En Centrafrique, échec des médiations à répétition
Mise à jour 14.07.2018 à 09:00
La diplomatie arrivera-t-elle un jour à ramener la paix en Centrafrique? Depuis le début de la crise en 2012, pas moins de 7 accords de paix ont été signés entre les acteurs en présence, sans qu'aucun ne parvienne à un retour au calme.
Religieuses, internationales ou sous-régionales, ces médiations avaient un même but: inciter la quinzaine de groupes armés, qui combattent pour le contrôle des ressources, à déposer les armes.
Mais, six ans après le début d'un conflit meurtrier qui a déplacé plus d'un quart des 4,5 millions d'habitants, aucune n'a abouti: les combats continuent et l'Etat ne contrôle toujours qu'une maigre partie du territoire.
Jeudi, la Russie, à l'offensive diplomatique à Bangui depuis quelques mois, a bien tenté à son tour d'organiser une rencontre entre les groupes armés et le gouvernement, chez son allié soudanais.
Mais, selon la présidence centrafricaine, elle n'a finalement pas eu lieu car "le chef de l'Etat estime qu'il n'y a pas lieu d'engager d'autres processus tant que celui de l'Union Africaine (UA) est toujours en cours".
Un projet d'accord avait pourtant été rédigé. Le nouveau conseiller russe à la présidence centrafricaine, Valery Zakharov, devait en être un des signataires.
Cette tentative a "agacé" les autres partenaires de la Centrafrique, selon un observateur à Bangui, une autre médiation étant menée depuis juillet 2017 par un panel de l'UA.
- Efforts réduits "à néant" -
Soutenu par l'ONU et les principaux partenaires de la RCA, celui-ci a rencontré les groupes armés, ainsi que les deux anciens présidents, Michel Djotodia au Bénin et François Bozizé, jeudi en Ouganda.
Mais cette médiation est confrontée à un obstacle majeur: tous les groupes armés ou presque réclament une amnistie totale ou partielle avant de discuter de la fin des hostilités.
Plusieurs chefs de groupes armés sont cités dans des rapports d'enquête de l'ONU, d'autres sont sous la menace d'un mandat d'arrêt et une Cour pénale spéciale (CPS) a été mise en place à Bangui, pour juger les crimes commis depuis 2003.
"Le sentiment répandu parmi les partenaires internationaux que l'intiative de l'UA visait avant tout à accorder l'amnistie aux chefs des groupes armés, a suscité beaucoup de controverses", s'inquiétait en 2017 le panel d'experts de l'ONU sur la crise centrafricaine.
Présentée au départ par des diplomates comme "la médiation de la dernière chance", cette feuille de route de l'UA pourrait prendre du plomb dans l'aile avec l'initiative russe.
"Les Russes, en montant une médiation parallèle, réduisent à néant les efforts pour harmoniser les médiations internationales autour de la crise centrafricaine", estime Thierry Vircoulon, spécialiste de la Centrafrique à l'Institut français des relations internationales (IFRI).
La rencontre avortée de Khartoum "peut créer davantage de division et avoir des conséquences à long terme", corrobore Nathalia Dukhan, chercheuse à l'ONG Enough Project.
Il y a eu "de nombreuses initiatives (de médiation) pour peu de progrès", notait encore le panel d'experts de l'ONU pour la Centrafrique dans son rapport bi-annuel en juillet 2017.
- "Processus cumulatifs" -
Dernière en date, avant la feuille de route de l'UA et l'initiative russe de Khartoum, un accord de paix signé en juin 2017 à Rome sous le parrainage de la communauté catholique Sant'Egidio.
A peine 24 heures après la signature, une centaine de personnes étaient tuées à Bria (centre) dans des combats.
Les principaux facteurs de l'échec de chacune de ces médiations résident dans leur incapacité à trancher des questions primordiales telles que les conditions du désarmement des groupes armés, l'amnistie des ex-miliciens et de leurs chefs, et la capacité pour les signataires d'accord de briguer un mandat politique.
Pour l'heure, seules les médiations locales semblent, bon gré mal gré, fonctionner en Centrafrique.
