Nous avons reçu et publions ci-dessous un excellent texte d'appel signé d'un groupe de patriotes
et démocrates centrafricains qui veulent un réel changement à l'issue des prochaines élections en Centrafrique dont la condition sine qua non est le départ de ce qu'il faut bien nommer : la
calamité François Bozizé que les auteurs de l'appel désignent clairement comme un mal absolu. A méditer...
Rédaction C.A.P
APPEL A TOUS LES CANDIDATS QUI SE RECLAMENT DE L’OPPOSITION
POUR UNE CANDIDATURE UNIQUE A LA PRESIDENTIELLE DE 2011
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Dans un pays comme la République centrafricaine où l’importance du rôle du Président de la République n’est
plus à démontrer, en ce sens que c’est uniquement du sommet que tout changement majeur quelconque peut s’impulser, la prochaine élection présidentielle revêt un caractère capital et décisif. De
la qualité de la personne qui sera élue dépendra l’évolution de ce pays pour la prochaine décennie.
De ce point de vue et à n’en point douter, l’hypothèse d’une réélection de François Bozizé sera synonyme
d’une descente définitive aux enfers pour ce pays et sa population qui n’en finissent pas de végéter, d’endurer les affres de la misère, de l’insécurité, de la corruption, de la violence gratuite
et de dépérir. C’est pourquoi tout, mais absolument tout doit être fait, et donc rien ne doit être épargné, pour barrer la route à François Bozizé, afin qu’il ne
puisse pas se succéder encore à lui-même.
Aujourd’hui, partout dans le pays profond et à Bangui, l’impopularité de François Bozizé, qui résulte
directement de sa gestion calamiteuse de l’Etat, est au firmament. Tous les Centrafricains, au fond de leur âme, savent que leur avenir et celui de leur pays, dans ces cinq prochaines années qui
constituent le point de départ du second cinquantenaire, lui-même bouclant le premier siècle de notre indépendance, ne passent nullement par la présence d’un Président de la République sans
vision et sans relief, et de surcroit dictateur sanguinaire, à la tête de notre pays.
Si par le plus grand des malheurs, cet homme devait rempiler à la magistrature suprême, toutes les chances de
notre pays, déjà classé par la revue "Doingbusiness" de la Banque Mondiale ces deux dernières années au 183ème rang sur 183 pays pour le climat des affaires, dans sa marche vers le développement,
seraient irrémédiablement compromises sinon à tout le moins, s'en trouveraient durablement anéanties. Notre pays ne doit plus se permettre cela car ce serait synonyme d’un recul de plusieurs
années encore.
Il est aujourd'hui plus qu'urgent de mettre un terme au spectacle affligeant d'un Président de la
République-homme d'affaires, qui jette, comme dans un zoo, par la fenêtre de sa voiture ou de son hélicoptère à des foules de Centrafricains qu’il maintient dans l'indigence, par l’absence de toute politique cohérente de développement, provoquant des accidents de circulation dont les victimes se retrouvent sans soins. Ces billets de banque sont
illégalement prélevés au Trésor Public dont il s'est attribué la propriété et la gestion quotidiennes, en lieu et place de son Directeur Général, du Ministre des Finances et du Premier Ministre,
au mépris des règles élémentaires de gestion des finances publiques et dans le silence assourdissant des institutions financières internationales que nous avions connues plus critiques en
d'autres temps, en pareilles circonstances, ici même et sous d'autres cieux.
Il est aujourd'hui plus que temps de mettre un terme à l'humiliation et à la fragilisation de l'appareil
judiciaire par le premier magistrat, car la justice est le rempart de toute démocratie digne de ce nom. Dans une démarche volontaire et consciente d’affaiblissement des contre-pouvoirs, François
Bozizé a d’abord mis au pas et dans sa poche le second pouvoir- le pouvoir législatif- puisque nous avons eu droit à la législature la plus nulle de l'histoire de notre jeune
démocratie.
Ensuite, il a engagé une véritable guerre contre le pouvoir judiciaire, le troisième dans l’ordre
constitutionnel. En effet, animé d'une véritable haine contre la justice et le corps judiciaire, François Bozizé qui a lui-même traité les magistrats de "bandits et de brigands" lors d'un
discours public, refuse obstinément de revoir à la hausse leurs salaires frappés d’abattements depuis plusieurs années, et de signer le décret d'intégration des
quarante-trois auditeurs de justice issus de l'ENAM, parce qu'ils ne sont pas de la bonne ethnie.
