Lu pour vous
http://europes.fr 11 Oct 2018 Armes, Centrafrique, communication stratégique, FACA, Formation, Russie
La présence russe en Centrafrique commence à inquiéter sérieusement les Européens. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE pourraient ainsi lundi appeler officiellement tous les acteurs internationaux présents en Centrafrique, notamment les Russes, à soutenir exclusivement le gouvernement et l’initiative africaine « en bonne coordination et pleine transparence ».
C’est la première fois que de façon aussi claire sont exprimées des préoccupations. Jusqu’à présent, parler de la présence russe sur le sol centrafricain était un peu tabou. Les Européens affectaient d’avoir la situation sous contrôle. Cette alerte est aussi un bon moyen de rappeler que tous les Européens sont concernés par ce qui se déroule dans cette ancienne colonie française, et pas seulement les Français ou les pays latins.
Des interrogations sur la présence russe
La présence russe accrue pose un « certain nombre de questions » reconnait un diplomate. Il y a tout d’abord la fourniture d’armements aux forces centrafricaines et les formations complémentaires prodiguées par les Russes, formation « dont on n’est pas sûr qu’elle soit parfaitement conforme » à celle des Européens. Il y a aussi la présence de conseillers russes autour du président centrafricain qui contrecarre les efforts de conseil des Européens. D’une certaine façon, les Européens font le travail et les Russes en récoltent les fruits.
Une campagne d’agitation dans les médias
Il y a ensuite de la communication stratégique avec une campagne de presse en Centrafrique assez ouvertement anti-européenne, qui commence à faire sentir ses effets sur le terrain, voire de l’agitation politique (dans la stricte lignée de la doctrine de l’AgitProp) conduisant parfois à des mouvements de rues (lire : Pics de violence à Bangui. A ne pas confondre avec un conflit religieux).
Un risque d’influence politique dans le pays et au-delà
Il y a enfin la crainte à Bruxelles que l'influence russe « puisse avoir certaines conséquences politiques en Centrafrique » et au-delà (NB : au Sahel notamment). L’hypothèse d’un durcissement du pouvoir est présente dans tous les esprits, mais aussi, même si elle n’est pas clairement envisagée, l’hypothèse d’un coup d’état ou de soutien à certains groupes armés rebelles.
La crainte du mauvais exemple
Ce que craignent surtout les Européens est le mauvais exemple que pourraient donner les Russes. Alors que l’Union européenne insiste dans toutes ses relations sur le respect de certaines règles, notamment démocratiques ou de lutte anti-corruption, les Russes pourraient « présenter dans l’avenir une voie alternative pour certaines pays africains, qui pourraient avoir le choix d’emprunter d’autres voies que la voie européenne un peu plus exigeante en matière de démocratie » et d’emprunter « une voie russe qui ne pose que peu de conditions et fournit un certain nombre d’équipements », y compris létaux. Des équipements que les Européens ne peuvent fournir.
Les Européens décidés à réinvestir en Centrafrique
Afin de contrer cet effort russe, les Européens semblent décidés cette fois à affronter plus clairement le problème, mais aussi à réaffirmer clairement leur engagement. Ce qui devrait être chose faite lors de conclusions adoptées par le Conseil des ministres des Affaires étrangères lundi (article à suivre).
Nicolas Gros Verheyde