Rapport du Secrétaire général Ban Ki
Moon
23 juin 2008
en République centrafricaine et les activités du Bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce
pays
I. Introduction
1. Le présent rapport est soumis conformément à la demande du Conseil de sécurité contenue dans la déclaration de son président, en
date du 26 septembre2001 (S/PRST/2001/25), par laquelle le Conseil m’a prié de continuer à le tenir régulièrement informé de la situation en République centrafricaine et des activités du Bureau
des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays (BONUCA). Le rapport porte sur la période allant de janvier à juin 2008 et fait le point de la situation sur les plans politique,
socioéconomique, humanitaire, de la sécurité et des droits de l’homme.
II. Situation politique
2. Depuis mon précédent rapport en date du 5 décembre 2007 (S/2007/697), la situation politique est restée dominée par
l’intensification des préparatifs du dialogue politique sans exclusive qui vise à mettre fin aux crises politiques et sécuritaires chroniques du pays. Le Comité préparatoire du dialogue, créé par
décret présidentiel le 30 novembre 2007, a achevé ses travaux et, le 25 avril 2008, a présenté au Président François Bozizé son rapport contenant des spécifications sur l’organisation du
dialogue. Conformément aux recommandations du Comité, le Président Bozizé a constitué, le 8 juin, un comité de 15 membres chargé d’aider à organiser le dialogue, en particulier grâce à la
mobilisation de ressources financières et matérielles.
3. Facilité par le BONUCA et l’Organisation internationale de la Francophonie, et présidé par le Centre pour le dialogue humanitaire,
le Comité préparatoire a rassemblé les principaux groupes politiques, acteurs sociaux et mouvements rebelles du pays afin d’examiner de manière approfondie trois thèmes principaux portant sur a)
les questions politiques et de gouvernance, b) l’état de la sécurité et les groupes politico-militaires et c) le développement socioéconomique.
4. Le Comité préparatoire a recommandé dans son rapport que le dialogue politique sans exclusive se tienne à Bangui à condition que la
sécurité y soit assurée et que des garanties judiciaires soient accordées à certains participants pour leur permettre de se rendre dans la capitale centrafricaine sans crainte de détention. Il a
recommandé par ailleurs que le dialogue regroupe au total 150 participants et dure au maximum 17 jours.
5. Les travaux du Comité préparatoire ont mis en branle un certain nombre de processus de réconciliation. Dans ce contexte, le
Gouvernement de la République centrafricaine a conclu, le 9 mai, un accord de paix avec l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD), qui était le dernier des trois principaux
groupes rebelles du pays à signer un tel accord avec le Gouvernement. Cet accord, signé à Libreville sous les auspices du Président gabonais, Omar Bongo Ondimba, prévoit la cessation immédiate
des hostilités, le cantonnement des combattants de l’APRD dans leurs positions actuelles, le relèvement des régions du pays touchées par le conflit et la création des conditions de sécurité
voulues pour tenir le dialogue politique sans exclusive. Il prévoit également l’adoption d’une loi d’amnistie générale. Mon Représentant spécial en République centrafricaine, François Lonseny
Fall, dans le cadre de ses efforts visant à faciliter les préparatifs du dialogue, s’était entretenu en février avec les chefs de l’APRD à Paoua, dans le nord-ouest, pour persuader l’Armée
populaire de participer au Comité préparatoire. La signature de l’accord avec l’APRD a constitué le premier pas vers l’exécution des engagements pris par le Président Bozizé durant la visite de
travail du Comité préparatoire à Libreville, les 22 et 23 avril. Les autres engagements portent sur la signature d’un accord de paix global avec tous les groupes rebelles du pays et l’adoption
des dispositions judiciaires et législatives nécessaires pour faciliter la participation au dialogue de toutes les parties prenantes nationales.
