Conakry - 30/05/2008 (PANA) - Le mouvement d'humeur des militaires guinéens semble s'être désormais transformé en une véritable
mutinerie dirigée contre les généraux de l'Armée, ce qui n'exclut pas le chef de l'Etat, Lansana Conté, lui-même général. Le président guinéen semble avoir pris la menace au sérieux car il se
trouve depuis hier au camp Samory Touré où il a installé un comité de crise avec à ses côtés le chef d'état-major, le général Diarra Camara et des officiers de la garde présidentielle.
A la suite de multiples réunions dans ce camp, la décision a été prise d'envoyer un bataillon de bérets rouges de la garde
présidentielle boucler tout le périmètre autour du camp et conduisant dans le centre-ville. Ce dispositif a essuyé des tirs de la part de mutins venant du camp Alpha Yaya Diallo. Selon des
sources concordantes, il y aurait eu plus d'une dizaine de blessés dans les deux camps dont quatre cas graves.
Selon un correspondant joint au téléphone tôt ce vendredi, les tirs avaient été entendus à 4 heures (heure locale) du matin. La
situation est devenue confuse et l'on craint une généralisation des combats dans la capitale, Conakry au cas où le pouvoir décide de réprimer les mutins.
Selon certaines sources, des troupes d'élite, notamment des para commandos basés dans la région de Kankan (660 km à l'est de la
capitale) sont appelés en renfort. Il n'est pas exclu non plus que le président Conté accepte une médiation de son homologue bissau-guinéen, Bernado Nino Vieira, pour une sortie rapide de la
crise.
Le chef d'état-major des armées, le général Diarra Camara a lancé un appel au calme, invitant les militaires à "penser aux conditions
économiques difficiles du pays et aux populations dont ils ont la charge de défendre les intérêts".
Le mouvement d'humeur des militaires a commencé depuis le week-end dernier au camp Alpha Yaya Diallo de Conakry. Alors qu'ils,
revendiquaient leurs arriérés de salaires au départ, ils exigent actuellement la mise à la retraite de tous "les vieux généraux" de l'armée, selon plusieurs sources contactées par la PANA.
Le gouvernement a accédé mardi dernier à plusieurs requêtes des militaires, notamment le payement graduel de leurs arriérés de
salaires -5 millions de franc guinéen (1 dollar US=4.500 FG)- à partir de fin mai, le limogeage du ministre de la Défense, le général de brigade Mamadou Baïlo Diallo, la non poursuite des
militaires et la libération de ceux d'entre eux qui avaient été arrêtés en 2007 lors d'événements similaires.
Le nouveau Premier ministre, Ahmed Tidiane Souaré, avait également assuré dans une déclaration à la télévision publique, que le gouvernement allait étudier la question de la baisse du prix de vente
du riz aux militaires, passée de 16.000 FG à 80.000 FG le sac de 50 kg.
Confusion en Guinée, où le mécontentement de militaires tourne à la mutinerie
LE MONDE | 30.05.08 | 14h13 • Mis à jour le 30.05.08 | 14h13
Une rencontre devait se tenir, vendredi 30 mai, à Conakry, capitale de la Guinée, entre les soldats mutins et les autorités gouvernementales pour tenter de trouver
une issue à la crise que traverse le pays, selon des informations locales.
Si la nuit de jeudi à vendredi a été calme dans la capitale, après une journée marquée par des échanges de tirs et le pillage de nombreux magasins, les militaires
rebelles continuent de faire la loi dans une partie de Conakry. De son côté, la garde présidentielle, restée fidèle au régime du général Lansana Conté, contrôle toujours l'accès à la présidence
et à l'état-major. Pour les épauler, des renforts militaires auraient été acheminés de l'intérieur du pays vers Conakry.
Dans ce pays d'Afrique de l'Ouest riche en ressources minières, mais dont le niveau de vie est très bas, les troubles ont commencé il y a une semaine lorsque des
soldats sont sortis de la principale caserne de la capitale pour réclamer le paiement d'arriérés de soldes, le limogeage du ministre de la défense et la libération des militaires interpellés
après une précédente mutinerie en février 2007. Dans deux autres casernes du pays, les militaires sont également descendus dans la rue.
Ils ont rapidement obtenu gain de cause sur pratiquement tous les points, mais sans que cela mette fin aux troubles. Au contraire, mercredi, la révolte s'est
transformée en une mutinerie avec des revendications supplémentaires et des échanges de coups de feu qui auraient fait plusieurs victimes à Conakry et des dizaines de blessés. Désormais, les
militaires contestataires exigent la mise à la retraite de tous les officiers généraux de l'armée (soit une dizaine de personnes). Si la revendication était acceptée, elle se traduirait par une
fragilisation de l'armée, pilier du régime du général-président Conté.
"La situation est confuse. Le mouvement est désorganisé. Les revendications sont surtout catégorielles. Il n'y a pas de chef qui émerge. Les officiers ont fui ou
se cachent. Tout peut arriver. S'ils le veulent, les mutins ont la possibilité de marcher sur la présidence. Face à eux la garde présidentielle ne fera pas le poids. Mais veulent-ils vraiment
faire tomber le régime militaire ? Dans vingt-quatre heures, on y verra plus clair", assure un ancien diplomate parlant sous le couvert de
l'anonymat.
Malgré la gravité de la situation, les dirigeants politiques, qui ont été reçus en milieu de semaine par le premier ministre, n'ont pas réagi aux troubles.
"Personne ne veut aider Lansana Conté, arrivé au pouvoir il y a vingt-quatre ans. Le ras-le-bol est général. Ce que l'on souhaite, c'est une alternance, de préférence démocratique",
observe un dirigeant syndical, Abdourahmane Macky.
Jean-Pierre Tuquoi