Le Messager Vendredi 25 juillet
2008
Il y a dix ans, des diplomates de 160 pays, et des représentants de quelque 200 organisations non gouvernementales (Ong), se sont rassemblés dans la capitale de
l’Italie pour négocier durant cinq semaines, le Traité fondateur d’une Cour pénale internationale baptisé “ Statut de Rome ”. En adoptant ledit Statut, le 17 juillet 1998, 120 pays sur 160
s’engageaient ainsi à mettre fin à l’impunité des génocides, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Crimes auxquels se livrent encore allègrement de nos jours, de trop nombreux
gouvernements et entités tribalo-ethniques à travers le monde.
Trente pays africains – au rang desquels le Cameroun est absent – se trouvent parmi les 107 nations qui, en ratifiant le Statut de Rome, ont ainsi décidé que plus jamais elles ne regarderaient
sans rien faire des populations entières se faire décimer par des génocidaires, des racistes cruels, des dictateurs ubuesques et des tortionnaires de tout cru jusque-là jamais
inquiétés.
Parmi les 12 abstentions au vote en 1998, se trouvaient sans surprise la grande Chine qui se réveille seulement aujourd’hui aux Droits de l’Homme, et surtout Israël
et les Etats-Unis dont le terrorisme d’Etat et la belligérance sont depuis toujours et pour longtemps encore, érigés en mode de gouvernement ou en langage diplomatique. Qu’à cela ne tienne.
La date du 17 juillet est désormais célébrée, dans le monde comme une “ Journée de la justice internationale ”, pour rappeler aux dirigeants et aux citoyens de tous les pays du monde que le
Statut de Rome a sonné la fin de la culture de l’impunité, et l’entrée dans l’ère de la responsabilité pénale et morale des commanditaires et auteurs… Ceci veut dire que désormais tous les
adeptes de “ la solution finale ” comme moyen de résoudre les conflits humains, tous ceux qui font du viol et des mutilations leur moyen d’expression politique, tous les tortionnaires des régimes
totalitaires et leurs commanditaires, doivent s’attendre à répondre un jour ou un autre de leurs crimes, devant une juridiction à compétence universelle. Et ce sera aussi la responsabilité de
tout pays d’y contribuer. Si l’Onu n’a toujours pas de gouvernement mondial pour protéger l’humanité, elle dispose, avec la Cour pénale internationale, d’un instrument à effet dissuasif sur les
dirigeants politiques ou tribaux, dont la certitude de l’impunité est désormais fortement troublée.
L’Afrique en première ligne
Ce trouble de certitude a particulièrement marqué les dirigeants africains à l’occasion du 10e anniversaire du Statut de Rome qui, par un étrange hasard, a coïncidé
avec l’audacieuse proposition du Procureur de la Cpi, que les juges à la Cour émettent un mandat d’arrêt – forcément international – contre le chef de l’Etat soudanais, accusé de génocide et de
crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.
Jamais on avait vu et entendu, les régimes africains investir autant d’émotions au sujet de la guerre du Darfour, dont pourtant la connotation génocidaire, et en
tout cas les crimes contre l’humanité, sont établis depuis des années… Pas même lorsqu’elle a failli tourner en guerre ouverte entre le Tchad et le Soudan.
Comme dans un combat d’éléphants, le Soudan était devenu un théâtre ordinaire de confrontation entre les intérêts géostratégiques des Etats-Unis, de la Chine
(nouvelle amie), et de l’Europe (l’amie traditionnelle) de l’Afrique. Les dirigeants africains regardant les populations du Darfour dépérir comme un banal gazon sous les pattes de ces éléphants
en lutte.
En fait, le président Béchir, comme les autres dictateurs sanguinaires ou tortionnaires d’Afrique, devait se dire : “ Qu’a-t-on déjà fait aux dirigeants israéliens qui massacrent chaque jour les
Palestiniens arabes et occupent leurs terres ? ” “ Qu’a-t-on fait à Georges Bush lorsque sur un prétexte mensonger il est allé massacrer les Irakiens, et installer la guerre civile là-bas en
prime, pour venger l’humiliation de son père par Saddam Hussein, et installer ses entreprises familiales sur le pétrole irakien ? ” Etc… Questions fondées, s’il en est, même si comparaison n’est
pas raison, puisque a priori, aux yeux des Africains, (un mandat d’arrêt inédit contre un président donnerait l’image d’une justice internationale à tête chercheuse).