6. Les membres du Comité préparatoire se sont également rendus en France, en Jamahiriya arabe libyenne et au Togo, ainsi qu’à Paoua,
dans le nord-ouest de la République centrafricaine, où les troupes gouvernementales et les rebelles n’ont cessé de s’affronter depuis 2005. Ils ont rencontré le dirigeant de la Jamahiriya arabe
libyenne, le colonel Muammar Kadhafi, l’ancien Président centrafricain Ange-Félix Patassé, l’ancien Premier Ministre Martin Ziguélé, l’ancien Ministre de la défense Jean-Jacques Demafouth, le
chef des Forces républicaines nouvelles, Christophe Gazambéti, le coordonnateur des signataires du Manifeste pour un dialogue politique sans exclusive, Nganatoua Goungaye Wanfiyo, le dirigeant du
Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC), Abdoulaye Miskine, et le porte parole de l’APRD Laurent Djim Woi. Le Président Bozizé a participé aux missions au Gabon et en Jamahiriya arabe
libyenne.
7. En raison du rôle critique joué par les États et les institutions de la sous-région ainsi que par les principaux partenaires
extérieurs de la République centrafricaine pour ce qui est de contribuer à la stabilisation du pays, mon Représentant spécial a continué de consulter étroitement le Comité des partenaires
extérieurs, siégeant à Bangui, et les responsables de la force de maintien de la paix sous-régionale pour la République centrafricaine [Force multinationale de la Communauté économique et
monétaire de l’Afrique centrale (FOMUC)]. Il s’est également rendu au Cameroun, en février 2008, où il a encouragé le Gouvernement à continuer de jouer un rôle majeur dans le processus de paix en
République centrafricaine, notamment en fournissant des contingents à la FOMUC. Par la suite, en mai, le Gouvernement camerounais a déployé un contingent de 120 soldats à Bangui dans le cadre de
la Force.
8. Un atelier de formation d’une durée de trois jours sur le dialogue et la négociation a été organisé à Bangui, du 4 au 6 février
2008, à l’intention des membres du Comité préparatoire du dialogue. Cette activité, facilitée par le BONUCA, était animée par le Groupe d’appui à la médiation du Département des affaires
politiques du Secrétariat, en coopération avec une organisation non gouvernementale suisse, Swisspeace. Elle a beaucoup aidé le Comité préparatoire à se pencher collectivement sur des questions
essentielles pour la stabilisation du pays.
9. Durant la période considérée, le BONUCA a facilité la mise en place d’opérations en République centrafricaine de la Mission des
Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT). À cet effet, il a aidé à élaborer un accord sur le statut de la mission entre la MINURCAT et le Gouvernement de la République
centrafricaine et a fourni des bureaux et un soutien logistique pour le déploiement d’une petite équipe de la MINURCAT à Bangui. Une mission conjointe du Gouvernement, du BONUCA et de la MINURCAT
s’est rendue le 3 mai à Birao, dans la région de Vakaga.
III. Situation militaire et état de la sécurité
10. L’état de la sécurité continue d’être relativement stable à Bangui malgré des activités criminelles isolées. Dans le reste du
pays, en dépit d’affrontements localisés, la période à l’examen a été caractérisée par une baisse d’intensité du conflit entre les forces gouvernementales et les groupes rebelles dans le
nord.
Toutefois, les forces de défense et de sécurité ont multiplié les actes d’indiscipline et semé l’anarchie, en particulier vis-à-vis de
la population.
11. Afin de renforcer la discipline des forces de défense et d’enrayer l’impunité, le tribunal militaire permanent de Bangui a été
saisi de 24 affaires en mars 2008 et a prononcé de lourdes peines contre les coupables. Les autorités militaires ont aussi pris récemment des mesures afin d’éliminer les postes de contrôle
illégaux sur les principaux axes routiers du pays et dans la ville de Bangui.
