Une enquête exclusive de Centrafrique-Presse
Son régime
aux abois, assoiffé de pouvoir et dépourvu de tout sens patriotique mais les élections approchant et se sachant très impopulaire et franchement détesté par la majorité de ses compatriotes,
François BOZIZE tenait malgré tout à conserver coûte que coûte le pouvoir. Il a très vite compris que la seule solution pour lui est de réaliser un hold-up électoral en faisant le choix de la
marionnette et vrai faux pasteur Joseph BINGUIMALE qui avait accepté de jouer son jeu à la tête de la Commission électorale prétendument indépendante. Pour ce faire, il doit s’imposer comme seul
maître du jeu en prenant le contrôle de la commission électorale et en second lieu de disposer de suffisamment d’argent, et de beaucoup d’argent afin d’acheter les consciences et faire la
différence avec tous ses principaux challengers et aussi pour financer son parti KNK et se ravitailler en armes.
Pour l’argent, Dieu seul sait combien il en a reçu. Outre les 8 milliards de F
CFA de la CEMAC pour le DDR versés en 2009 et dont on ne sait toujours rien jusqu’à présent, le FMI fait virer par la BEAC environ 26 milliards de F
CFA au Trésor national en novembre 2010. Il bénéficie d’un véritable trésor de guerre constitué principalement des disponibilités du Trésor national, Mais suite aux révélations contenues dans le
récent rapport de la mission du FMI qui informe les Centrafricains entre autres, des dérapages budgétaires s’élevant à 49 milliards de F CFA que Bozizé reconnaît mais impute au « processus
électoral qui aurait traîné en longueur », on vient aussi de découvrir que des dessous de table et autres bonus versés ici et là par certaines entreprises comme AREVA ou
Axmin/Aurafrique dont le bonus octroyés en deux tranches s’élève en tout à 8 millions de dollar US, 5,6 milliards de F CFA qui n’ont pas été comptabilisés au compte du Trésor public à la BEAC et
dont seuls BOZIZE et sans doute Sylvain NDOUTINGAI connaissent la planque.
D’autres enveloppes non négligeables résultant d’une bonne campagne de mendicité
internationale, comme la contribution de 5 millions de dollar US soit 3,5 milliard de F CFA du président soudanais Omar El BECHIR au processus
électoral, déchargée en mains propres à BOZIZE par ses émissaires spéciaux que sont Joseph BINGUIMALE, son dircab Euloge GOYEMIDE et le DGA de la police, Yves GBEYORO. A cela, il faut
ajouter la contribution exceptionnelle des cinq autres chefs d’Etat de la CEMAC qui ont versé chacun à BOZIZE la somme d’1 milliard de F CFA pour soi-disant « accompagner sa victoire
électorale ».
A ce trésor de guerre est encore venu s’ajouter une ligne de crédit ouverte au
nom de la RCA à la Bank of India Import, Export (IMEX) à MUMBAI (Inde) d’un montant de 29,5 millions de dollar US soit environ 20,74 milliards
de F CFA. L’emprunteur est bel et bien l’Etat centrafricain et les bénéficiaires, BOZIZE, son clan et ses hommes de confiance qui se sont rendus en INDE pour négocier un prêt avec une banque
privée. C’est ainsi que le 23 octobre 2008, le Ministre des Finances et du Budget de l’époque, M. Emmanuel BIZOT, son beau-frère, a signé un contrat
léonin totalement rédigé en anglais sans aucun exemplaire en français, avec la banque Import, Export : la Bank of India (IMEX) à MUMBAI.
Ce pactole était destiné pour 5,5 millions de dollar US soit 3,5 milliards de F
CFA à l’achat de 100 autobus et les 24 autres millions de dollar US, soit 17,24 milliards de F CFA à la construction de la cimenterie de NZILA dont
BOZIZE a procédé à la cérémonie de la pose de la première pierre le 7 juin 2010 et qui ne verra sans doute certainement jamais le jour parce qu’étant ni plus ni moins qu’un éléphant blanc.
Cyniquement, il avait promis la livraison du premier sac de ciment pour un an après. Des investisseurs privés indiens, semble-t-il, seraient à l’origine de ce projet ainsi que de celui de la
société de transport urbain (SONATU), doté de cent (100) autobus. En réalité, tout cela n’est que prête-nom pour BOZIZE dont les préoccupations du
moment n’avaient rien à voir avec la construction d’une cimenterie mais voulait juste de l’argent pour battre campagne et assurer sa réélection.
