Lu pour vous
dw.com11/14/2022
Le 11 novembre, la justice tchadienne a annoncé que plus de 600 personnes avaient été arrêtées lors des manifestations du 20 octobre. N'Djamena accuse les manifestants d'avoir attaqué les institutions.
Colère, tristesse et rage sont les qualificatifs qui caractérisent les sentiments de certains membres de la société civile au Tchad.
La répression des manifestations du jeudi 20 octobre dernier a coûté la vie à une cinquantaine de personnes selon Human Rights Watch, qui demandait au lendemain des événements qu’une enquête impartiale soit ouverte sans tarder sur le comportement des forces de sécurité.
La menace est toujours là
Depuis les massacres du mois dernier, tout le monde est concentré sur les disparus, les morts et ceux qui sont emprisonnés. Et les responsables d’associations et des partis politiques craignent pour leur vie, nous confie Michel Barka, le président de l’Union des syndicats du Tchad.
"Pour le moment, je ne pense pas qu’une association quelconque ou qu’un parti politique soit en train de préparer des manifestations, déclare-t-il au micro de la DW Nous vivons une situation qui est telle que les menaces ne sont pas terminées, il y a des arrestations et des disparitions qui continuent. Les manifestations sont l’expression de la démocratie mais dans la situation où nous nous trouvons actuellement, nous n’avons aucune liberté de penser ou de réfléchir autrement."
Les défenseurs des droits humains et les opposants dénoncent la violence des autorités dirigées par Mahamat Idriss Deby Itno
La lutte continue de l’extérieur
"Nous avons perdu des hommes, nous avons perdu des camaradesmais nous restons focalisés sur notre lutte", explique de son côté Serge Ngardji, responsable chargé de l'impact social du parti Les Transformateurs.
Bien que, comme plusieurs membres du parti, il vive aujourd’hui en exil, il affirme que la lutte continue de s’organiser. "La lutte ne concerne pas un individu ! Celui qui est concerné par la justice, celui qui est concerné par la dignité humaine c’est un leader et là où il se trouve, il doit se battre pour la liberté, affirme Serge Ngardji. Sur place, nous avons des militants, le combat n’est pas seulement physique, le combat est stratégique. J’espère que nous allons gagner cette lutte parce que ce n’est pas une lutte pour un être humain ni celle d’un individu. Ce que nous faisons est plus grand que l’homme, c’est pour la dignité et la justice. "
Arrestations, disparitions et exécutions extrajudiciaires
Un sentiment que partage également Eric Hervé Pando, il est le président de l’Association des jeunes pour la défense des droits humains.
"L’opposition a pu faire l’essentiel malgré qu’elle soit combattue par les autorités de transition avec tous les moyens de l'Etat, l’argent pour dissuader et corrompre certains de ses membres. Mais l’opposition reste ferme sur sa décision, assure Eric Hervé Pando. On utilise les uns et les autres, on utilise les pouvoirs de l'Etat, on nous intimide mais les gens sont déterminés à faire régner la justice dans notre pays. "
L'Organisation mondiale contre la torture évoquait déjà fin octobre plus de 2.000 arrestations pendant et après les manifestations réprimées. Les Nations Unies s'inquiètent aussi de la situation.
L'opposition et des ONG locales assurent que les arrestations se poursuivent et parlent également de disparitions, d’exécutions extrajudiciaires et de tortures.
Droits de l’Homme : l’Onu évalue la situation au Tchad
dw.com11/10/2022
Cette évaluation survient après les manifestations meurtrières au Tchad ayant fait officiellement une cinquantaine de morts et des centaines de blessés.
La situation des droits de l'Homme au Tchad a été beaucoup critiquée à la suite de la répression meurtrière des manifestations du 20 octobre dernier. Selon les autorités tchadiennes, une cinquantaine de personnes ont été tuées et près de 300 blessées lors de ces manifestations contre la prolongation de la transition. Mais les défenseurs des droits de l'Homme évoquent un bilan beaucoup plus élevé.