12. L’état de la sécurité s’est sensiblement amélioré dans les provinces du nord-est de Vakaga et de Bamingui-Bangoran depuis le
déploiement, en mars 2008, de l’opération de la Force de l’Union européenne (EUFOR) et à la suite de l’accord de paix signé en avril 2007 par le Gouvernement et le mouvement rebelle de l’Union
des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR). Il continue toutefois d’y avoir de graves risques d’affrontement du fait que les tensions entre les divers clans de l’UFDR ont obligé l’un
de ses chefs, Zacharia Damane, à s’installer temporairement à Bria, ville de l’est du pays.
13. Une nouvelle zone de tension est apparue dans le sud-est, où des éléments armés, qui seraient des transfuges de l’Armée de
résistance du Seigneur (LRA) de l’Ouganda, se seraient infiltrés dans cette partie du pays tout près de leurs bases dans le sud du Soudan. Malgré les efforts déployés par les Forces armées
centrafricaines (FACA) afin de lutter contre l’infiltration de la LRA, qui ont souffert de contraintes opérationnelles et logistiques, les éléments de la LRA auraient continué d’opérer
relativement librement en République centrafricaine et d’incendier, de vandaliser et de piller des villages (voir également les paragraphes 30 et 31 ci-après).
14. Par ailleurs, le renforcement des activités des bandits armés (les zaraguinas), principalement dans les provinces
nord-ouest d’Ouham, Ouham-Pendé et Nana- Grébizi, a abouti à la constitution de groupes d’autodéfense qui n’hésitent plus à affronter ouvertement les bandits.
15. Un autre phénomène nouveau est l’apparition de contrebandiers bien armés et équipés dans les préfectures de Vakaga et Haute-Kotto,
qui auraient étendu leurs activités criminelles au centre et au sud-est du pays en créant des risques d’affrontement avec les rebelles ou les zaraguinas. Le 16 avril, des contrebandiers
se sont heurtés à des éléments de l’UFDR dans la localité de Yalinga (Haute-Kotto).
16. Le commandement politique et opérationnel général de la FOMUC doit être transféré à compter du 1er juillet de la Communauté
économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) à la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), conformément à la décision que le Conseil des ministres de la CEEAC a prise
à sa réunion de Libreville, les 25 et 26 février. Essentiellement déployée dans le nord-ouest à Bozoum, Kaga-Bandoro et, plus récemment, à Paoua, la FOMUC a élargi sa présence sur le terrain, en
particulier suite à l’arrivée récente d’un contingent supplémentaire de 120 soldats du Cameroun.
17. Durant la période considérée, deux équipes de 60 éléments chacune de la Garde présidentielle ont été envoyées en Afrique du Sud et
au Soudan afin d’y recevoir une formation en vertu d’accords bilatéraux. Cette instruction vient en sus de celle qui est déjà fournie à la Garde présidentielle par une équipe sud-africaine à
Bangui et à Bouar. Des cadets de l’École spéciale de formation des officiers d’active ont déjà reçu un entraînement au Gabon et en Afrique du Sud.
18. Durant la même période, le BONUCA a organisé un stage de formation d’une durée d’un mois à l’intention de 25 fonctionnaires
d’immigration. Il prépare actuellement d’autres stages destinés à la police et à la gendarmerie, qui mettront l’accent sur les techniques d’enquête et le comportement professionnel. Il a fourni
par ailleurs un appui technique pour la rédaction d’une loi sur le statut spécial du personnel de police en République centrafricaine, que l’Assemblée nationale a adoptée le 6 mai 2008.
IV. Situation socioéconomique et financière
19. Divers groupes socioprofessionnels, en particulier des employés du secteur public et des enseignants universitaires, ont continué
d’organiser des grèves prolongées durant la période considérée, essentiellement en raison des arriérés de traitement non payés.
20. En partie à cause de son incapacité de répondre aux revendications des grévistes, le gouvernement du Premier Ministre Elie Doté a
démissionné le 18 janvier 2008 à la suite d’une menace de motion de censure à l’Assemblée nationale. Le Premier Ministre Doté a été remplacé le 22 janvier par Faustin-Archange Touadera, doyen de
l’Université de Bangui et technocrate sans expérience politique. Le nouveau Premier Ministre a assuré le versement de trois mois d’arriérés de traitement, mais la plupart des autres
revendications des syndicats n’ont pas encore été satisfaites.
