(Mutations 20/07/2010)
Le rapport 2009 des commissaires aux comptes révèle
également un déficit total de près de 30 milliards de Fcfa sur le résultat de la banque.
Les cabinets Kpmg et Ernest & Young ont rendu public
leur rapport le 11 juin 2010. Ils avaient été commis pour auditer les comptes de la Beac pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2009.
Selon ce rapport, les comptes de la Banque des Etats de
l’Afrique centrale (Beac) font ressortir un bilan total de 7301 milliards Fcfa pour la période auditée, et un déficit de 29,6 milliards Fcfa. Avec, comme les années antérieures, le Bureau
extérieur de Paris (Bep), aux premières loges du hit parade des points de présomption de détournement.
«Dans notre rapport au 31 décembre 2008, nous avions déjà émis la réserve selon laquelle, les comptes
bancaires du Bureau extérieur de Paris comporteraient des irrégularités pour cause d’analyse inadéquate des transactions de trésorerie», indique le rapport. Avant de poursuivre: «Les
investigations menées au cours de l’exercice 2009 (…) ont confirmé ces présomptions de fraudes pour un montant de 16549 millions Fcfa [16,6 milliards de Fcfa]».
Les cas d’irrégularité financières concernent
principalement les suspens bancaires du compte Bnp Paribas de la Beac à Paris, dont l’analyse laisse entrevoir une charge nette de 249 millions de Fcfa «non comptabilisée», selon le rapport, et que l’institution financière sous régionale a dû combler à travers
deux dotations : une de 181 millions Fcfa en 2008, et une autre de 68 millions Fcfa en 2009.
Les commissaires aux comptes ajoutent que les vérifications
et rapprochements bancaires qui ont permis de mettre à nu ces irrégularités financières ne couvrent qu’une partie des suspens du compte audité pour l’année 2009. Selon eux, l’examen des autres
s’avère nécessaire, d’autant qu’ils concernent essentiellement «les chèques frauduleux et les écritures comptables sans pièces justificatives».
Le rapport met également en cause les décaissements de la
Beac en faveur des trésoreries nationales de quatre pays de la sous région. Le Cameroun, le Tchad, le Gabon et la Guinée Equatoriale auraient, selon le rapport, bénéficié de «trop perçus» évalués à 6,2 milliards de Fcfa avec un supplément de 1,2 milliards de Fcfa représentant les
pénalités sur le retrait anticipé en août 2009 des dépôts d’un des quatre pays, que le rapport ne désigne pas nommément. Toujours dans ce chapitre des sources présumées de malversations
financières à la Beac, le rapport indexe la provision pour les évacuations sanitaires.
Si les commissaires aux comptes reconnaissent que la banque
a changé la méthode d’estimation et de comptabilisation de ladite provision, ils indiquent cependant qu’ «elle n’a pas procédé à un inventaire exhaustif des cas de prise en charge sanitaire à la clôture de l’exercice». Résultat des courses, un forfait de
200 millions de Fcfa de charge à payer par la Beac au titre de l’exercice 2009.
Les pratiques supposées irrégulières par le rapport des
cabinets Kpmg et Ernest & Young qui avaient déjà audité les comptes de la Beac pour l’année 2008, s’étend aussi à la nature des placements effectués par la Beac au cours des deux dernières
années. «Le Dati (Dépôt à terme indexé, dépôt fait auprès de la Société générale de Paris, ndlr) a été
signalé dans notre rapport à la fin 2008. Suite à la demande de sortie anticipée par la banque, le remboursement intervenu le 30 décembre 2008 avait permis de constater une perte de 16399
millions (16 milliards Fcfa!)». Le tableau n’est donc pas reluisant, même si dans le même rapport, les cabinets auditeurs certifient que «les comptes annuels de la Beac au 31
décembre 2009, sont réguliers et sincères».
Serge D. Bontsebe (Stagiaire)
Contrôle: des barrières trop perméables
Les procédures de régulation des activités financières de
la Beac sont de plus en plus ignorées ou contournées.
Les acteurs de la Justice diraient qu’il y a récidive en la
matière. Car au fil des ans, le Bureau extérieur de Paris (Bep) de la Beac, pour ne prendre que ce cas, s’est retrouvé au cœur de nombreux scandales financiers, ou au moins l’objet de gros
soupçons de malversations et fraudes en tout genre. Le rapport d’audit des comptes de l’institution financière sous régionale pour l’année 2009 vient de rajouter une couche à ces
présomptions.
Mettant une fois de plus en lumière la facilité avec
laquelle les responsables de ce Bureau, ont souvent contourné les procédures normales prévues par la réglementation en cours à la Beac en matières de transactions financières, et notamment pour
ce qui concerne le fonctionnement du Bep Les cabinets Kpmg et Ernest & Young, auteurs de ce rapport, indiquent par exemple qu’au 31 décembre 2008, la Beac disposait d’une provision d’un
montant de 15,7 milliards de Fcfa dans son compte logé à la Société générale. En 2009, la Beac décide, à travers son Bep, de reprendre cette provision et de constater une perte d’un égal montant.
Or, ajoutent les auditeurs, «le traitement comptable de cette perte devrait préalablement être soumis à l’organe délibérant de la Banque», en raison notamment de «l’importance de cette décision
(la reprise de l’approvisionnement, ndlr) et conformément à la recommandation No3 de la conférence des Chefs d’Etat de la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, ndlr) du
17 janvier 2010».
Comptabilité générale
Au plan de la comptabilité générale et des comptabilités
auxiliaires, le rapport d’audit du 11 juin 2010 révèle que «divers écarts ont été relevés au cours de
(leurs) travaux entre les modules de comptabilité auxiliaires(…) et celui de la comptabilité générale». En clair, les instruments de mesure varient en fonction des comptables qui
travaillent pourtant pour la même institution. Le rapport poursuit, dans le même esprit, que «ces écarts
illustrent des faiblesses quant au suivi des rapprochements entre les différentes comptabilités auxiliaires et la comptabilité générale» Plus encore, «cette situation est aggravée par le défaut d’analyse des comptes qui servent de liens entre la comptabilité générale et
les autres modules ou interfaces qui, dans un environnement stabilisé, devraient s’apurer en fin de période. Il s’agit particulièrement des comptes de lettrage».
Outre ces entorses aux procédures comptables, les
commissaires aux comptes indexent aussi les procédures de contrôles internes de la Beac. «Le plan comptable
annoté et le manuel de l’organisation et des procédures comptables soumis au conseil d’administration de juillet 2009 à Douala n’ont toujours pas été approuvés conformément à l’article 67 des
statuts de la Banque», écrivent-ils. Avant d’ajouter que «le renforcement du dispositif de
contrôle et de la bonne gouvernance prévu dans le plan d’action arrêté par le conseil d’administration n’est pas totalement mis en œuvre». La Beac, qui définit et conduit la
politique monétaire de la Cemac, serait donc doté de barrières inefficaces en matière de contrôle de gestion.
S.D.B. (St)
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