Le complexe de
marginalisé
La situation requiert en réalité une froideur de l’analyse dont la subtilité se trouve submergée par l’équation émotionnelle d’un continent atteint du complexe de
marginalisation, alors que ses dirigeants se sont approprié l’Etat constitutionnel, l’ont criminalisé et soumis aux intérêts privés étrangers ou locaux, et redoutent vraiment d’avoir à répondre
de leurs actes pendant ou après leurs fonctions. Comment peut-on se lâcher quand on se tient ?
Si l’on peut comprendre la position de ceux qui crient au “ deux poids, deux mesures ”, sans pour autant que cela justifie les violations endogènes des Droits de
l’Homme, j’aimerais bien que l’Union africaine (Ua) et M. Ping nous expliquent un peu le scénario qui conduirait fatalement à un coup d’Etat au Soudan, si le président Béchir faisait vraiment
l’objet d’un mandat d’arrêt, alors que, si le Soudan est, comme couramment prétendu, un Etat souverain et de droit, sa Constitution doit avoir prévu un dispositif de transition du pouvoir en cas
de vacance de la présidence de la République. Encore qu’au regard de l’article 25 du statut (a.4) la responsabilité pénale individuelle de M. Béchir ne saurait affecter la responsabilité de
l’Etat soudanais en droit international. Le non-respect actuel de ladite constitution par le président Béchir, n’est-il pas déjà un coup d’Etat permanent contre les institutions républicaines
?
La vérité, mes chers amis, c’est que si le syndicat des dirigeants africains laisse tomber Béchir, tous les autres membres tomberont les uns après les autres (comme
des dominos), à moins de s’interdire désormais toute villégiature en Europe notamment. Car, tout pays partie au Statut de Rome est exécuteur d’un mandat international de la Cpi.
Mais, à bien y regarder, il est invraisemblable que le président soudanais soit arrêté, que ce soit chez lui ou ailleurs, pendant l’exercice de ses fonctions. Aucun des pays signataires ne serait
assez irrespectueux du peuple soudanais, pour arrêter et livrer son président avant d’avoir tenté de le ramener à la raison et au bon sens politique.
Le mérite du pavé jeté dans la marre aux requins par le procureur de la Cpi, c’est d’avoir réveillé tous ceux qui dormaient autour de la table de négociation de
paix sur le Darfour. Car, ce procureur sait bien qu’au-delà des 2 mois dont disposent les juges pour examiner sa requête, l’article 16 du Statut de Rome prévoit des circonstances où une poursuite
peut être suspendue. Il faut simplement pour cela, que le Conseil de sécurité prenne une résolution ad hoc, votée par au moins 9 membres sur 15, en évitant qu’un des 5 membres permanents y oppose
son veto.
En attendant, il faudrait peut-être que le Cameroun, dont un citoyen (Maurice Kamto) brigue actuellement un poste de juge à la Cour internationale de justice, songe
à ratifier au plus vite le Statut de Rome, afin de prendre le train des Etats civilisés du monde.
En cette année d’anniversaire, nous appelons :
Les Etats non parties à :
- Ratifier ou adhérer au Statut de Rome au plus vite. Nous exhortons particulièrement les pays suivants qui ont déjà un
processus de ratification en cours : le Cameroun, l’Indonésie, la Moldavie, le Népal, la République tchèque et l’Ukraine.
- Incorporer le Statut de Rome dans la législation nationale.
- Ratifier l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour (Apic).
- Coopérer pleinement avec la Cour.
Les Etats parties à :
- Incorporer le Statut de Rome dans leur législation nationale.
- Ratifier l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour (Apic).
- Coopérer pleinement avec la Cour, en exécutant les mandats d’arrêt en cours et en concluant des accords de coopération tels que ceux en rapport avec l’exécution des peines et la réinstallation
des témoins.
- Garantir l’intégrité du Statut de Rome à la Conférence de révision.
- Exprimer leur soutien au Statut de Rome par le biais de discussions bilatérales avec d’autres Etats et dans le cadre des organisations multilatérales.
- Exprimer publiquement leur soutien à la Cour lorsque cela est possible et approprié.
- Encourager un Etat non partie qui leur est voisin et d’autres Etats non parties en général à rejoindre la Cour.