21. Malgré cette crise alarmante, les perspectives économiques du pays ont continué dans l’ensemble à s’améliorer avec une croissance
stable d’environ 4,2 % en 2007. Ce résultat s’explique par le dynamisme de la consommation intérieure causé par l’augmentation des revenus des ménages disponibles à la suite du versement plus
régulier du traitement des fonctionnaires.
22. Les prix sont restés dans l’ensemble stables, le taux d’inflation annuel ayant été inférieur à 1 % durant 2007. La stabilisation
des prix est survenue après un taux d’inflation relativement élevé en 2006. L’horizon économique s’est également éclairci grâce au versement des arriérés dus aux cultivateurs de coton et à la
reprise de l’activité des secteurs secondaire et tertiaire. Les recettes publiques ont augmenté de plus de 14 % à l’issue des réformes de modernisation du secteur fiscal. C’est ainsi que l’État a
pu engranger en 2007 des recettes s’élevant à 199 millions de dollars, par comparaison avec le chiffre de 174,8 millions de dollars atteint en 2006.
23. La Banque mondiale et la Banque africaine de développement ont entrepris un examen à mi-parcours de leur programme biennal avec le
Gouvernement, qui devrait déboucher sur la création d’un nouveau programme d’appui pour l’exercice biennal 2010-2011. Dans le même ordre d’idées, la Société financière internationale (SFI) a
choisi la République centrafricaine comme l’un des bénéficiaires de son programme d’assistance spéciale pour les pays touchés par des conflits. Dans le sillage de sa nouvelle stratégie
d’intervention dans le pays, la SFI a l’intention d’ouvrir un bureau à Bangui en vue de faciliter les investissements directs.
24. L’amélioration de l’économie a également permis au Gouvernement de réduire son déficit budgétaire, qui devrait tomber à 38,8
millions de dollars en 2008. Durant la même période, l’inflation devrait être contenue à moins de 3 %, soit légèrement plus qu’en 2007. Ces projections devraient dépendre dans une large mesure de
l’application du Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté adopté en septembre 2007 par le Gouvernement et ses partenaires de développement, et de la concrétisation des offres de
contributions des donateurs, qui sont des facteurs essentiels pour relancer l’économie nationale et aider les autorités centrafricaines à poursuivre les réformes en cours en vue d’atteindre,
d’ici à septembre 2009, le stade de la décision au titre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés.
25. Le 8 janvier, j’ai annoncé que la République centrafricaine remplissait les conditions voulues pour bénéficier du Fonds pour la
consolidation de la paix. Dans ce contexte, l’ONU a aidé les autorités nationales à définir un ordre de priorité, notamment grâce aux visites à Bangui effectuées en mai 2008 par la
Sous-Secrétaire générale à l’appui à la consolidation de la paix, Carolyn McAskie, et ses collaborateurs, qui ont examiné la question de l’aide du Fonds avec le Président, le Premier Ministre et
d’autres parties prenantes.
V. Situation humanitaire et activités opérationnelles d’appui au développement
26. La majorité de la population du nord-ouest et du nord-est du pays continue de vivre dans la peur et l’insécurité en raison des
agissements des forces armées gouvernementales, des groupes rebelles et des bandits armés. La criminalité est également devenue un obstacle majeur à la stabilité économique et sociale en
déclenchant des exodes massifs et en entravant la libre-circulation de la population et du personnel humanitaire.
27. Les régions de Bouar, Bozoum, Baboua, Baoro et Bocaranga, dans le nordouest, et de Kabo, dans le centre-nord, demeurent les plus
touchées par les activités des zaraguinas, la majorité de la population locale abandonnant les villages pour chercher refuge en zone urbaine. Il est estimé que le départ d’un tiers des
quelque 100 000 réfugiés et déplacés a été davantage dû au banditisme organisé qu’au conflit politique entre le Gouvernement et les rebelles.
