à Bangui, qui connaît depuis dimanche un fort regain de violences. Un casque bleu a notamment été tué et huit autres blessés dans l’après-midi au PK5, quartier majoritairement musulman de la capitale, où soldats de la mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca) et centrafricains tentent de démanteler des milices d’« autodéfense » autoproclamées.
Au moins 46 personnes ont été blessées ce même jour, dont 44 ont été prises en charge par Médecins sans frontières (MSF), a indiqué l’ONG à l’AFP, et deux à l’hôpital pédiatrique de Bangui, selon le personnel hospitalier.
Mercredi 11 avril au matin, un cortège d’habitants du quartier du PK5 est venu déposer devant le quartier général de la Minusca les corps de 17 personnes tuées selon eux mardi dans des violences. « Hier, ils ont tué beaucoup de gens. Voilà les morts qu’on a amenés ici », a expliqué un homme à l’AFP, à côté des corps drapés de blanc posés devant la porte close. Quelques véhicules blindés de l’ONU étaient placés aux abords du camp de la Minusca, qui a été totalement bouclé mercredi matin.
Démanteler les groupes armés
Ces derniers mois, le PK5, où vit la majorité des musulmans de la capitale, était un foyer de tensions. La population commerçante du quartier avait arrêté début 2018 de payer les milices pour protester contre leurs violences, qui se sont poursuivies.
Dimanche, l’ONU et les forces de sécurité centrafricaines ont lancé une opération militaire dans le PK5 pour démanteler ces groupes armés. Plusieurs membres de ces derniers ont été arrêtés au premier jour de cette action, pendant lequel deux personnes sont mortes et près de soixante ont été blessées.
Dans la nuit de dimanche à lundi, une base de la Minusca située dans le centre-ville de Bangui, à proximité de la résidence du président Faustin-Archange Touadéra, a été attaquée par des hommes armés.
Mardi, une fusillade a éclaté en milieu d’après-midi à la limite entre le quartier du PK5 et le 3e arrondissement, selon des sources concordantes. « Une patrouille de casques bleus rwandais appuyée par les forces de sécurité intérieure [FSI] centrafricaines et les forces armées centrafricaines [FACA] s’est fait tirer dessus et a poursuivi les assaillants jusqu’au PK5 », a déclaré à l’AFP une source sécuritaire. C’est la première fois qu’un casque bleu est tué dans la capitale depuis l’arrivée au pouvoir du président Touadéra, en 2016.
Dans l’après-midi, l’ambassade de France a demandé sur les réseaux sociaux d’« éviter les abords du KM5 [“Kilomètre 5”, correspondant au quartier de Bangui appelé PK5] et de l’aéroport » ainsi que d’« observer la plus grande prudence ».
« Des civils sont morts », a affirmé à l’Agence France-Presse un habitant du PK5, joint par téléphone, sans qu’il soit possible de vérifier l’information. « Beaucoup de personnes se sont réfugiées au niveau de la mosquée centrale du [quartier]. »
Les échanges de tirs ont cessé vers 19 heures (heure locale), a constaté l’AFP. Les rues de la capitale étaient vides mardi soir, et la plupart des commerces fermés.
Visite conjointe
Des casques bleus et des membres des forces de sécurité centrafricaines ont également été déployés mardi autour de la prison de Ngaragba, dans le sud de Bangui, a constaté l’AFP. Des coups de feu ont été entendus au sein de la prison, selon des témoignages. Des rumeurs faisaient état mardi d’une tentative d’évasion, sans qu’il soit possible de confirmer l’information.
Ces violences interviennent alors que le chef du département des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, et le commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine (UA), Smaïl Chergui, sont arrivés à Bangui mardi. Cette visite conjointe est « une continuation de ce que font les Nations unies et l’UA aux côtés de ce pays », a indiqué M. Chergui à l’aéroport.
Dans le cadre de la feuille de route pour la paix en Centrafrique promue par l’organisation panafricaine, un panel de facilitateurs a rencontré ces dernières semaines la quinzaine de groupes armés qui combattent en province pour le contrôle des ressources et afin de gagner de l’influence.
Depuis dimanche, plusieurs groupes armés issus de l’ex-coalition musulmane de la Séléka, qui avait pris Bangui par la force en 2013, ont réagi à l’opération militaire menée au PK5. « Cette situation risque de compromettre le processus de paix » de l’UA, a déclaré dans un communiqué l’un d’eux, le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC).
Outre celle de l’Union africaine, plusieurs médiations ont tenté par le passé de ramener la paix en Centrafrique, pays de 4,5 millions d’habitants rongé par un conflit meurtrier depuis 2013.