Exit le 9e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale. Mais 10 ans après, l’organisation manque de
visibilité.
Le chef de l’Etat tchadien était le grand absent de la 9e conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
(Cemac) qui s’est tenue à Yaoundé au Cameroun hier, 24 juin 2008. Il a préféré ne pas faire le déplacement de Yaoundé, pour s’occuper des rebelles qui lui donnent des insomnies ces derniers
jours. Dans ce conflit interne – le gouvernement tchadien parle plutôt d’agression extérieure, du Soudan notamment – qui ne date pas d’aujourd’hui, le président tchadien se sent abandonné et
isolé par ses pairs de l’Afrique centrale. Les autorités tchadiennes ne loupent aucune occasion pour le dire.
Le jeudi 19 juin 2008, le ministre tchadien de la Communication, Mahamat Hissène, a été assez
sévère envers la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Il intervenait en direct et par téléphone dans un débat organisé par la chaîne de télévision privée
camerounaise, Canal 2 International, sur le thème « La Cemac et ses défis ». Au fait, le gouvernement tchadien accuse la Cemac d’inertie. Lors du raid des rebelles tchadiens à Ndjamena en février
dernier, la Cemac n’a pas toussé. La récente attaque n’a non plus fait bouger la Cemac dont la présidence était jusque-là assurée par Paul Biya du Cameroun. Or 2 pays de la Cemac (Cameroun et
Centrafrique) partagent les frontières avec le Tchad. Par ailleurs, au dernier sommet à Ndjamena, Paul Biya était absent.
Des espoirs perdus
Au-delà des problèmes d’insécurité dus à des conflits internes, les pays membres de la Cemac
souffrent aussi des conflits transfrontaliers. C’est le cas des populations du Nord Cameroun qui sont à la merci des bandes armées venant du Tchad et de la Centrafrique, avec des complicités
camerounaises. Ici, vols du bétail, viols, enlèvements, grand banditisme, criminalité, etc. tout s’y passe sans que la Cemac ne soulève le moindre petit doigt. Par ailleurs, de manière
récurrente, des Camerounais sont pourchassés et chassés de la Guinée équatoriale et du Gabon. Jamais, la Cemac n’a ni dénoncé, ni déploré, ni condamné ces actes de
xénophobie…
Et pourtant à son lancement en février 1998, la Cemac était porteuse de gros espoirs. Surtout que
l’Union douanière et économique d’Afrique centrale (Udeac) dont elle héritait le passé, avait montré ses limites 30 ans après sa création le 8 décembre 1964. Mais aussi de par la volonté de ses
fondateurs de développer ensemble toutes les ressources humaines et naturelles de leurs Etats pour le bien être de leurs peuples dans tous les domaines, à donner une impulsion nouvelle et
décisive au processus d'intégration en Afrique centrale par une harmonisation accrue des politiques et des législations de leurs Etats, et à assurer la convergence des performances de leurs
politiques économiques au moyen du dispositif de la surveillance multilatérale. En clair, les Etats membres ont accepté de transférer, chacun, une parcelle de sa souveraineté, au travers de la
création d'un Parlement et d'une Cour de justice communautaires, ainsi que l’institution d’un véritable marché commun.
Audace et ouverture
Malgré la mise en place progressive d’une architecture institutionnelle, l’impact de la Cemac ne se
ressent pas dans le vécu quotidien des populations de la sous région de l’Afrique centrale. Jusqu’ici, la Cemac apparaît comme un agrégat de projets. Les vœux de toujours se renouvellent à chaque
sommet. La libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux est un leurre. La levée des barrières douanières reste une vue de l’esprit. L’intégration sous régionale est
grippée. Les instruments devant faciliter la mise en œuvre de ces réformes sont torpillés et sacrifiés sur l’autel des égoïsmes de certains Etats membres. Ainsi en est-il du passeport Cemac, de
Air Cemac, du marché commun, etc.
Les questions de souveraineté et de leadership semblent de plus en plus prendre le pas sur les
objectifs communautaires. Au point que les sommets de la Cemac constituent beaucoup plus des espèces de tribunaux entre des chefs d’Etat des pays membres. D’autres y vont pour arracher des postes
pour leurs compatriotes dans des organisations affiliées à la Cemac. Pourquoi ne pas pleurer avec Paul Biya : «
Le temps n’est plus au simple replâtrage institutionnel [de la Cemac] (…) Nous devons être audacieux et ouverts (…) Pour donner à la Cemac le contenu qu’en attendent nos peuples ». Sinon
à quoi sert la Cemac ?
Par Noé NDJEBET MASSOUSSI
Le Messager de Douala 25-06-2008