28. L’accès humanitaire dépend largement de la nature des rapports entre le Gouvernement et les groupes rebelles. Il s’est amélioré
après la signature d’un accord entre le Gouvernement et l’APRD, mais l’aide a du être suspendue à deux reprises au moins en avril en raison des affrontements entre les forces gouvernementales et
des éléments de l’APRD aux alentours de Paoua et de Ndim.
29. Environ 14 000 nouveaux réfugiés ont été signalés durant la période à l’examen, la plupart ayant été enregistrés par le
Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Maya, dans le sud du Tchad. Un grand nombre d’entre eux se seraient enfuis à cause des atrocités commises par des groupes armés, y
compris des exécutions sommaires et des incendies de villages. Des affrontements qui auraient éclaté en avril 2008 entre des factions en lutte de l’UFDR ont donné lieu à de nouveaux déplacements
de population entre les localités de Gordil, Boromata et Tiringoulou. Le 10 mars, une femme accompagnant son enfant dans une ambulance de Médecins sans frontières (MSF-Hollande) a été tuée par
balles. À la suite de cet incident, l’association a interrompu les activités de ses cliniques mobiles dans l’ensemble du pays.
30. À la suite de violentes attaques dans la région relativement calme du sud-est en février et au début de mars 2008, qui auraient
été commises par des éléments infiltrés de la LRA, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires a organisé du 22 au 25 mars une mission d’évaluation conjointe avec le Fonds des Nations
Unies pour l’enfance (UNICEF), le BONUCA et des agents de sécurité et de protection du Département de la sûreté et de la sécurité. La mission a évalué l’état de la sécurité et des droits de
l’homme sur le terrain ainsi que la situation en matière de protection des populations civiles.
31. La mission a signalé que des centaines d’habitations et de silos à grains avaient été pillés, de même que deux dispensaires. Des
villageois, y compris des garçons et des filles, ont été enlevés. Selon les victimes qui ont été interrogées, les femmes et les enfants seraient utilisés comme porteurs et les filles comme
esclaves sexuelles. La mission conjointe des Nations Unies a recommandé que tous les acteurs, y compris les organismes des Nations Unies et le Gouvernement, entreprennent d’urgence des efforts
concertés afin d’empêcher de nouvelles violations des droits fondamentaux, en particulier à l’égard des femmes et des enfants.
32. Le sort des enfants touchés par les conflits chroniques du pays est préoccupant. Dans ce contexte, mon Représentant spécial pour
les enfants et les conflits armés s’est rendu en République centrafricaine et a examiné la question avec le Gouvernement et les chefs de l’APRD et de l’UFDR entre le 27 et le 31 mai.
À la suite de ces réunions, l’APRD et l’UFDR sont convenus de relâcher tous les enfants à leur solde aux fins de réintégration
ultérieure dans leurs communautés.
33. Malgré les besoins croissants, le financement de l’action humanitaire en République centrafricaine demeure très préoccupant, la
réponse à l’appel conjoint n’ayant été que de 31 %. Il en résulte un grave manque de fonds pour les programmes concernant l’agriculture, l’éducation, le logement, les articles non alimentaires,
la santé, l’eau, l’assainissement et la protection contre les violations des droits fondamentaux.
34. Dans le domaine de la gouvernance et de la prévention des crises, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a
aidé le Gouvernement à organiser à Bangui, du 14 au 17 avril, un séminaire national sur la réforme du secteur de la sécurité. Ce séminaire, qui était fondé sur les nouveaux critères de
l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière de réforme du secteur de la sécurité, était le premier du genre à être organisé en Afrique. Il a rassemblé 150
participants provenant des services de sécurité, de la magistrature, du Gouvernement, de l’Assemblée nationale, de la société civile et des partenaires internationaux, et a abouti à un plan
d’action intégré de deux ans prévoyant des mesures concrètes que le Gouvernement s’est engagé à appliquer, avec l’appui de ses partenaires bilatéraux et internationaux.