Les organisations intergouvernementales, y compris les Nations unies et les organisations régionales à :
- Coopérer pleinement avec la Cour, y compris en assistant les Etats membres dans la préparation et l’adoption de législations
de mise en œuvre.
- Emettre des résolutions, communiqués conjoints, positions ou déclarations promouvant la Cour en général et en rapport aux
situations en particulier.
- Sensibiliser sur l’importance de la Cpi dans les discussions pertinentes avec les Etats.
- Adopter les accords de coopération avec la Cour.
- La Cpi appelle particulièrement les organisations à exhorter les Etats membres et d’autres Etats (lorsque cela est approprié)
à rejoindre la Cpi et à coopérer pleinement avec la Cour.
Sources : Ccpi
Les 30 pays africains ayant déjà ratifié
Pays Date de ratification
Afrique du Sud 27 novembre 2000
Bénin 22 janvier 2002
Burundi 21 septembre 2004
Botswana 08
septembre2000
Burkina Faso 16 avril 2004
Comores 18 août 2006
Congo (Brazza) 03 mai 2004
Djibouti 05
novembre 2002
Gabon 20 septembre 2000
Gambie 28 juin 2002
Ghana 20 décembre 1999
Guinée 14 juillet
2003
Ile Maurice 05 mars 2002
Kenya 15 mars 2005
Lesotho 06 septembre 2000
Liberia 22
septembre 2004
Madagascar 14 mars 2008
Malawi 19 septembre 2002
Mali 16 août 2000
Namibie 25 juin
2002
Niger 11 avril 2002
Nigeria 27 septembre 2001
Ouganda 14 juin 2002
R. Centrafrique 03
octobre 2001
R. Dém Congo 11 avril 2002
Sénégal 02 février 1999
Sierra Léone 15 septembre 2000
Tanzanie 20
août 2002
Tchad 01 novembre 2006
Zambie 13 novembre 2002
Par Jean-Baptiste Sipa
Le 25-07-2008
Génocide au Darfour le sort de El Bachir dépend de
la Russie et de la Chine selon Abdoulaye Wade
publié le 25/07/2008
S’exprimant au cours d’une conférence de presse,
le président sénégalais, Abdoulaye Wade, a déclaré jeudi à Chicago, aux Etats-Unis que le sort du président El Bachir dépendait essentiellement de la Russie et de la Chine, deux pays membres
permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, opposés à l’arrestation du dirigeant soudanais.
"Le Darfour est l’une des plus grandes tragédies de notre
temps. Plusieurs milliers de personnes ont été tuées et quelque 700.000 autres ont été déplacées. Des milliers de personnes vivent en plein air dans des conditions dramatiques. C’est
inacceptable", a déclaré le
président Wade, appelant son homologue soudanais à coopérer avec la communauté internationale pour trouver un règlement définitif à la crise dans la province occidentale du Soudan.
"Il faut que les choses soient clairement définies pour voir
sa responsabilité personnelle. Un chef d’Etat n’est pas toujours directement responsable de ce qui se passe dans son pays", a soutenu le président sénégalais devant la presse
américaine et internationale.
En tant que juriste, je ne peux pas couvrir des
auteurs de génocides ou de violations des droits de l’homme
"Le procureur m’a informé de ses intentions de le poursuivre
parce qu’il connaît peut-être mes relations avec le président Bachir, mais je n’ai pas réagi. En tant que juriste, je ne peux pas couvrir des auteurs de génocides ou de violations des droits de
l’homme", a-t-il affirmé.
"Le président Bachir était surpris par son inculpation. J’ai
eu un long entretien téléphonique avec lui et il croyait que les poursuites concernaient deux de ses collaborateurs. Je lui ai dit qu’il s’agissait bien de lui, que c’était très sérieux et que si
cela lui est arrivé c’est parce qu’il a laissé traîner la situation au Darfour sans essayer de la résoudre", a-t-il poursuivi, soutenant avoir, bien avant, mis en garde
le président soudanais contre d’éventuelles poursuites judicaires.
"Je lui (Bachir) avais demandé de faire attention car la
communauté internationale était mécontente de lui à cause des massacres au Darfour et de trouver des solutions à cette crise. Il pensait que la présence d’une force internationale au Darfour
serait un moyen pour les Etats-Unis de déstabiliser son régime", a révélé le président Wade.