Emmanuel BIZOT, habitué à ce genre de sale boulot, avait déjà signé une convention secrète avec la société de douanes parallèle
(SODIF) du mercenaire et ami de BOZIZE Armand IANNARELLI qui concédait 33 % d’intérêt sur les opérations douanières effectuées par SODIF. En fin de
compte, pour un emprunt initial de 29,5 millions de dollars soit 20,74 milliards de F CFA, le pays aura à rembourser 36,22 millions de dollars soit 25,46 milliards de F CFA. Quel que soit le
degré d’urgence des besoins et de leur avidité, en allant signer de tels contrats léonins, Emmanuel BIZOT qui ne parle ni lit l’anglais, ne savait-il pas qu’il engageait aussi directement
sa propre responsabilité et qu’il aurait un jour à répondre devant le peuple ?
Toujours est-il qu’aux termes du contrat de prêt dont les clauses sont carrément
inacceptables pour un pays comme la RCA dans la situation où elle se trouve actuellement - le rapport du FMI a également relevé avec gravité qu’il n’a pas été déclaré au ministère de l’Economie
et du Plan - et sous réserve bien entendu que toutes les échéances de remboursement soient respectées et qu’il n’y ait aucun impayé, la durée du
remboursement est de 15 ans (du 14 septembre 2014 au 15 mars 2029) en plus un moratoire de 5 ans (2009 à 2014). En cas d’impayés, des intérêts
supplémentaires (2% en plus, jour pour jour) viendront s’ajouter aux intérêts impayés et le pays entrerait dans un cercle vicieux qui lui coûterait le double, voire le triple du montant emprunté.
Il faut également ajouter 0,50% d’intérêt à payer sur la portion de l’enveloppe non décaissée. Ce moratoire est un délai où le pays ne paiera que les intérêts sans le montant principal du
prêt. Le taux d’intérêt composé annuel est de 1,75% mais en réalité, si on tient compte des subterfuges techniques, le vrai taux d’intérêt est de
22,78% ce qui est extrêmement élevé comparativement au taux du marché secondaire de la BEAC qui est de l’ordre de 3%.
Cette facilité de crédit ne sert en principe qu’à financer des produits indiens.
Un Cabinet conseil indien domicilié à MUMBAI a été désigné par l’Etat centrafricain pour le représenter jusqu’au paiement total de la dette. Les frais du cabinet sont à la charge de notre pays.
Seule la banque EXIM, peut vendre sa créance. Cette convention est régie par la loi indienne. Tout arbitrage ou conciliation doit se faire sous la
juridiction indienne à MUMBAI. La RCA doit renoncer à utiliser toute forme de procédure de blocage d’éventuelles poursuites ou saisies. En outre,
elle renonce à utiliser le principe de souveraineté ou à recourir à une tierce juridiction autre que la juridiction indienne. C’est complètement dingue et ce n’est pas fini !
L’Etat centrafricain désigne une banque locale pour mener les transactions
financières. Ladite banque est chargée de délivrer des lettres de crédit à des « sociétés écrans » du clan BOZIZE importatrices de produits indiens. Les sociétés centrafricaines remettront les lettres de crédit et
leurs bons de commande aux fournisseurs indiens qui à leur tour, les présenteront à la Banque EXIM et se feront payer avant livraison. Maintenant, ne cherchons pas à savoir s’il y a eu réellement importation ou pas. Ce qui est sûr, les 20,74
milliards de F CFA ont été bien décaissés mais où se trouvent-ils à présent ?
C’est donc un vaste réseau de prédation institutionnalisée, dont les fils étaient reliés en direct au palais de la renaissance à Bangui. La cimenterie n’a toujours pas vu le jour et sur les 100
autobus de marque indienne qui doivent valoir à peine quelques centaines de millions de F CFA ou 1 milliard de F CFA tout au plus et dont certains sont arrivés à Bangui déjà rouillés de la
carrosserie, une bonne trentaine est déjà sur cale pour manque de pièces détachées ni garage de maintenance et aire de stationnement. L’utilisation abusive qu’en fait le KNK et le pouvoir
achèvera très bientôt les 2/3 encore en état de fonctionner. Allez-y comprendre.
Cette opération mafieuse présentée comme un partenariat avec des investisseurs
privés indiens est un mépris royal des engagements pris par l’Etat centrafricain vis-à-vis des bailleurs de fonds, lesquels engagements ont généralement été respectés par les régimes précédents,
de KOLINGBA et PATASSE. BOZIZE partage lui, le cynisme de certains politiciens qui aiment à dire que « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent ». En vertu des
engagements pris envers les bailleurs de fonds, l’Etat ne doit en aucun cas, compte tenu de ses moyens financiers limités, avaliser ou garantir des opérations commerciales privées, mêmes pour les
sociétés para étatiques. L’Etat ne doit pas non plus contracter des prêts à des taux élevés (supérieur à 1%), à durée de remboursement court (inférieur à 25 ans) et avec un délai de grâce trop
court (inférieur à 7 ans). En terme clair, si l’Etat centrafricain doit contracter un prêt, les conditions doivent être proches de celui d’un don. Or
le taux d’intérêt du prêt indien est affolant (22,78%), la durée de remboursement n’est pas assez longue (15 ans), plus un délai de grâce qui est court (5ans).