Par ailleurs, le pouvoir révèle au grand jour sa très forte répulsion de toutes normes juridiques et
sociétales. Nous citerons pour exemples l'application de la Loi de Talion (œil pour œil, dent pour dent) dans les affaires du Pasteur Thomas Touangaï de l’Eglise de Kina et du sergent-chef Sanzé,
extrait des geôles de la gendarmerie puis exécuté après avoir été émasculé; l'occupation manu militari du siège de la Cour Constitutionnelle pendant près de huit mois par la Garde Présidentielle
suite à une décision de cette Cour dans l'affaire Total qui a déplu au pouvoir, et un haut magistrat a même perdu la vie suite à cette mise en chômage forcée; l’immixtion personnelle du Président
de la République dans l'affaire Rayan suivie d'arrestations et de déportations ordonnées par lui-même; les injures publiques proférées contre les magistrats par le Ministre Maléyombo du haut de
la tribune de l'Assemblée nationale; la légèreté dans la nomination de sa nièce Mme Annette Aoudou Pacco au Conseil Supérieur de la Magistrature, etc. Tous ces actes sont loin de garantir la
sécurité judiciaire aux nationaux et aux étrangers, en particulier aux investisseurs que notre gouvernement prétend vouloir attirer.
Il est aujourd'hui plus qu'urgent de mettre un terme à la clochardisation des Forces de Défense et de
Sécurité, dont les éléments sont aujourd'hui relégués par la volonté du chef suprême de l'armée au rang de racketteurs au profit du commandement (PGA, etc.), tandis que la loi des "deux poids,
deux mesures" est systématiquement pratiquée pour les promotions et autres stages.
Il faut plus que tout, sauver ce qu'il reste du système éducatif gangrené par la corruption et le trafic
d'influence, à l'origine d'une dévalorisation préoccupante des diplômes, à l'exemple du baccalauréat dont l'obtention n'est plus conditionnée au travail acharné des candidats, mais à leur
appartenance à la «clientèle» du pouvoir ou à la quantité d'espèces sonnantes et trébuchantes versées par les parents.
En Centrafrique ou ailleurs, des coups d'Etat ou des rébellions ont vu le jour pour moins que cela. Il est
donc compréhensible que des démocrates, opposés par principe à ces deux modes de changement de régime, soient nombreux à vouloir en découdre dans les urnes avec le fauteur de ces calamités, qui
n'a jamais fait mystère de son aversion pour la démocratie et pour les intellectuels.
Mais, comme le recommandent l'hymne national et la devise de la République Centrafricaine, il conviendrait
d'aller uni à ce travail, dans l'ordre et la dignité.
Depuis que le pays est entré dans une période de transition électorale et en particulier avec la fin
constitutionnelle du mandat de Bozizé le 11 juin dernier, certains fils du pays ont déjà annoncé plus ou moins officiellement leur intention de briguer la magistrature suprême ou ont déjà été
investis par leur parti politique pour la course au fauteuil présidentiel. Il n’y a rien de plus normal à cela. C’est le jeu démocratique qui le veut ainsi. Cela dit, la multiplicité des
candidatures, notamment celles estampillées comme étant de l’opposition à Bozizé, si tant est qu’elles le soient réellement, ne doit pas cependant faire le jeu de ce dernier et faciliter sa
réélection.
En considération des résultats obtenus par chacun des nombreux candidats de l’opposition aux élections
présidentielles dans les exemples gabonais, togolais et guinéen – entre autres – on est fondé à rappeler que la multiplicité de leurs candidatures relève plus de la satisfaction des exigences
d’un ego fort que d’une ambition réaliste à défendre l’intérêt collectif. Cette attitude ne contribuera qu’à favoriser l’échec de l’opposition. Il est donc capital que les principaux leaders de
l’opposition, regroupés à l’heure actuelle au sein d’une coalition, le Collectif des Forces pour le Changement (CFC), prennent clairement conscience de
l’impérieuse nécessité de s’accorder avec réalisme sur un candidat unique, derrière lequel ils doivent affronter le candidat président sortant, François Bozizé qui représente le mal absolu pour
notre pays.
C’est la seule possibilité réelle de le battre plus aisément dans les urnes, car on l’aura ainsi désigné au
peuple et à l'opinion internationale comme étant l’obstacle majeur au changement véritablement qualitatif et au développement de notre pays. C’est aussi la seule voie pour ne pas disperser et
éparpiller inutilement les suffrages des Centrafricains sur plusieurs candidats qui, tout en se réclamant de l’opposition à Bozizé, faciliteront plutôt objectivement sa réélection, en privant le
candidat unique de l’opposition des précieuses voix qui le feraient gagner à coup sûr.
L’histoire politique de l’Afrique en général, celle de la RCA en particulier, enseigne que nombreux sont
certains de nos compatriotes qui, à l’occasion d’élections présidentielles, sont persuadés de devoir faire don de leur personne à leurs concitoyens en se portant candidat à cette élection.
Malheureusement, une fois que les urnes ont parlé, ils ne recueillent que de dérisoires scores qui ne leur permettent même pas d’être remboursés de leur caution. Ce fut, par exemple, le cas de
François Bozizé qui n’a obtenu qu’un lamentable 1% des suffrages aux présidentielles de 1993. C’est sans doute cette représentativité nationale insignifiante qui l’a convaincu que la seule voie
pour lui d’accéder un jour au pouvoir est la rébellion armée et le coup d’Etat car celle des élections démocratiques n’est nullement à sa portée.
