Il veut que les députés votent illégalement une loi pour proroger son mandat
L’annonce faite par le président Bozizé du report des élections du 16 mai avait donné à penser à certains que devant le constat quasi général de l’impréparation totale de ces élections
pointé dans presque tous les rapports, depuis les rangs de l’opposition jusque dans le propre camp de la majorité présidentielle en passant par la communauté internationale, Nations Unies en
tête, ce dernier était subitement devenu lucide et avait fini par entendre les multiples cris et demandes des partisans du nécessaire report.
C’est mal connaître Bozizé. En réalité, il ne croît pas du tout à la sincérité et bonne foi des leaders de l’opposition et n’est nullement rassuré par les gages qu’ils
déclarent lui donner en continuant à reconnaître sa légitimité jusqu’à l’élection du nouveau président de la République après l’expiration de son mandat. La rapidité avec laquelle il a pris la
décision du report des élections à l’issue de la rencontre du jeudi avec la classe politique en présence du corps diplomatique cachait en vérité une autre idée qu’il a derrière la tête. Avant de
venir présider cette rencontre et annoncer la décision du report des élections, il s’était secrètement déjà mis d’accord avec l’ineffable président de l’Assemblée, Célestin Leroy Gaombalet.
Le casting est le suivant : Il consiste à accepter le report des élection
même après la fin de son mandat puis à immédiatement faire déposer devant les députés, un projet de loi portant prorogation du mandat du président de la République et celui des députés jusqu’à
l’élection du nouveau président de la République ainsi que des députés de la nouvelle Assemblée nationale. C’est ce qui a été mis en marche dès le lendemain de l’annonce du report des
élections.
Le vendredi matin dès 10 heures, le Bureau de l’Assemblée nationale est réuni
sous la présidence de Célestin Leroy Gaombalet pour examiner la recevabilité du fameux projet de loi avec un exposé de motifs déjà archi
prêt, visiblement depuis fort longtemps. C’est donc la voie parlementaire que choisit Bozizé qui compte faire proroger son mandat, refusant
ainsi la solution préconisée par l’opposition et annoncée par Me Nicolas Tiangaye au cours de la rencontre du jeudi, de la signature d’un
accord politique sous les auspices du Médiateur de la République Mgr Paulin Pomodimo.
Si Bozizé était entouré
de juristes, ils lui auraient fait aisément comprendre que l’article 108 de la Constitution dont il aime à dire qu’il en est le garant, dit clairement au sujet de la révision de la Constitution
:
Art.108 : Sont expressément exclus de la révision :
- la forme républicaine et laïque de l’Etat ;
- le nombre et la durée des mandats présidentiels ;
- les conditions d’éligibilité ;
- les incompatibilités aux fonctions de Chef de l’Etat ;
- les droits fondamentaux du citoyen.
De surcroît, en vertu du 5ème alinéa de l’article 24 de la Constitution qui dispose que : « L’élection du nouveau Président a lieu quarante-cinq (45) jours au moins et quatre-vingt dix (90) jours au plus
avant le terme du mandat du Président en exercice. » on a déjà violé ladite Constitution. En fait, depuis le 27 avril dernier, puisque l’élection du nouveau président de la
République n’a pas lieu dans les délais requis par la Constitution, on peut considérer que Bozizé aussi est en dehors de la Constitution jusqu’à l’expiration de son mandat du 11 juin prochain.
En ce qui concerne aussi les députés, depuis le 19 avril, l’élection de leurs successeurs n’ayant pas eu lieu, on est dans le même cas
de figure d’une violation de la Constitution. Ils ne sont plus en mesure de voter des lois, à plus forte raison ayant trait à la prorogation de mandat, que ce soit pour eux-mêmes ou celui du
président de la République.
Comme l’a écrit Me Zarambaud Assingambi dans une de ces tribunes publiée dans
Le Citoyen n° 3230 du 19 octobre 2009 repris par Centrafrique-Presse du 21 octobre 2009 à propos des manœuvres et velléités de prorogation du mandat du président de la République, ces tentatives
sont vaines et vouées à l’échec car la Constitution est hermétiquement verrouillée s’agissant notamment de la durée et du nombre du mandat du président de la République. Sauf à vouloir procéder
comme l’a fait l’ex président du Niger Mamadou Tanja qui doit bien le regretter à présent, la voie que veut emprunter Bozizé n’est pas autre chose qu’un coup d’Etat constitutionnel. Déjà arrivé au pouvoir par les armes, lui faut-il maintenant tordre le cou à la
Constitution qu’il a promulguée lui-même ?
Me Zarambaud avait conclu son billet du mois d’octobre 2009 en
disant ceci : « La seule solution du problème consisterait à supprimer
le problème, comme au Niger, en supprimant l'actuelle Constitution et en proposant une nouvelle Constitution. A Dieu ne plaise ! » Bozizé ferait mieux de bien méditer cela. A bon entendeur, salut !
Ci-dessous, le projet de loi concocté depuis longtemps par les députés Luc Apollinaire
Dondon Konamabaye et Paul Abouka mais que Bozizé n’a jamais eu le courage de
faire voter. Maintenant que son mandat ainsi que celui des députés est terminé, il le fait ressortir ce projet feignant d’oublier ou ignorant que c’est trop tard. C’est un coup d’Etat
constitutionnel !
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Loi Constitutionnelle N°
Modifiant et complétant certaines dispositions de
la Constitution du 27 décembre 2004
L'Assemblée Nationale a délibéré et
adopté
Le Président de la République, Chef de l'Etat
promulgue la loi Constitutionnelle dont la teneur suit :
Article
1er: Certaines dispositions de la Constitution du 27 décembre 2004 sont
modifiées et complétées ainsi qu'il suit:
Au lieu de
Art. 24 ancien : Le Président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin secret, majoritaire à deux (2) tours.
