Commission de consolidation de la paix
Troisième session
Formation République centrafricaine
2e séance - matin
8/10/2008
LA COMMISSION DE CONSOLIDATION DE LA PAIX FAIT LE POINT SUR L’ÉVOLUTION DU PROCESSUS DE PAIX EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Le Ministre centrafricain de l’économie parle des quatre priorités dont la mise en œuvre est indispensable au renforcement de la paix et de la stabilité dans le pays
Résolution des conflits et réconciliation nationale; réforme du secteur de la sécurité; renforcement des capacités de l’État et bonne gouvernance; et enfin, lutte contre la pauvreté par la création de pôles de développement. Telles sont les quatre priorités du Gouvernement centrafricain, a expliqué ce matin, devant la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Sylvain Maliko, Ministre d’État au plan, à l’économie et à la coopération internationale de la République centrafricaine (RCA).
La CCP, qui se réunissait dans le cadre de l’examen de sa « formation République centrafricaine », qui est présidée par l’Ambassadeur de la Belgique, M. Jan Grauls, a entendu un exposé complet de M. Maliko sur la situation dans laquelle se trouve son pays après deux décennies d’instabilité. M. François Lonseny Fall, Représentant spécial du Secrétaire général en République centrafricaine, a noté que cette réunion se tenait à un moment crucial, alors qu’une loi d’amnistie a été votée par l’Assemblée nationale de la RCA: Deux acteurs clefs de la scène politique centrafricaine ont émis de sérieuses réserves sur ce texte, a indiqué M. Fall, en précisant qu’il s’agissait de: la Coalition des partis d’opposition et du Mouvement politico-militaire de l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD). En conséquence, le processus de dialogue préparatoire est dans l’impasse depuis le début du mois d’août.
Évoquant une « marche vers le chaos », M. Maliko a rappelé la série de prises du pouvoir par la force qu’a connue la RCA et qui a fini par déboucher sur un premier processus démocratique avorté. Depuis 1990, les troubles qui ont affecté le pays ont causé des déplacements de populations, a-t-il rappelé, estimant que la RCA a été victime d’« une déstructuration sociale ». L’impunité et la perte de confiance dans les institutions, l’armée et la justice, caractérisent cette période, a-t-il souligné. Il a rappelé que l’espérance de vie des Centrafricains avait diminué, passant de 49 dans les années 1980 à 41 ans aujourd’hui. Un « sursaut patriotique » s’est produit en 2003, a indiqué le Ministre. Ce sursaut s’est caractérisé par la recherche d’un consensus national pour reconstituer les bases d’un État de droit. Si la paix est revenue avec le retour à la « légalité constitutionnelle », une recrudescence du grand banditisme s’est produite à partir de 2006 - avec la propagation du phénomène des « coupeurs de routes » -, tandis que les pays voisins, le Soudan et le Tchad, étaient secoués par des troubles graves.
La résolution des conflits par la voie du dialogue a été l’option choisie par la RCA, a souligné M. Maliko, qui a précisé que la « réconciliation nationale » en cours devait passer par un « dialogue politique inclusif » nécessitant un long processus de préparation dont le médiateur a été le Président du Gabon, El Hadj Omar Bongo. La dernière étape à atteindre sera la réalisation concrète de ce dialogue d’ici la fin de l’année, a indiqué M. Maliko tout en reconnaissant que la durée de cette phase est difficile à estimer. Les premiers objectifs qui lui sont assignés sont de permettre la réinsertion des anciens combattants et la mise en œuvre de mesures d’urgence destinées aux populations sinistrées, a dit le Ministre.
Le processus de consolidation de la paix en République centrafricaine suppose aussi la reconstruction des forces de défense et de sécurité, ce qui implique que dans le même temps l’intégrité territoriale du pays puisse être défendue contre des agressions extérieures et intérieures, a-t-il rappelé. Quant aux actions contre le grand banditisme, le Ministre a dit que le Gouvernement centrafricain souhaitait le développement de liens avec les forces multinationales afin de sécuriser les frontières du pays qui sont « longues et poreuses ». Il est impératif que les forces multinationales poursuivent leur action, a-t-il souligné, en précisant que la RCA souhaitait voir s’étendre le mandat de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT).
La bonne gouvernance est le troisième élément du processus auquel nous sommes attelés, à la fois sur le plan national et local, a dit le Ministre. Enfin, le quatrième et dernier élément concerne les importantes réformes structurelles qui sont entreprises sur le plan économique en visant notamment l’établissement d’une gestion rationnelle et transparente des ressources naturelles. M. Maliko a indiqué que plus des deux tiers de la population centrafricaine vivait en dessous du niveau de pauvreté en 2003, soit environ 2,6 millions de personnes. Il n’a pas caché l’ampleur des défis à relever par la RCA, constatant que la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) nécessiterait la mobilisation de 700 millions de dollars par an.
