Lu pour vous
CENTRAFRIQUE : FRANÇOIS BOZIZÉ YANGOUVONDA, L’HOMME QUI A LA MÉMOIRE COURTE OU QUI NE L’A PAS DU TOUT
Que les alliés contre nature de François Bozizé ne trompent pas le peuple à propos du débat en cours sur la proposition de loi constitutionnelle destinée à réviser certaines dispositions de la Constitution du 30 mars 2016. Ce débat n’a pas lieu d’être si l’on est sincère avec soi. Il y a déjà une jurisprudence politico-institutionnelle en la matière. Les dispositions des articles 53, 153 et 156 de la Constitution du 30 mars 2016 qui cristallisent les positions contradictoires et les interprétations les plus tendancieuses et osées sont les mêmes qui ont existé dans la Constitution du 27 décembre 2004 sous le règne Bozizé. Les dispositions des deux constitutions disent clairement que le nombre et la durée des mandats présidentiels ne peuvent pas être modifiés, de même que la forme laïque de l’Etat centrafricain, les bases fondamentales de la société centrafricaine, etc.
Mais n’oublions pas qu’en 2009, face au retard pris dans les préparatifs des élections, la classe politique et la société civile étaient conviées au Palais de la Renaissance pour trouver une solution consensuelle. La formule du maintien en activité du président de la République et de l’Assemblée nationale jusqu’à l’organisation des élections présidentielle et législatives a été retenue. Me Nicolas Tiangaye, qui faisait office de porte-parole de l’opposition démocratique à l’époque comme aujourd’hui, avait même pris la parole publiquement pour dire oui à ce schéma.
Sur la base de ce consensus, l’Assemblée nationale avait voté une loi pour maintenir en fonction le président Bozizé et son Assemblée nationale monocolore de l’époque et les Tiangaye et les Nguéndé les Ziguele et Bozizé, Bertin Béa du KNK et autres étaient allés aux élections décalées de 2011 avec cette loi qui modifiait ces dispositions ultrasensibles de la Constitution. D’où la question qui s’impose: pourquoi la même chose qui a été faite sous le régime Bozizé et qui était qualifiée de bon ne peut pas être faite sous la même forme et le même fond par le régime actuel? Bozizé et ses alliés politiques du moment auraient-ils la mémoire courte?
ET BOZIZÉ ROULA SES ALLIÉS DANS LA FARINE…
Là où l’on comprend aisément que Bozizé est le grand boulanger de l’opposition centrafricaine est le fait qu’il n’a pas osé faire de son parti politique le KNK l’une des parties prenantes au procès pendant devant la Cour constitutionnelle concernant la vérification de la constitutionnalité de certaines dispositions de Code électoral relativement à l’Autorité nationale des élections (ANE) dont il était par ailleurs le créateur. Chose bizarre, le KNK de Bozizé ne fait pas partie des partis et associations politiques membres de la COD-2020 qui ont saisi la Cour constitutionnelle à cet effet.
La raison est simple. C’est que lui-même sait que son argument ne pourra pas prospérer parce qu’il avait violé la loi électorale en 2011 en refusant de proroger le mandat de la Commission électorale indépendante (CEI) de l’époque, dirigée par son ami, le scandaleux et irrévérencieux pasteur Joseph Binguimalé de triste mémoire.
En effet, alors que plusieurs sièges de l’Assemblée nationale n’étaient pas encore pourvus et devant l’imbroglio juridique de la CEI à l’époque (comme celui de l’ANE actuelle), le président Bozizé avait purement et simplement confié la préparation de l’organisation et la gestion des élections législatives partielles au ministère chargé de l’Administration du territoire. C’est ainsi que le ministre de l’Administration du territoire de l’époque, l’inénarrable « pasteur-ambassadeur » Josué Binoua avait mis en place par arrêté ministériel un Comité technique électoral (CTE) dont il s’était autonommé président, lequel CTE avait organisé les partielles et proclamé les résultats qui ont été jugés valables par tous.
Les déclarés élus avaient siégé à l’Assemblée nationale comme députés de la nation au vu et au su de tout le monde. Les Tiangaye, N’Guendet, Mboli-Goumba, Ziguélé, Adouma, Méckassoua, Ngaïssona, Zingas-Kongbélé et consorts n’avaient pas contesté la création par simple arrêté ministériel du Comité technique électoral ni remis en cause les résultats de ses travaux. Cela fait jurisprudence.
« NUL NE PEUT SE PRÉVALOIR DE SES PROPRES TURPITUDES »
Au regard de tout ce qui précède et dans l’hypothèse que l’Autorité nationale des élections (ANE) n’existe pas du point de vue de la Constitution ou que son mandat est expiré ou arrivait à expiration peu avant les prochains scrutins présidentiel et législatif, le ministère de l’Administration du territoire chargé de la décentralisation et du développement local sera amené à exercer les mêmes prérogatives de l’ANE comme cela s’était passé en 2011. Pourquoi ce qui était valable sous le régime Bozizé et qui n’avait pas donné lieu à des contestations ne peut pas être valable actuellement? D’où vient cette brusque amnésie de la part de nos hommes politiques?
C’est conscient que « nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes » ni interdire aux autres ce qu’on s’est permis à soi-même, que le parti KNK de Bozizé ne s’est pas associé à la demande de la vérification de la constitutionnalité de certaines dispositions du code électoral, affaire pendante devant la Haute juridiction. A preuve, le nom du KNK ne figure pas parmi les partis politiques dont les avocats ont signé le communiqué de contestation du 22 mai 2020 au sujet de la Cour constitutionnelle. Sinon, où est la solidarité qui devait exister entre les partis membres de la COD-2020?
On le voit, l’opposition démocratique centrafricaine doit se faire des soucis à cause du passé juridico-politique et institutionnel négatif du régime Bozizé/KNK qui avait accouché des monstrueuses jurisprudences dont le pouvoir actuel se sert en vue de se faciliter une certaine tâche. Bozizé et son parti KNK étant mal placés pour faire des leçons de droit, de respect de la Constitution et de morale au régime actuel, leurs alliés du moment risquent de n’avoir que leurs yeux pour pleurer. Une véritable ironie du sort et de l’histoire.
Affaire à suivre.
Jean Bedel Dinga-Kpilè
Source: MEDIAS+ 28.05.2020