La durée du mandat du Président de la République est de cinq (5) ans. Le mandat est
renouvelable une seule fois.
Ne peuvent être candidats à l'élection présidentielle que les hommes et les femmes
centrafricaines d'origine âgés de trente cinq (35) ans au moins ayant une propriété bâtie sur le territoire national et n'ayant pas fait l'objet de condamnation à une peine afflictive ou
infamante.
Ils doivent jouir de leurs droits civiques, être de bonne moralité et capables d'assurer avec
lucidité et efficacité les fonctions de leur charge.
L'élection du Président de la République a lieu quarante cinq (45) jours au moins et quatre
vingt dix (90) jours au plus avant le terme du mandat du Président en exercice.
Lire
Art. 24
nouveau : le Président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin secret
majoritaire à deux (2) tours.
- le mandat du Président de la République est de cinq (5) ans, le mandat est renouvelable une
seule fois.
- Ne peuvent être candidats à l'élection présidentielle que les hommes et les femmes
centrafricaines d'origine âgés de trente cinq (35) ans au moins, ayant une propriété bâtie sur le territoire national et n'ayant pas fait l'objet de condamnation à une peine afflictive ou
infamante.
- Ils doivent jouir de leurs droits civiques, être de bonne moralité et capables d'assumer avec
lucidité et efficacité les fonctions de leur charge.
- l'élection du nouveau Président a lieu quarante cinq (45) jours au moins et quatre vingt dix
(90) jours au plus avant le terme du mandat du Président en exercice.
- Au cas où l'élection du Président de la
République intervient après la fin du mandat du Président en exercice, ainsi que de celui de l'Assemblée Nationale, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement saisit la Cour Constitutionnelle aux
fins, d'une part, de constater l'expiration du mandat présidentiel et législatif, et d'autre part d'autoriser le Président sortant à conserver ses prérogatives afin de faire organiser les
nouvelles élections dans les nouveaux délais fixés par la Commission Electorale. L'Assemblée nationale reste en fonction.
Article 2 : La présente Loi Constitutionnelle entrera en vigueur dès sa promulgation par le
Président de la République.
Elle sera publiée au journal officiel et exécutée comme Constitution de la République
Centrafricaine.
Fait à Bangui, le
EXPOSE DES MOTIFS
Depuis le sursaut patriotique du 15 mars 2003, la République centrafricaine, sous la Très Haute
Impulsion de Son Excellence, le Général d'Année François BOZIZE YANGOUVONDA a choisi la voie de la Démocratie, de la Paix, de la Sécurité et du
Développement pour le bien être du peuple centrafricain qui a tant souffert des vicissitudes du passé.
Pour parvenir à ces ambitions légitimes, il a été soumis à la Nation une nouvelle Constitution
qui a été adoptée par Référendum à une majorité écrasante le 27 décembre 2004. C'est sur cette base que les élections de 2005 se sont déroulées dans la transparence et la
crédibilité.
Depuis lors, beaucoup d'acquis démocratiques et de progrès ont été réalisés et, cela, bien
souvent sans difficultés.
Face à ces obstacles qui ont mis en péril la vie de la Nation, Le Chef de l'Etat a toujours
choisi le dialogue, la concertation plutôt que le langage des armes.
Il en a été ainsi, entre autres, du Dialogue
National et du Dialogue Politique Inclusif qui ont conduit à la mise en veille de certaines dispositions de la Constitution du 27 décembre 2004 et ce, dans l'intérêt supérieur de la
Nation.
Or, et il faut se le dire et reconnaître que le principe du consensus en tant que mécanisme de
règlement de conflits ne doit pas être érigé au règle de droit au mépris de la loi fondamentale qui seule peut aboutir à des solutions durables et non parcellaires.
C'est pourquoi, à l'occasion des élections de 2010 où se profile la problématique du vide
institutionnel, en ce qui concerne le mandat du Président de la République en exercice, il serait judicieux d'envisager dès maintenant de combler ce vide constitutionnel ! Non pas par un
consensus mais par un argument de droit qui, inévitablement aboutit à une révision partielle de la loi fondamentale.
Deux possibilités sont offertes par la Constitution pour une solution pérenne, à savoir
:
- la révision partielle de la Constitution par voie de référendum ;
- la révision partielle de la Constitution par adoption par l'Assemblée nationale d'une loi
Constitutionnelle.
Pour des raisons évidentes, la seconde solution est la plus appropriée parce que moins lourde,
moins coûteuse en terme d'organisation et plus rapide en terme de procédure, ceci afin d'éviter tout pourrissement de .la situation. Les démocrates convaincus ne diront pas le
contraire.
Il faut en outre préciser qu’en cas de vide constitutionnel, la saisine de la Cour
Constitutionnelle est faite par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, c'est parce que les mandats présidentiels et législatifs arrivent à terme en même temps.
S'agissant enfin de la compétence de la Cour Constitutionnelle, la solution se trouve à
l'article 2 alinéa 3 de la Loi Organique n°05.014 du 29 décembre 2005 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle qui dispose: « Elle est l'organe qui assure la régulation du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics, conformément aux dispositions de la
Constitution et les lois particulières».
En effet, les risques que fera courir le vide institutionnel sont très nombreuses dont, entre
autres, le blocage du fonctionnement des institutions républicaines.
Qui y a intérêt ?
Telle est la quintessence de la loi Constitutionnelle qui est soumise à votre
approbation.