La ligne de crédit de la banque EXIM ne remplit aucune des conditions que doit
respecter notre pays. C’est plutôt un montage financier mafieux. L’Etat doit rembourser au moins 25 milliards de F CFA en 20 ans, des sommes qui viennent augmenter son endettement qui s’élève
déjà à près de 200 milliards de F CFA. C’est une inqualifiable ingratitude et une grave insouciance vis-à-vis de nos partenaires au développement qui ne sont pas obligés de venir à notre
chevet. Rappelons que les bailleurs de fonds (FMI, BM et la BAD), par des mécanismes propres à eux, ont
consenti des efforts financiers conséquents dès 2006, pour non seulement éponger les arriérés de paiement extérieurs mais aussi payer les échéances courantes jusqu’en 2009, pour permettre à la
RCA d’accéder à l’initiative PPTE dont les tenants du pouvoir actuel aiment à se targuer. La dette privée que BOZIZE vient de contracter est difficilement négociable et d’ailleurs les prêteurs
indiens ont exclu toute possibilité de renégociation.
Le vrai problème est que la construction de la cimenterie est un
« éléphant blanc ». Où trouvera-t-on l’argent pour rembourser ce prêt indien ? L’Etat va-t-il puiser dans les caisses du Trésor bis à Sassara ? Les seules recettes des autobus
ne suffiront pas. Nul n’est besoin d’être un banquier ou apprenti-sorcier pour prédire que ce dossier de prêt finira certainement au contentieux
comme dans l’affaire des bornes de KIOSK INDUSTRY qui est actuellement en justice et où l’Etat centrafricain risque de laisser beaucoup de plumes au lieu que ce soit BOZIZE.
Cette opération mafieuse de prédation avait pour but de séduire les
Centrafricains qui en retour, devraient voter massivement pour lui aux élections groupées qui allaient avoir lieu, élections dont il a lui-même fixé la date et les conditions et qu’il a été
obligé de frauder massivement pour gagner.
Derrière cette tragi-comédie, un nouveau véritable scandale financier cauchemardesque vient de s’ouvrir qui se matérialisera encore par la souffrance des Centrafricains. Les premières victimes directes sont les expropriés de NZILA lieu prévu pour la fameuse cimenterie qui sont laissés pour compte. Ils
attendent depuis plus d’un an sans grand espoir, un maigre et hypothétique dédommagement de la part du gouvernement. Ils peinent à se recaser et ne sont même pas autorisés à retourner sur leurs
propres terres, lesquelles terres sont visiblement abandonnées avec une centaine de containers entreposés et livrées à la végétation sauvage. Les
pauvres, ils n’ont que leurs yeux pour pleurer. Les Centrafricains d’aujourd’hui et ceux des générations futures auront à payer une dette qui n’a pas profité au pays mais dont seul BOZIZE pour
qui la fin justifie les moyens et son clan familial en ont joui pour assouvir leur soif du pouvoir. Dès lors, pourquoi mentir au peuple ? Après
huit ans de pouvoir, BOZIZE éprouve encore des difficultés à faire la différence entre sa tirelire et celle de sa famille d’une part et le budget de l’Etat d’autre part. Ce qui explique qu’il traîne beaucoup de casseroles
Devrons-nous nous attendre à ce que le FMI qui a toujours soutenu BOZIZE finisse
par demander des comptes ? Depuis son coup d’Etat du 15 mars 2003, le régime de BOZIZE a été financièrement gâté et soutenu à bout de bras par la communauté internationale mais il ne va pas
continuer indéfiniment à rouler tout le monde dans la farine. Visiblement cela a commencé. BOZIZE ne doit pas oublier que cette institution, qui est avant tout censée surveiller la situation
économique du pays et s’assurer que le pays ne vit pas au-dessus de ses moyens, peut subitement cesser d’être complaisante. Après avoir détourné le financement du processus électoral de l’Union
Européenne pour se faire frauduleusement réélire, il s’est mis à dos plusieurs pays amis et partenaires au développement de la RCA dont certains commencent déjà à manquer à son appel. L’échec de
sa dernière rencontre à Bruxelles avec les bailleurs de fonds en témoigne.
Lorsqu’il
tentera, comme tout indique qu’il s’y prépare, de modifier la Constitution pour se maintenir ad vitam aeternam au pouvoir et envisager à terme une succession dynastique avec son rejeton Francis,
il agrandira sans doute le cercle des Centrafricains mécontents de lui ainsi que celui des bailleurs de fonds et des partenaires au développement qui lui tournent le dos. Tôt ou tard, ses acolytes et lui-même devront répondre de leurs crimes devant le tribunal du peuple.
La
Rédaction de C.A.P