35. Dans le domaine de la sécurité alimentaire, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a réalisé
un programme de cultures maraîchères qui a permis d’améliorer sensiblement la valeur nutritionnelle des aliments consommés par la population, en particulier dans les zones touchées par le
conflit. Entre-temps, des plans sont en cours d’exécution afin de distribuer aux populations visées, avant la campagne agricole de 2008, quelque 700 tonnes de semences pour des cultures
alimentaires. Outre ces activités dans les zones de conflit, le Programme alimentaire mondial (PAM) fournit un appui alimentaire aux enfants vulnérables ainsi qu’aux personnes victimes du
VIH/sida.
36. Dans le secteur de la santé, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’UNICEF et le Fonds des Nations Unies pour la population
(FNUAP) ont aidé les autorités à lutter contre l’épidémie de méningite dans la sous-préfecture de Kaga- Bandoro et de fièvre jaune à Bozoum (préfecture d’Ouham-Pendé) et contre un cas isolé de
poliovirus sauvage à Bangui. Ces organisations ont également lancé en commun des campagnes nationales de lutte contre le tétanos chez les mères et les nouveau-nés et de prévention de la
poliomyélite. Elles ont également aidé le Ministère de la santé publique à organiser un forum sur l’accès aux soins de santé des femmes enceintes et des enfants.
37. L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et l’UNICEF ont fourni une assistance dans le
secteur de l’éducation, y compris un appui au titre de l’initiative d’intervention rapide de l’UNESCO pour la réalisation de réformes essentielles du secteur de l’éducation. L’UNICEF a distribué
des livres de classe et d’autres matériels éducatifs dans le nord du pays et a formé 256 enseignants à Ndélé, Birao et Bria, en prévision de la réouverture des écoles qui avaient été durement
touchées par les actes de violence.
38. Le BONUCA, en partenariat avec une station locale, Radio Ndeke Luka, a continué d’assurer une formation en matière d’éducation
civique pour promouvoir les idéaux de paix. Cette action vient en complément de l’émission radiophonique mensuelle qui diffuse des informations sur les principales activités de la mission. Le
Bureau a également fourni un appui financier pour l’organisation d’un cours de recyclage à l’intention de 20 journalistes et reporters officiels en vue d’améliorer la qualité des services. Il a
en outre collaboré étroitement avec le Ministère de la communication et de la réconciliation nationale pour promouvoir les valeurs démocratiques et les libertés et droits fondamentaux.
VI. Situation des droits de l’homme
39. La situation générale des droits de l’homme durant la période à l’examen a continué d’être préoccupante en raison du grand nombre
de violations commises, notamment en ce qui concerne le droit à la vie, l’intégrité physique, et les garanties prévues par la loi. Elle se complique par ailleurs en raison de la précarité de la
sécurité due en particulier aux agissements des zaraguinas.
40. Des informations continuent de faire état de violations perpétrées par les forces de défense et de sécurité durant des opérations
de contre-attaque. Les zones déchirées par le conflit, telles que les préfectures d’Ouham et Ouham-Pendé, sont caractérisées par l’absence de légalité et il est constamment fait état de l’usage
excessif de la force par les unités armées gouvernementales qui entraîne la mort de civils innocents. Les forces armées ont cessé d’incendier des villages dans le nordouest et le centre-ouest,
mais certains éléments de la Garde présidentielle continueraient de procéder à des exécutions sommaires ou à des arrestations arbitraires à l’encontre de personnes soupçonnées de sympathie avec
la rébellion ou les bandits armés. Tous ces crimes restent impunis en raison du manque de volonté politique de poursuivre les auteurs présumés, ce qui ne fait qu’entretenir le climat
d’impunité.
