http://observers.france24.com 01/05/2018
Des assaillants ont ouvert le feu et lancé des grenades dans une église située entre un quartier chrétien et le quartier musulman PK5 à Bangui, mardi 1er mai au matin, alors qu’une importante cérémonie était en cours. Au moins neuf personnes ont été tuées par balles et des dizaines de personnes blessées. Le corps d’un prêtre abattu a été porté vers le palais présidentiel par une foule exigeant la sécurité dans la capitale centrafricaine.
"Ils ont tué un prêtre, des frères et des sœurs"
L’église Notre Dame de Fatima accueillait mardi matin une importante messe en l’honneur de Saint Joseph, célébré le 1er mai. Au moins 1 500 personnes y assistaient. Parmi elles, Serge Benda, coordinateur diocésain des mouvements de la jeunesse de la fraternité de la paroisse de Saint-Joseph, à Bangui.
J’étais au premier rang de la cérémonie, étant donné mes fonctions. La cérémonie s’est très bien déroulée jusqu’à ce que ce que l’évangile soit terminé, mais au moment des offrandes, vers 10 h du matin, des tirs se sont faits entendre.
Dans un premier temps, nous avons cru que c’était des petits bandits qui voulaient nous emmerder. À l’entrée de l'église, il y avait une voiture de police avec au moins sept policiers dedans, et ils ont échangé des tirs avec les hommes armés. Mais rapidement, cinq hommes ont escaladé le mur qui entoure l’église et sont entrés par l’arrière. Ils étaient armés de kalachnikovs et ont commencé à tirer sur les fidèles. Ils ont lancé deux grenades, l’une en plein milieu des fidèles, l’autre au niveau de l’autel. Ils ont tué un prêtre, des frères et des sœurs.
Les policiers devant l’église n’était pas en mesure de tenir face aux assaillants, et heureusement des militaires de l’armée centrafricaine en faction dans le PK5 sont venus en renfort. Grâce à leur intervention nous avons pu nous échapper et nous réfugier dans des salles de la paroisse.
"Je crains que ça soit le début d’une nouvelle vague de violences"
Il y a toujours une patrouille de la Minusca [mission des Nations Unies en Centrafrique, NDLR] juste à côté de l’église, notamment parce qu’elle a déjà été la cible d’une attaque en mai 2014. Mais ils n’étaient pas là aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi.
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Il est clair pour moi que les assaillants sont des gens qui se disent musulmans, mais qui comprennent mal leur religion. Aujourd’hui les chrétiens et les musulmans ne devraient pas être la cible d’attaques juste en raison de leur confession… Je crains que cette terrible attaque ne soit le début d’une nouvelle vague de violences. Si des musulmans sortent du PK5, je crains qu’ils ne soient pris à partie.
"Nous avons brisé une partie d'un des murs de la paroisse et permis à des gens de sortir"
L'abbé tué se nommait Albert Tougoumalet. Selon le Réseau des journalistes pour les droits de l’Homme (RJDH) plusieurs sources affirment que c’est une des grenades qui l’a tué. Lors de l’attaque du 28 mai 2014, un prêtre avait déjà été tué dans la même église.
Plusieurs habitants de Bangui ont tenté de venir en aide à leurs concitoyens pris au piège dans l’église, alors que les assaillants affrontaient les forces de l’ordre, comme le raconte ce témoin qui requiert l’anonymat.
Ma sœur, ma nièce, mon neveu, plusieurs de mes proches assistaient à la cérémonie. Dès que j’ai appris qu’il y avait une attaque, j’ai couru sur les lieux. Avec d’autres personnes, nous avons brisé une partie d’un des murs de la paroisse et permis à des gens de sortir.
Dans l’église, c’était un carnage, il y avait des femmes, des enfants, des hommes par terre, morts. Ma voisine fait partie des personnes tuées et j’ai cru que mes proches aussi. Je pleurais en les cherchant, heureusement pour moi, ils sont sains et saufs.
"Des éléments de la Minusca ont regardé les gens vandaliser la mosquée, sans bouger"
Selon des témoins, plusieurs assaillants ont été tués, d’autres ont pris la fuite. L’attaque de l’église a provoqué un mouvement de colère, dont a été témoin notre Observateur Dieudonné Nzapa Danguia, journaliste à Bangui.
Je suis arrivé à l’église quelques minutes après l’assassinat du prêtre. C’était un peu avant 13 h. J’ai suivi les manifestants qui portaient la dépouille de l’abbé Albert Tougoumalet vers le palais de la présidence pour protester contre le gouvernement, accusé d’être incapable d’assurer la sécurité de la population. "Gouvernement incapable !", "gouvernement démissionnaire !" scandait la foule.
Arrivés à quelques mètres du palais, les manifestants ont été dispersés par les éléments de la gendarmerie qui ont tiré en l’air.
En représailles, certains manifestants ont vandalisé une mosquée située dans le quartier Lakouanga (plusieurs fois vandalisée au cours des dernières années, notamment après l’attaque de Notre Dame de Fatima en 2014). Des éléments de la Minusca sont venus, ont regardé les gens vandaliser la mosquée, mais ne se sont pas interposés. Des vandales ont pris tout ce qu’ils pouvaient, même des briques…
Quand les gendarmes ont tiré pour disperser la foule, des habitants, en majorité des chrétiens du quartier Gobongo, au nord de la ville, ont été pris de panique. Ils ont cru que des assaillants musulmans étaient venus pour s’en prendre à eux et saccager leurs maisons. Plusieurs habitants se sont précipités vers leurs voitures pour fuir la ville, au point de provoquer des bouchons sur la grande avenue qui mène vers le quartier PK12, et la sortie de la ville. Mais, ils sont retournés chez aux peu après avoir constaté qu’il s’agissait d’un fausse alerte.