Déby et Bozizé à Syrte
Suite au décès du président gabonais, Omar Bongo Ondimba, principal médiateur des conflits des les pays de la sous-région, la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC) devra trouver de nouveaux appuis pour relever le défi de stabilisation et du développement. Dans une interview accordée ce 6 juillet à RFI que nous publions in extenso, le chef de l'Etat centrafricain, président en exercice de la CEMAC, esquisse un état des lieux des chantiers politiques, économiques et sécuritaires que son pays et ceux de la sous-région devront mener à bien.
RFI : En tant que président de la CEMAC, est-ce que vous mesurez déjà les conséquences de la crise mondiale sur les économies de vos pays ?
F.B : «En effet, les domaines dans lesquels les retombés de
cette crise se sont faits sentir c’était les infrastructures, les mines, l’Agriculture et la forêt.
Est-ce que l’économie centrafricaine sent déjà
le contre-coup de la crise mondiale ou pas ?
F.B : Nous le sentons, par exemple dans le domaine de la forêt, sur 12 sociétés
forestières il y a 9 qui ont mis la clé sous le paillasson. Il y a un sérieux problème de chômage dans bien des sociétés mais cependant, des mesures ont été prises en ce qui concerne les sociétés
forestières et commerciales au niveau de Bangui.
Donc
il y a une fuite des exportations ?
Oui, exact.
Après la mort du doyen Bongo, quel est le chef d’Etat de la sous région qui peut le mieux s’exprimer au nom de vous tous ?
F.B : Pour le moment, on a choisi celui qu’on appelait le vice
doyen à l’époque, c’est le président du Cameroun, et nous pensons que d’ici peu, il devrait convoquer une réunion pour que l’on se concerte sur l’«après Bongo», et voir dans quelles mesures aider
le Gabon a ne pas glisser dans des cas pareils à ceux que nous avons constaté dans d’autres pays d’Afrique.
Que pensez-vous des premières semaines de transition au Gabon ?
F.B : Les choses s’enclenchent normalement, tout se fait tout en respectant ce qui est
défini dans la Constitution, il n’y a pas d’erreurs quelconques. Lors des obsèques, la jeunesse scandait que «nous voulons la paix jusqu’au bout» et je crois bien que c’est un cri dont la classe
politique doit tenir compte.
Vous avez déjà rencontré madame Rose Francine Rogombé, présidente par intérim, quel conseil lui donnez vous
F.B : C’est une dame clairvoyante. Nous pensons qu'elle est capable de tenir compte des conseils des uns et des autres.
Vous venez d’apprendre une bonne nouvelle, la République centrafricaine vient d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE, plus de 80% de votre dette
est annulée, qu’allez vous faire des nouvelles sommes d’argent qui sont disponibles pour le trésor centrafricain ?
F.B : C’est une grande étape dans la marche vers la reconstruction de notre pays. La priorité c’est l’agriculture, le redressement des sociétés de l’Etat et ensuite la santé et
l’éducation.
Est-ce que la Centrafrique va encore se ré endetter ?
F.B : Non, nous ferons de notre mieux pour ne pas glisser dans ce domaine délicat.
Quelques jours avant l’annulation de votre dette, vous avez limogé un de vos ministres, l’homme d’affaires pakistanais Saifee Durbar, qui avait été
condamné par la justice française à 3 ans de prison pour escroquerie, et ceci à sans doute facilité cela, alors pourquoi aviez-vous donné à cet homme d’affaires peu recommandable une place dans
votre gouvernement ?
F.B : Nous l’avons nommé vice ministre des Affaires étrangères à titre honorifique. Nous ne voyons pas pourquoi cela a été déformé, mais compte tenu du fait que nous ne pouvions pas créer
d’entraves à la justice, et surtout nuire à nos relations avec la France, nous avons préféré abrogé ce décret.
Autre bonne nouvelle politique cette fois, les rebelles d’Abdoulaye Miskine
viennent de rejoindre l’accord de paix global, mais les rebelles de l’ancien ministre d’Etat Charles Massi restent sur le pied de guerre, surtout depuis que leur chef a été arrêté sur le
territoire tchadien. Est-ce que pour la réconciliation il ne vaudrait pas mieux qu'Idriss Deby libère Charles Massi ?
F.B : Pour la réconciliation nous n’avons pas des problèmes avec Massi. Massi a été la deuxième personnalité du gouvernement, il a été remercié et depuis lors il a choisi d’entrer dans ce
qu’il appelle la rébellion, mais pour quelles raisons nous ne savons pas. Nous laissons les autorités tchadiennes régler ce qu’il y a comme anomalie et ensuite on verra ce qu’il y a lieu de
faire. Mais la réconciliation nous la pratiquons depuis toujours, nous sommes ouverts et nous n’avons pas de problèmes quelconque avec Massi.
Certains de vos compatriotes se demandent si la Centrafrique n’a pas abandonné
une partie de sa souveraineté au Tchad ?
F.B : Non, nous avons de très bons rapports avec le Tchad, mais le Tchad n’exerce aucune pression sur les activités de la République centrafricaine.
Vous avez réussi à faire la paix avec tous les rebelles depuis un an, sauf
Charles Massi. Est-ce qu’il ne faudra pas mettre fin à cette fixation ?
F.B : Je ne l’ai pas chassé, il a quitté Bangui librement. Posez-lui la question de savoir s'il a un problème avec Bozizé.
Pour l’instant il est en prison, c’est difficile...
F.B : Ce n’est pas moi qui l’ai mis en prison, il semble qu’il s’est peut être comporté maladroitement au niveau du Tchad. S'il a transgressé nous ne pouvons rien.
Mais il faudra bien qu’il soit libéré ?
F.B : Avec le temps ça ira bien, il faut qu’on sache un peu de quoi il s’agit.
Dans 9 mois c’est la présidentielle, mais pour
l’instant personne n’en voit les préparatifs est-ce qu’elle se tiendra bien en mars 2010 ?
Oui, mais pourquoi pas ? La loi sur le Code électoral a été voté par l’assemblée, la CENI sera mise en place d’ici peu et puis ensuite le mécanisme se met en place.
Sur la CENI il y a une polémique car selon le nouveau code électoral, il est
prévu que le président de cette commission soit nommé par le premier ministre ou le président de l’Assemblée, et l’opposition dit que c’est une grave entorse à l’esprit du dialogue politique de
décembre dernier ?
F.B : C’est la loi ce n’est pas moi qui l’ai inventé. Nous l’avons adopté pendant la transition, alors pourquoi aujourd’hui on ne reconnaît plus cette loi et qu’il faut la fouler au pied et
parler d’autre chose ?
Est-ce que vous serez candidat ?
F.B : Avec le temps vous serez informé de ma position, mais pour le moment je m’occupe du peuple centrafricain et de la République centrafricaine.
Martin Ziguélé vient d’être investi par le MLPC, alors 5 ans après il va
essayer de gagner le match retour, est-ce que vous êtes prêt pour la bataille ?
F.B : C’est lui qui est prêt pour la bataille, posez lui la question. Pour le moment je m’occupe d’abord du peuple centrafricain, le reste ça viendra, au moment venu je pourrais me
prononcer».
Source : RFI gaboneco.com 07-07-2009