Bozizé a aussi compris et tiré une importante leçon des élections en Afrique en général et en Centrafrique en
particulier. C’est celle selon laquelle la victoire va indiscutablement à celui des candidats qui aura injecté plus d’argent que les autres dans la campagne électorale car l’argent achète les
alliances politiques, l’âme des électeurs, y compris dans les rangs de l’opposition où certains de ses leaders se prêtent à ce jeu.
Force est hélas de constater que pour certains candidats qui ont déjà fait acte de candidature à la
présidentielle ou en ont fait publiquement l’annonce, il s’agit surtout et seulement d’un positionnement sur l’échiquier politique national sans véritable conviction d’être effectivement élu dans
le fauteuil présidentiel, afin de pouvoir négocier, on ne sait jamais, éventuellement un ralliement ou un appel à ceux qui ont voté pour eux au premier tour, de reporter leurs suffrages sur tel
ou tel autre candidat parvenu au second tour.
Il est évident que les calculs individualistes présentent le risque et un réel danger de servir d’appât à
Bozizé qui cherche, lui, à l’emporter dès le premier tour de scrutin pour ne pas courir le redoutable risque d’avoir en face de lui, au second tour, une sainte alliance des forces coalisées du
candidat de l’opposition qui serait retenu à l’issue du premier tour pour l’affronter.
Les récentes et tristes expériences des présidentielles gabonaise et togolaise enseignent aux oppositions
africaines qu’elles ne gagneront jamais l’élection présidentielle organisée par les potentats africains au pouvoir depuis des lustres et qui tiennent à y mourir, grands spécialistes de
modification constitutionnelle et experts toutes catégories en matière de fraudes électorales, si elles ne s’entendent pas dès le départ pour confier leur destin à un candidat unique. Cela n’est
évidemment ni simple, ni aisé car exige des partis politiques qui composent ces oppositions que leurs leaders transcendent leur ego et privilégient les intérêts du pays et la nécessité d’agir
pour faire triompher une cause commune ainsi que le changement véritable que leur peuple attend avec impatience.
Bien entendu un tel dépassement de soi nécessite des discussions en vue de la conclusion d’accords politiques
et l’adoption d’une plateforme de collaboration pendant et après les élections. Cependant, il y a lieu qu’ils se gardent de conclure le genre d’accord scélérat et politiquement suicidaire pour
les présidents Jean-Paul Ngoupandé du Parti pour l’Unité Nationale (PUN) et Charles Massi du Forum Démocratique pour la Modernité (FODEM) entre les deux tours de scrutins de la présidentielle de
2005 avec Bozizé. Cet accord n’a toutefois pas empêché par la suite ce dernier de faire subir les pires déconvenues, surtout à Charles Massi jusqu’à même le faire
disparaître dans les conditions que l’on sait.
En ce qui concerne l’ancien Président Ange Félix Patassé, dans l’intérêt supérieur de la Nation - du fait de
certaines conséquences dramatiques encore vivaces dans la mémoire collective des Centrafricains - consécutives à sa gestion passée du pays et eu égard à l’impérieuse nécessité de la
réconciliation nationale, sa conscience doit vivement l’interpeller sur l’opportunité du retrait de sa candidature à cette élection présidentielle au profit du candidat unique de l’opposition.
Celui-ci doit en revanche, prendre certains engagements avec lui.
Fort de tout cela, les leaders de l’opposition centrafricaine à l’heure actuelle doivent bien évaluer sans
complaisance l’enjeu véritable de la prochaine présidentielle, celui qui est de faire partir absolument le calamiteux François Bozizé en lui infligeant une lourde défaite dans les urnes, au
besoin dès le premier tour de scrutin. Et cela est parfaitement possible, à condition qu’ils désignent, dès à présent, un candidat unique qui puisse porter
leurs couleurs contre Bozizé, son clan de prédateurs et ses tueurs. Plus que jamais, il est temps pour que les leaders de l’opposition, après la désignation de leur candidat unique, embouchent
leur trompette pour sonner le rassemblement de tous leurs militants, sympathisants et compatriotes en vue d’une mobilisation générale afin de faire triompher leur représentant et leur
cause.
Tous ceux qui n’auront pas perçu cet enjeu et qui choisiront de privilégier leur ego ainsi que celui de leur
parti par simple soif excessive de pouvoir personnel et de volonté de domination partisane, prendront la lourde responsabilité d’enterrer définitivement la chance de voir la République
Centrafricaine renouer avec la paix et retrouver le chemin de la démocratie véritable et du développement en faisant réélire le Président François Bozizé.
Fait à Bangui le 13 septembre 2010
Groupe de Démocrates pour un Réel Changement