Elles sont notamment menées par les dignitaires religieux, comme à Bangassou (sud-est) où l'Eglise catholique agit en autorité morale aux côtés des Casques bleus de la Minusca (10.000 militaires depuis 2014). Ces mêmes Casques bleus qui négocient ici et là des trêves locales et ponctuelles.
En 2017 dans une note, l'IFRI appelait à ce que les médiations soient des "processus cumulatifs", estimant qu'"aucune médiation particulière ne va mettre fin au conflit et rétablir la paix".
Pour un diplomate en poste à Bangui, la raison des échecs des médiations est plus simple: "Certains veulent que le chaos continue pour asseoir leur prédation (...), plus ça dure, mieux c'est!"
Par Charles BOUSSEL avec Amaury HAUCHARD à Libreville
© 2018 AFP
Centrafrique : les médiations se succèdent, les combats continuent
http://adiac-congo.com Samedi 14 Juillet 2018 - 13:45
Six ans après le début d’un conflit meurtrier, l’Etat ne contrôle toujours qu’une partie du territoire national malgré des efforts consentis sur le plan diplomatique pour tenter de ramener la paix dans le pays.
A ce jour, pas moins de sept accords de paix ont été signés entre les acteurs en présence, depuis le début de la crise en 2012, sans qu’aucun ne parvienne à un retour au calme. Toutes les médiations menées, qu’elles soient religieuses, internationales ou sous-régionales, ont eu un même but : inciter la quinzaine de groupes armés qui combattent pour le contrôle des ressources à déposer les armes.
La dernière médiation en date est celle que la Russie, qui est à l’offensive diplomatique à Bangui, a tentée à son tour, le 12 juillet, d’organiser au Soudan, notamment entre les groupes armés et le gouvernement. Une rencontre qui, selon la présidence centrafricaine, n’a finalement pas eu lieu car « le chef de l’Etat estime qu’il n’y a pas lieu d’engager d’autres processus tant que celui de l’Union africaine (UA) est toujours en cours ».Pourtant, un projet d’accord avait été rédigé et le nouveau conseiller russe à la présidence centrafricaine, Valery Zakharov, devait en être un des signataires.
La tentative de médiation russe intervenait alors que le panel de l’organisation panafricaine, soutenu par les Nations unies et les principaux partenaires de la Centrafrique, rencontrait les groupes armés ainsi que les ex-présidents François Bozizé et Michel Djotodia, respectivement en exil en Ouganda et au Bénin. Malgré cette volonté affichée, la médiation de l’UA est confrontée à un obstacle majeur: tous les groupes armés ou presque réclament une amnistie totale ou partielle avant de discuter de la fin des hostilités.
D’après un observateur à Bangui, la médiation russe a « agacé » les autres partenaires de la Centrafrique, en l’occurrence celle menée depuis juillet 2017 par un panel de l’UA. « Les Russes, en montant une médiation parallèle, réduisent à néant les efforts pour harmoniser les médiations internationales autour de la crise centrafricaine », a estimé de son côté Thierry Vircoulon, spécialiste de la Centrafrique à l’Institut français des relations internationales. Des craintes sont exprimées sur le fait que la feuille de route de l’organisation continentale, présentée au départ par les diplomates comme « la médiation de la dernière chance », puisse prendre du plomb dans l’aile avec l’initiative russe.
Les principaux facteurs de l’échec de chacune des médiations déjà enclenchées, dont celle de la communauté catholique Sant’Egidio, avec l’accord signé en juin 2017 à Rome (Italie), résident dans plusieurs propositions. Il s’agit, entre autres, de l’incapacité de ces médiations à trancher des questions primordiales telles que les conditions du désarmement des groupes armés, l’amnistie des ex-miliciens et de leurs chefs ainsi que la capacité pour les signataires d’accord de briguer un mandat politique. C’est ce qui explique, pour l’heure, que seules les médiations locales semblent, bon gré mal gré, fonctionner en Centrafrique.
Les groupes armés toujours actifs dans le pays
La Russie, qui vient de tenter une médiation entre pouvoir et groupes armés, joue un rôle majeur en Centrafrique, facilité par sa présence au Soudan voisin. En effet, Moscou forme des militaires centrafricains depuis plusieurs mois. Les autorités russes ont, par ailleurs, depuis début 2018, déployé des formateurs militaires à Bangui, livré des armes à l’armée nationale et assurent la sécurité du président Faustin-Archange Touadéra.
