Légalité contre légitimité.
Voilà le débat qui semble diviser une fois de plus, la classe politique centrafricaine. Cette énième crise est née suite à l’incapacité de la nation et de son gouvernement à organiser
des élections aux critères satisfaisants pour tous. Afin d’esquiver l’affreux « vide constitutionnel », le gouvernement dans une séquence aussi bizarre que véloce, a décidé de
saisir la plus haute cour constitutionnelle du pays qui a en conséquence presque « ordonné » a l’assemblée nationale la prorogation du mandat
présidentielle.
Cette prorogation loin de taire les
disputes, d’aplanir les dissensions, de clore le débat, semble avoir l’effet contraire.
En effet, l’opposition dans un
premier temps abasourdie par la réaction présidentielle, s’est ressaisie et n’à depuis, arrêté de crier « au voleur » et durant les dernières semaines remet ou promet de
remettre en cause la « légitimité » du Président ainsi élu. Le locataire du palais de la Renaissance, lui, taxe ses adversaires de mauvaise foi et clame à qui veut l’entendre de la
légalité de son pouvoir car tiré d’ « institutions légale ».
La légitimité ou la
légalité du Président de la République (nombreux sont ceux pour qui ces mots sont interchangeables) est loin de la préoccupation journalière et quotidienne des Centrafricains. N’eussent été
les troubles sociaux à même de naître de cette querelle, paysans et travailleurs ne sauraient certainement que faire des deux mots qui leur paraissent aussi abscons et ténébreux l’un que l’autre.
Lumière.
Un gouvernement se dit légal (ou a
une légalité) lorsqu’il tire son existence même d’un ensemble de règles établies de façon consensuelle ; mentionnées dans la loi fondamentale (constitution qui au passage a été
décapitée pour autoriser la prorogation) ou encore dans la jurisprudence (ensemble des principes de droit suivi dans chaque pays).
La légitimité, elle, semble plus
complexe, plus abstraite presque philosophique. Le concept de la légitimité se rapporte au principe de l’agrément, de l’assentiment de l’approbation du peuple (et non des institutions). Elle
insinue le fait que le pouvoir est pratiqué par les personnes qu’il faut, faisant ce qu’il faut dans l’intérêt général. Le principe de la légitimité est à notre humble avis, l’une des pierres
angulaires dans l’édification de la pyramide démocratique.
Pierre Calme donne les 5 principes
de bases de la légitimité :
-
Répondre a un besoin ressenti par
la communauté ;
-
Reposer sur des valeurs et des
principes communs et reconnus
-
Etre
équitable
-
Etre exercée efficacement par des
gouvernants responsables et dignes de confiance
-
Appliquer le principe de moindre
contrainte.
Le Président de la République en
décidant s’arcbouter à une interprétation sclérosée, raide et rigide de la constitution commet l’erreur d’ignorer le peuple qui de facto, est relégué au rang de simple
accessoire politique. Il coupe ainsi le vital cordon ombilical le liant avec ses compatriotes (source de son pouvoir et non une quelconque divinité comme il l’a affirme dans son
allocution du 10 Mai), d’où naturellement il devrait tirer sa légitimité. Paradoxalement en choisissant la voie de la machinale et sèche légalité, il a effectivement perdu celui de la
légitimité.
Aucun gouvernement quelque soit les
moyens dont il dispose ne peut efficacement gouverner et mener a bien des projets de développements en usant de la contrainte, et de l’oppression. Dans une démocratie nous en restons
fermement convaincus, le président se doit de convaincre ses compatriotes et non les contraindre et faire montre de force brute.
Une démocratie, une nation, un pays
affublé d’un dirigeant mal élu, non élu, ou imposé ne pourrait fonctionner à son optimum. Il ne sera que le théâtre de perpétuels soubresauts sociaux, de bras de fer
constant entre gouvernes et gouverneurs, de sempiternelle revendication égalitaire. Il serait alors traverser de réguliers courant ellipsoïdaux, empêchant sa marche en avant. Grandissant
aussi sera le sentiment de non appartenance, de rejet d’une partie de la population. Ce qui aurait pour séquelle l’approfondissement du repli communautaire.
Nous avons des milliards de FCFA en
budget pour la pacification du pays, sommes qui auraient pu servir à l’amélioration du réseau routier entre Bangui et le port de Douala, principale ouverture de la
Centrafrique sur l’extérieur (si on tient compte du volume de marchandise y transitant).
Nous ne le répéterons jamais assez,
et continuerons à le faire, étant donné le caractère pédagogique de la répétitivité ; Les problèmes en Centrafrique sont de nature purement politique, c’est donc sur ce terrain que nous
nous devrions nous efforcer de les résoudre.
Bozizé est donc il vrai, un
président en manque de légitimité. Car comme démontré plus haut, l’on ne peut en toute vérité simplement « auto-extraire » sa légitimité d’institutions
même légales.
Ainsi lorsque le Chef de l’état fait
allusion au « pouvoir discrétionnaire du chef de l’état » certains observateurs se demandent donc la source réelle de ce « pouvoir » ; serait-il divin
comme le chef de l’état l’a si bien précisé dans sa déclaration, car dans une république le pouvoir provient du peuple et du peuple seul. Tout pouvoir tirant donc sa source autre que
de l’adhésion populaire est donc arbitraire.
