(Jacques Kimpozo Mayala) 2008-06-12 Le Phare
Au fil du temps, des personnes physiques et des archives « parlent » au sujet de la mise en accusation, depuis le samedi 24 mai 2008, du sénateur Jean-Pierre Bemba par le Procureur de la Cour Pénale Internationale. Pas plus tard que le week-end dernier, le porte-parole de la délégation du Conseil de Sécurité de l’Onu en séjour à Kinshasa a laissé entendre que l’institution onusienne n’était pas compétente pour intervenir dans le dossier de l’arrestation du précité à Bruxelles.
Alors que ce qui arrive à Jean-Pierre Bemba paraît, aux yeux de certains, comme un règlement des comptes post-électoral, Le Phare est tombé sur des documents qui indiquent que le président du Mouvement de Libération du Congo était dans le collimateur de la justice internationale depuis 2002. Dans le souci d’anticiper sur des ennuis judiciaires éventuels que pouvait lui valoir l’intervention armée, très critiquée alors, de ses troupes en faveur du président Angé-Félix Patassé à Bangui, en République Centrafricaine, le « Chairman » avait pris soin d’instituer, par décret n°035/Prés/Mlc/11/02 du 16 novembre 2002 un « Conseil de guerre supérieur » et un « Conseil de guerre de garnison ». Les deux juridictions militaires étaient chargées de connaître des infractions commises par des officiers généraux ou supérieurs, des militaires voire des civils sur toute l’étendue du territoire contrôlé alors par le MLC.
On rappelle que ce dispositif militaro-juridique était intervenu pendant que les troupes du MLC faisaient le ménage à Bangui et ses
environs, pour empêcher la rébellion conduite par François Bozizé de renverser le Chef de l’Etat en poste. Apparemment, il n’y aurait rien à reprocher au patron du MLC, pour avoir à la fois fait
intervenir ses hommes à Bangui à la demande régulière d’un Président légitime et sévi anticipativement contre les actes négatifs de certains d’entre eux.
Fuite en avant ?
Comme s’il s’engageait dans une fuite en avant, le président du MLC faisait juger, en date du 12 décembre 2002, en Cour martiale, les
soldats présumés auteurs de vols d’argent, des médicaments et de carburants ainsi que de violations de consignes. Des peines allant de six à 24 mois étaient ainsi prononcées contre neuf
militaires dont le plus gradé était un sergent. En janvier 2003, plus précisément le 04, comme s’il se doutait de quelque chose, Jean-Pierre Bemba saisissait, par lettre, le Représentant Spécial
du Secrétaire Général de l’ONU en RCA, le général Lamine Cissé, pour lui expliquer le mobile de la présence de ses troupes dans ce pays. C’était, disait-il, pour « protéger les institutions
menacées de déstabilisation par une tentative de coup d’Etat » mais assurer les bases arrières du MLC contre « des menaces susceptibles de provenir d’un pays avec lequel la RDC partage une très
longue frontière ».
Dans la même correspondance, Jean-Pierre Bemba sollicitait le concours de l’Onu pour obtenir des données additionnelles sur les événements de Bangui, de manière à permettre à la Cour martiale du
MLC de faire toute la lumière là-dessus.
Lorsque l’on revisite le dossier apprêté par Moreno Ocampo, procureur près la CPI, il tombe sous les sens que le verdict rendu par la
Cour martiale présidée par le général Bule Mohamed (actuellement député national du MLC) n’avait pas satisfait la hiérarchie onusienne à New York. D’où probablement le déclenchement d’un nouveau
mécanisme de gestion de ce que la justice internationale qualifie des « crimes de guerre et crimes contre l’humanité » mis à charge de Jean-Pierre Bemba, pris comme responsable moral des
dérapages de ses troupes en terre centrafricaine.