41. Les carences de l’appareil judiciaire, caractérisées par des retards dans les procès, ont également contribué aux violations des
droits de la défense. Le système pénitentiaire est débordé à la suite d’arrestations arbitraires et de détentions de suspects au-delà de la période réglementaire. Les conditions sanitaires dans
les prisons et autres établissements pénitentiaires contreviennent gravement aux normes minimales et la situation est notamment caractérisée par les carences de l’alimentation et des soins de
santé primaires.
42. La décision du Gouvernement d’autoriser la visite du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires,
sommaires ou arbitraires, Philip Alston, du 31 janvier au 7 février 2008, a été perçue comme un signe fort de sa volonté de commencer à apporter des améliorations au domaine des droits de
l’homme. Durant sa visite, notamment dans les régions touchées par le conflit dans le nord, le Rapporteur spécial s’est entretenu avec diverses personnalités officielles, dont le Président Bozizé
qui s’est engagé à honorer les obligations internationales de son pays en matière de droits humains. La création envisagée d’une commission nationale des droits de l’homme et la décision récente
du Gouvernement de mettre un numéro de téléphone gratuit à la disposition des victimes de violations des droits de l’homme ont été aussi accueillies avec satisfaction comme preuve des efforts
entrepris par le Gouvernement pour améliorer le bilan des droits fondamentaux.
43. Par ailleurs, le Procureur de la Cour pénale internationale s’est rendu à Bangui en février dans le contexte des enquêtes en cours
sur les allégations de violations des droits de l’homme perpétrées en République centrafricaine entre 2002 et 2003.
Le 24 mai, l’ancien Président de la République démocratique du Congo, Jean-Pierre Bemba, a été arrêté à Bruxelles et inculpé en
rapport avec ces crimes.
44. Bien que le Gouvernement et les organisations de la société civile aient fait de louables efforts pour promouvoir l’égalité et
l’équité entre les sexes et enrayer la violence sexuelle et sexiste, il reste beaucoup à faire pour accroître la participation des femmes à la prise des décisions et réduire la violence contre
les femmes. À cet égard, le BONUCA a organisé cinq ateliers de sensibilisation à la question de l’égalité entre les sexes, en partenariat avec le Ministère des affaires sociales et de la
solidarité nationale. La mission a également facilité deux stages de formation à l’intention de la police nationale et des organisations de femmes au sujet des dispositions de la résolution 1325
(2000) du Conseil de sécurité et a fourni des compétences en matière d’égalité entre les sexes dans le cadre du séminaire national sur la réforme du secteur de la sécurité en avril 2008.
VII. Sécurité du personnel
45. Avec l’amélioration de la sécurité générale dans le pays, le plan de sécurité est passé de la phase III à II dans les préfectures
de Sangha Mbaéré, Ombella Mpoko, Kémo et Mamabéré-Kadéï et de la phase IV à III dans les préfectures de Nan- Grébizi, Haute-Kotto, Basse-Kotto, Haut-Mbomou et Bamingui Bangoran. Aucun incident ou
risque majeur n’a été signalé en ce qui concerne la sécurité du personnel des Nations Unies.
VIII. Observations
46. La situation d’ensemble sur le plan politique, socioéconomique et sécuritaire en République centrafricaine continue d’être fragile
et se caractérise par la pauvreté généralisée, l’insécurité et le règne alarmant des violations des droits de l’homme et de l’impunité dont est victime la population civile innocente et qui
laissent le champ libre aux actes criminels des responsables des forces de défense et de sécurité, des mouvements rebelles et des bandits armés. Les efforts encourageants du Gouvernement en vue
de renforcer le respect des droits de l’homme doivent être intensifiés et rendus irréversibles en tant que premier pas vers la fin de l’impunité et l’amélioration de la qualité de la vie de la
population.
47. Je me félicite de la récente conclusion des travaux du Comité préparatoire du dialogue et de la signature d’un accord de paix
entre le Gouvernement et l’APRD qui constituent des pas encourageants vers la convocation la plus rapide possible du dialogue politique sans exclusive. L’ONU réaffirme son appui vigoureux au
processus de dialogue et, à cet effet, je réitère mon appel à tous les groupes pour qu’ils déposent leurs armes et s’emploient à instaurer une paix et une stabilité durables qui contribueraient à
créer un environnement favorable au renforcement de la coopération internationale avec la République centrafricaine pour promouvoir la croissance économique et la prospérité.