Malgré tout cela, les combats se poursuivent dans certaines régions et à Bangui, conduisant le Conseil de sécurité des Nations unies à lancer, le 13 juillet, un nouvel appel à l’arrêt de la violence en Centrafrique. Il a affirmé sa « profonde préoccupation » face aux activités persistantes de groupes armés.
Dans un communiqué, le deuxième en moins de trois mois, la plus haute instance de l’ONU a dénoncé les attaques contre les civils, les Casques bleus et les travailleurs humanitaires qui se traduisent par « un nombre inacceptable de morts, de blessés et de personnes déplacées ». Elle a exhorté « tous les groupes armés, à Bangui et dans le reste du pays, à cesser toute forme de violence, toute déstabilisation et restriction aux libertés de mouvements, à déposer leurs armes et à s’engager immédiatement et sans conditions en faveur du processus de paix ».
Le Conseil de sécurité a aussi menacé de prendre des sanctions individuelles contre les contrevenants à ce processus et réaffirme son soutien à l’actuel président tout en réclamant aux autorités, à l’UA et aux Etats de la région d’en faire davantage pour la réconciliation nationale.
Nestor N'Gampoula
Centrafrique : la médiation russe essuie un premier échec
Par La Tribune Afrique | 14/07/2018, 12:56
La médiation tentée par Moscou entre le pouvoir et les groupes armés en République centrafricaine ne semble pas connaitre des succès pour le moment. D’après une source gouvernementale citée par la presse locale, qui veut donner du temps à l’Union africaine, la rencontre prévue ce jeudi 12 juillet entre les parties n’a pas pu avoir lieu.
Pour une médiation entre le gouvernement centrafricain et les groupes de milices armées en conflit en République centrafricaine, la Russie devra encore attendre un peu. La première tentative de médiation prévue pour ce 12 juillet dans la capitale soudanaise, Khartoum, n'a pas pu tenir. Selon Albert Yaloké-Mokpème, porte-parole de la présidence centrafricaine, qui a démenti une présence officielle des autorités centrafricaines au Soudan, « le chef de l'Etat estime qu'il n'y a pas lieu d'engager d'autres processus tant que celui de l'Union africaine est toujours en cours ». L'allusion faite par le responsable à la médiation de l'Union africaine (UA) peut être comprise. L'organisation panafricaine a entamé depuis juillet 2017, des pourparlers entre les protagonistes. D'ailleurs, cette initiative de la Russie a eu lieu alors que le groupe de médiation de l'UA a rencontré ce même jeudi, et ce pour la première fois, l'ex-président centrafricain François Bozizé, en territoire ougandais.
La rencontre organisée par la Russie n'avait d'ailleurs aucune chance de se tenir, au regard des annonces faites il y a quelques jours par des parties prenantes au conflit. D'après une source citée par la presse locale, deux groupes armés issus de l'ex-Seleka (coalition à dominante musulmane qui avait attaqué et pris Bangui en 2013), notamment, le Mouvement patriotique pour la Centrafrique et l'Union pour la paix en Centrafrique, avaient exprimé leurs désaccords et indiqué qu'ils ne seront pas de cette négociation « parallèle » initiée par la Russie à Khartoum. La source précise que ces groupes auraient subi « des pressions de la France et du Tchad ».
Engager des discussions sur réformes des forces armées centrafricaines
Pour certains acteurs engagés dans les différends à Bangui, l'initiative aurait pu être une bonne opportunité. C'est le cas du groupe armé Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique. Dans un communiqué le 8 juillet dernier, ce groupe semblait donner son quitus à l'initiative, annonçant que la rencontre de Khartoum devrait permettre d'engager « des discussions préliminaires sur la réforme des forces armées centrafricaines ».
Moscou maîtrise effectivement les questions militaires en République centrafricaine. L'Etat russe joue un rôle majeur dans le pays. Il est en charge de la formation des militaires centrafricains depuis plusieurs mois. Depuis le début de l'année 2018, il a livré des armes à l'armée nationale centrafricaine et assure la sécurité du président Faustin-Archange Touadéra.