Le représentant de la France, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, a indiqué que l’Union européenne était encouragée par l’engagement du Gouvernement centrafricain en faveur du dialogue politique, celui-ci étant le « socle du renforcement des institutions démocratiques et du succès des activités de consolidation de la paix ». L’Union européenne, qui a déployé la force EUFOR-Tchad-RCA, estime que la stabilisation des pays de la région est aussi un autre élément essentiel au retour de la paix, de la stabilité et de la prospérité, a dit le représentant. « Renforcer l’état de droit, réformer le secteur de la sécurité, et établir des pôles de développement sont des activités qui se renforcent mutuellement », a-t-il noté.
Le représentant de la Commission européenne a souligné que la réforme des forces de sécurité et de la justice constituait la priorité essentielle du programme de travail du Gouvernement de la RCA et de la Commission de consolidation de la paix. Il a mis en garde contre le fait que tant que les engagements de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) ne seraient pas mis en œuvre, une épée de Damoclès planerait sur la stabilité politique du pays, hypothéquant son avenir. Il nous apparaît essentiel que la communauté internationale mobilise les ressources nécessaires au lancement, au plus vite, d’un programme de DDR, ce qui est précisément la vocation du Fonds pour la consolidation de la paix, a préconisé le représentant de la Commission européenne. Qualifiant la RCA de pays « orphelin de l’aide », il a annoncé que l’Union européenne préparait des mesures de soutien spécifiques, en particulier pour faire face à la crise alimentaire qui affecte le pays. Il a aussi qualifié de « choix avisé » du Gouvernement centrafricain la création de pôles de développement que la Commission européenne a prévu de soutenir financièrement.
La représentante de la Banque mondiale, dont l’institution reprend depuis peu ses activités en République centrafricaine, a expliqué que la priorité allait à l’appui au développement économique et humain, notamment par le soutien aux PME. Parmi les projets envisagés, un projet d’énergie d’urgence de la Banque mondiale, à hauteur de huit millions de dollars, sera examiné en 2009. Le réengagement de la Banque mondiale en RCA suppose la mise en place d’initiatives novatrices, en particulier dans le Nord, aujourd’hui encore affecté par l’insécurité, a dit la représentante. Les réformes sont fondamentales si l’on ne veut pas assister à une reprise des violences, a-t-elle noté. En outre, une bonne coordination de l’action des donateurs est fondamentale, ainsi que la mise en œuvre d’une bonne gouvernance, a-t-il recommandé.
Le représentant des États-Unis a évoqué la question de l’amnistie et demandé au Ministre Maliko quelles mesures comptait prendre le Gouvernement de RCA sur la question de l’impunité, en particulier sous l’angle des exactions commises par les forces de sécurité. Le Ministre a répondu que la réforme de la justice devrait créer les conditions dans le cadre desquelles toute atteinte aux droits et aux libertés serait sanctionnée.
M. Jan Grauls a pris la parole en tant que représentant de la Belgique en soulignant qu’un consensus politique s’avérait indispensable, le Comité de suivi ayant un rôle à jouer à cet égard. La Belgique souhaite participer activement au rétablissement de la paix et a débloqué 1,4 million d’euros, notamment destinés à une aide urgence aux réfugiés, a indiqué M. Grauls. Concernant la réforme du secteur de la sécurité, la Belgique a envoyé un expert en RCA pour y aider le Gouvernement à développer une nouvelle stratégie. Ce soutien et celui de la communauté internationale doivent s’accompagner d’un processus d’appropriation nationale, a-t-il indiqué.
Jane Holl Lute, Sous-Secrétaire générale des Nations Unies et Chef du Bureau d’appui à la consolidation de la paix, a relevé les défis que doit affronter la RCA dans le processus actuel qui démontre, une nouvelle fois, a-t-elle constaté, la complexité des démarches de stabilisation la paix.
La construction et la consolidation de la paix sont un long processus, a en effet renchéri M. Maliko. « Rome ne s’est pas construite en un jour », a-t-il dit, et malgré des déceptions éprouvées au long du parcours, le Gouvernement de la RCA reste pleinement engagé en faveur du processus actuel pour que le lien entre la paix et le développement soit définitivement établi. C’est la raison pour laquelle, il place beaucoup d’espoir dans la CCP, a souligné le Ministre centrafricain. La question de la démobilisation et de la réinsertion des anciens combattants, et celle du rétablissement des services publics dans les zones où ils ont disparu, font partie des priorités à réaliser une fois la paix revenue, a-t-il dit. Concluant la réunion, il a mis en garde contre toute focalisation qui ne prendrait en compte qu’une seule composante du problème qui se pose à la RCA au détriment de son traitement global.
M. Grauls a indiqué que la Commission se rendrait à Bangui du 28 octobre au 6 novembre. Le consensus existe autour de la réforme du secteur de la sécurité, de la bonne gouvernance, des pôles de développement et du dialogue politique, a-t-il résumé.
Outre les orateurs cités, les représentants du Gabon et de l’Égypte se sont aussi exprimés au cours de cette réunion de la Commission de consolidation de la paix.