Lu pour vous
dw.com Afrique | 27.10.2022
Plus de 80 personnes seraient mortes le 20 octobre lors des manifestations contre la prolongation de la durée de la transition du président Mahamat Idriss Déby.
Les Tchadiens continuent de demander que justice soit faite à la suite du massacre du 20 octobre. On redoute plus de 80 morts lors des affrontements qui sont survenus pendant les manifestations contre la prolongation de la durée de la transition du président M
A part les événements du 20 octobre, des cas de torture ont également été signalés dans les jours qui ont suivi. Certaines écoles, selon des témoignages, ont été fermées et transformées en centres de détention, où selon les mêmes sources, des cas de torture et de violence envers les détenus.
Demande de poursuite en justice
Devant cette situation, certaines organisations régionales de défense des droits de l'homme ont annoncé vouloir saisir la justice internationale. Par exemple, Dobian Assingar, délégué permanent de la Fédération internationale des droits de l'homme auprès de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) l'a déclaré à la DW.
"Nous allons faire le monitoring et les utiliser quelque part. il faut que les auteurs répondent de leurs actes. Nous irons devant les juridictions internationales", a-t-il dit
D'autres organisations mondiales, notamment celle de lutte contre la torture (OMCT) déclarent que ce qui s'est passé au Tchad depuis le 20 octobre était "de graves violations des droits humains".
La version du gouvernement tchadien
Dès la première heure des faits, le pouvoir tchadien refute les accusations portées contre lui. Il jette en quelque sorte la responsabilité sur l'opposition qui, selon lui, a été "victime d'une tentative de déstabilisation".
Le gouvernement même, à travers Aziz Mahamat Saleh, son porte-parole, affirme au micro de la DW, ne pas être informé d'une initiative qui vise à le porter devant la justice internationale.
Les Tchadiens demandent à ce que la CPI se saisisse du dossier du 20 octobre 2022
"La justice est déjà saisie et les enquêtes se poursuivent. C'est une justice indépendante et il n'y a pas besoin que le dossier soit porté devant les juridictions internationales", ajoute Mahamat Saleh
Peut-on saisir la CPI dans le cas tchadien ?
Certains Tchadiens émettant des doutes sur l'autonomie de la justice de leur pays, demandent déjà qu'une enquête indépendante soit diligentée pour établir les faits.
Pour l'instant, la Cour Pénale Internationale ne s'est pas prononcée sur le cas tchadien et sur une possible demande de poursuite. Cependant, dans certains cas, la CPI peut s’autosaisir si son procureur général estime que l'ouverture d'une enquête est impérative.
Dans d'autres cas, le modèle d'un pays signataire du traité de Rome peut saisir cette Cour, mais, la réponse du gouvernement tchadien laisse supposer que cette option n'est pour l'instant pas privilégiée, car le pays s'estime compétent de poursuivre le crime.
A noter aussi l'option où cette Cour peut être aussi saisie par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui, dans le cas du Tchad, n'a toujours pas dit son mot.
Le silence de la CEEAC dénoncé au Tchad
dw.com
L’opposition tchadienne dénonce le silence de la communauté internationale, notamment de la CEEAC, après la sanglante journée du 20 octobre 2022.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est le sommet de la Communauté des Etats de l’Afrique centrale qui s’est tenu à Kinshasa. Les conclusions de cette rencontre ont déçu l’opposition et la société civile tchadienne, pour n’avoir pas condamné les violences du régime militaire de transition au Tchad.
L’opposition et la société civile tchadienne avaient espéré un rappel à l’ordre ou encore des sanctions contre les militaires au pouvoir mais peine perdue : l’organisation régionale s’est contentée de nommer un médiateur, le président congolais Félix Tshisekedi.
"Ce silence prouve à juste titre que la communauté internationale est du côté de ce régime qui opprime, qui tue et qui violente le peuple. On pensait qu’après la manifestation du 20 octobre, ce régime allait être sanctionné durement, mais ce n’est pas le cas et c’est un silence complice que nous dénonçons. On ne peut pas dire qu’il y ait une réaction à la hauteur du drame qui a eu lieu. C’est pathétique, nous dénonçons ce silence de la communauté internationale", a déploré Sosthène Mbernodji, coordonnateur du Mouvement citoyen pour la préservation des libertés, une organisation de la société civile opposée à la transition.
Des experts indépendants des Nations unies et de l'Union Africaine ont condamné la répression létale des manifestations pacifiques
Des avis divergents
Les acteurs au Tchad ne sont pas tous du même avis. Pour Beral Mbaikoubou, conseiller national de la République, les Tchadiens ne doivent pas compter sur l’extérieur pour faire face à leurs problèmes.
"Je ne suis pas de ceux qui comptent sur la communauté dite internationale pour résoudre les problèmes du Tchad. Il y a beaucoup d’enjeux géopolitiques et des intérêts stratégiques non-dits qui font que même les plus grands acteurs de ladite communauté internationale ne sont pas exempts de falsifications ou de tromperies dans leurs analyses. Et de ce fait, notre destin nous appartient à nous et à nous seul. Parce que les pesanteurs géopolitiques, stratégiques et les guerres de leadership que se mènent les acteurs de ce qu’on appelle la communauté internationale font que les penchants ne sont jamais les plus objectifs malheureusement", a estimé Beral Mbaikoubou.
Au Tchad, dans un tragique paradoxe, l’opposition, ou encore le pouvoir, accusent souvent la communauté internationale d’ingérence dans les affaires intérieures du pays. Mais lorsque les autres pays africains ou encore l’Onu ou l’Union européenne se taisent, alors ce silence est critiqué.