48. La période à l’examen a constitué une dure épreuve pour les agents humanitaires qui ont subi plusieurs attaques de groupes et de
bandits armés.
J’appelle vivement toutes les parties à assurer l’accès sans entrave de l’aide humanitaire aux populations dans le besoin et à fournir
une protection appropriée au personnel humanitaire. Je félicite les organismes et les agents humanitaires de leur dévouement et de leurs efforts qui ont permis de sauver des vies, souvent dans
des conditions extrêmement difficiles.
49. Je salue la décision récente des États membres de la CEEAC de donner à la force sous-régionale, la FOMUC, une plus grande autorité
au niveau régional qui lui permettrait de renforcer sa capacité et son efficacité opérationnelle sur le terrain en République centrafricaine. Je félicite une fois encore l’Union africaine et
l’Union européenne de leur important appui politique et financier à la FOMUC et leur lance un appel, de même qu’à l’ensemble de la communauté internationale, pour qu’elles poursuivent et
accroissent leur soutien afin de permettre à la FOMUC d’élargir ses projets d’assistance à la sécurité dans l’ensemble du pays.
50. Dans le même ordre d’idées, je me félicite du déploiement dans l’est du Tchad et le nord-est de la République centrafricaine de la
Force multinationale de l’Union européenne (EUFOR), dans le cadre de la résolution 1778 (2007) du Conseil de sécurité, afin de protéger les civils et, en particulier, les réfugiés et les
personnes déplacées. Je remercie les autorités de la République centrafricaine de leur coopération étroite avec les responsables de l’ONU et de l’Union européenne afin de faciliter le déploiement
et le fonctionnement de la MINURCAT et de l’EUFOR dans le nord-est du pays.
51. Les récents efforts encourageants de stabilisation ne peuvent être suivis que grâce à la volonté politique requise de toutes les
parties prenantes au niveau national, avec la poursuite de l’appui international, afin de maintenir le cap vers un processus de consolidation de la paix qui soit durable et irréversible. L’ONU
continuera d’appuyer tous les efforts faits par le peuple centrafricain pour améliorer la situation régnant dans le pays, tout en étant consciente que c’est à la République centrafricaine
elle-même qu’incombe au premier chef la responsabilité à cet égard afin que des progrès réels soient accomplis. J’encourage donc les autorités centrafricaines à intensifier les réformes de la
gouvernance et de l’économie en vue d’assurer une plus grande transparence et une plus grande responsabilisation dans la gestion des ressources publiques.
52. J’engage instamment les autorités à faire davantage pour renforcer le respect de l’état de droit grâce à la promotion et à la
protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et à s’attaquer de manière décisive à l’impunité. La paix ne saurait durer sans la justice et je demande aussi à la communauté
internationale d’aider la République centrafricaine à remettre sur pied son secteur judiciaire.
53. Je tiens particulièrement à saluer l’appui multidimensionnel fourni à la République centrafricaine par les États et les
organisations de la région, malgré les pressions économiques et financières auxquelles ils font face. Je me félicite également de la poursuite de l’appui assuré par les institutions financières
internationales pour mener à bien des initiatives de réforme essentielles et promouvoir le développement, et je les appelle à maintenir leur mobilisation alors que le pays s’embarque dans des
réformes à long terme de la gouvernance grâce au processus de dialogue.
54. Enfin, je tiens à féliciter mon Représentant spécial en République centrafricaine, François Lonseny Fall, et son personnel, ainsi
que tous les autres membres de l’équipe de pays des Nations Unies, pour l’engagement et le dévouement dont ils font preuve afin de s’acquitter de leur tâche, souvent dans des conditions très
difficiles.