Que faire donc pour préserver la
paix et la tranquillité du citoyen ?
Le chef de l’état
dispose d’une certaine légalité de son coté. Il devrait en toute responsabilité transformer cette légalité en légitimité. Cela est faisable, plausible, si bien sûr il en a la volonté
politique et le sens de l’intérêt général.
La solution serait ce que nous
nommons une « légitimation par association ». Elle consisterait en l’intégration, l’association d’une partie de la classe politique (mise à l’écart depuis 2005) dans
le mécanisme de prise de décisions. Ce qui aurait pour conséquence naturelle d’agrandir, d’élargir la base politique du gouvernement et donc son acceptation par une plus grande marge de la
société. Evitant au passage à la nation les affres d’infinis tiraillements politiques : Un gouvernement d’union.
Pour nombre de Centrafricains et
spécialement ceux qui exercent le pouvoir ou participent indirectement à son exercice, un gouvernement d’union n’est rien de plus qu’une hérésie politique, une anomalie sociétale. Cette vision
provient souvent du fait de la divergence des agendas politique (ce qui n’est point une mauvaise chose en elle même), un alignement des points de vues pourrait donc rendre la chose plus
réalisable.
Dans l’état actuel des choses, il
est à note que les aficionados d’un gouvernement d’union dont le but serait de conduire le pays aux élections, auront de fortes chances de voir se raidir le gouvernement et donc
verront la probabilité d’un refus fort élevé. Le concept d’un gouvernement d’union dans ce cas se devrait de souffrir d’une révision de ses objectifs pour être acceptable et accepté par le
gouvernement : La fixation d’objectifs neufs, autres que l’organisation des élections (mais non moins prestigieux). Dans un pays ou tous les indicateurs sociétaux sont au rouge cela ne
devrait point être une tache ardue. Avoir une composition « acceptable » est tout aussi important.
Il est un point dont la gravité et
l’importance n’ont d’équivalence que l’organisation d’élections justes et transparentes : Le retour de la paix. En effet la pacification de la nation est la condition sine qua non,
l’alpha et l’oméga, le piédestal, l’unique plate forme sur laquelle pourrait, non seulement se tenir des élections, mais aussi, a même de soutenir et favoriser ce a quoi nous aspirons
tous ; le développement de la RCA. Il mérite donc une attention particulière, une politique concertée et raisonnée de manière consensuelle et responsable. La formation d’un
gouvernement qui s’attèlera a cette tâche, ramènera la paix et la concorde et procédera à la réconciliation des Centrafricains avec eux mêmes, est donc une évidence et une nécessité qui s’impose
d’elle même.
Ce gouvernement de
« pacification et de réunification » prêtera une attention particulière au DDR, mais ne touchera point à la CEI (qui devrait faire l’objet de négociations différentes). L’accent
sera mis sur la question des refugiés et des exilés politiques; le lecteur notera que ces deux groupes sont la résultante directe de la violence politique qui sévit avec intermittence
dans le pays. En réalisant des concessions sur la question des élections, l’opposition démontrera ainsi sa bonne volonté et la raison première de son existence ; le bien être du peuple
Centrafricain, l’éclosion d’une Centrafrique pacifiée, unie et prospère.
Ce gouvernement devrait avoir un
chronogramme extrêmement précis et pointilleux de travail, élaboré et préalablement soumis au président de la république. Précisons que ce dernier et ses Prérogatives ne souffriront
d’aucune entache durant cette période (un maximum de deux ans et six mois).
Certains soulèveront, justement
d’ailleurs, la question relative a la longueur de cette période. Nous rétorquerons que les deux années seront réellement mis au service de la paix dans la nation et nous sommes
presque certains de l’efficacité d’un tel gouvernement à conduire avec succès sa mission. L’alternative serait une navigation de durée « indéterminée » dans l’épave du pouvoir en
place et dont les chances de réussites sont ce que nous savons. Ce chronogramme s’opposera positivement à l’incertitude dans laquelle nous naviguons en ce moment.
La résistance du gouvernement à
travailler avec l’opposition trouve ses racines dans une peur injustifiée, une haine viscérale, primaire et incompréhensible de cette dernière. L’opposition n’est point l’ennemi. La
faim, le sous développement, la pauvreté, l’analphabétisme, le repli communautaire, la division sont les véritables ennemis du KNK.
Il arrive des temps ou nous devrions prendre une décision qui n’est ni sécurisante ni politique ni populaire,
mais que nous nous devrions de prendre, parce que notre conscience nous dit qu’elle est juste. Martin Luther King.
Même si la sagesse n’est pas une
vertu Centrafricaine, le président et ses partisans reconnaissent tout au fond d’eux qu’un gouvernement d’union est la juste et correcte chose à faire pour la Centrafrique, a cet instant
précis.
Réf. : Calame, Pierre, La démocratie en miettes, Pour une révolution de la gouvernance, Editions Charles
Léopold Mayer, Paris, 2003, 334 pages.