Le 1er novembre dernier, un rapport sur la répression des manifestants au Tchad a été présenté au Comité contre la torture à Genève. Il s’intitule : "Tchad, tourner la page de la torture pour écrire une nouvelle histoire".
Ce rapport a été rédigé par l'Organisation mondiale contre la torture avec des associations tchadiennes de défense des droits de l'Homme.
Des crimes impunis
Dans ce document, les auteurs souhaitent alerter le monde entier sur ce qui se passe au Tchad. Agnès Ildjima Lokiam est présidente de l'Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits Humains. Nous l'avons jointe depuis Genève où elle est venue défendre ce rapport.
Selon elle, "L'opinion internationale, généralement, n'est pas très bien renseignée sur ce qui se passe chez nous".
"Nous avons pensé que c'est notre devoir de leur donner ces informations. Nous voulons saisir ce comité afin que lumière soit faite sur la situation qui prévaut au Tchad en ce moment, indique Agnès Ildjima Lokiam à la DW. Il y a beaucoup de crimes qui sont restés impunis, il y a beaucoup des disparitions forcées, il y a beaucoup d'exactions et le monde n'est pas au courant. Nous attendons que lumière soit faite, que les sanctions puissent tomber, que les autres Etats sachent ce que le Tchad est en train de faire. Le Tchad a quand même ratifié des conventions, on doit lui rapper qu'il doit respecter ces conventions."
Des faiblesses dans le respect des droits humains
Les autorités tchadiennes contestent le fait que la situation des droits de l'Homme au Tchad se serait aggravée. L'ambassadeur Ahmad Makaila, représentant permanent du Tchad à Genève, affirme que le gouvernement fait des efforts pour respecter les droits de l'Homme.
"Nous reconnaissons nos faiblesses mais nous, gouvernement, nous travaillons pour améliorer les indicateurs et faire en sorte que les droits de l'Homme soient effectivement respectés, promus et défendus, fait savoir Ahmad Makaila à la DW. Je ne pense pas du tout qu'on soit en régression, nous avons bien conscience qu'il y a des zones à améliorer mais de façon générale, considérer que la situation est en régression, je pense c'est une lecture qui n'est pas tout à fait juste. Ce que nous attendons de ce rapport, ce sont les recommandations nous mettant, bien évidemment, j'imagine, devant nos responsabilités. Nous sommes sereins et nous pensons que ces recommandations viendront nous aider à améliorer ce que nous faisons déjà".
Le rapport examiné à la session du Comité contre la torture à Genève suggère des réformes institutionnelles et législatives importantes pour la réussite de la transition au Tchad, notamment en matière de lutte contre la torture.
Le 7 novembre dernier, les autorités tchadiennes ont accepté le déploiement d'une mission d'enquête internationale pour faire la lumière sur les violences du 20 octobre dernier.
Le rapport de Moussa Faki Mahamat qui agace à N'Djamena
dw.com11/11/2022
L’Union africaine, longtemps critiquée pour son inaction dans la crise politique au Tchad, pourrait s’apprêter à prendre des sanctions contre N’Djamena.
C’est du moins le sens d’un rapport du président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, qui a fuité dans la presse. Dans le document, le président de la Commission de l’Union africaine menace de prendre des sanctions contre le pouvoir de transition tchadien.
Le sujet est discuté ce vendredi (11.11.2022) à la session du Conseil de paix et de sécurité de l’organisation alors qu’une médiation au Tchad a été confiée au président congolais Félix Tshisekedi par la CEEAC, la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale, et que le chef de l’Etat de la RDC n’a pas encore rendu son rapport.
Une collision entre les deux institutions alors que l’Union africaine, en vertu du principe de subsidiarité, devrait attendre le résultat de la médiation de la CEEAC.
Dany Ayida, responsable des programmes pour l’Afrique centrale du National Democracy Institut (NDI), parle de cacophonie : "Cette règle de fonctionnement qui voudrait que l'Union africaine confie à une organisation sous régionale la primauté dans la gestion des crises dans un pays d'une région donnée de l'Union, effectivement, ne dépouille pas l'institution panafricaine de toutes ses prérogatives réelles."
L’Union africaine, longtemps critiquée pour son inaction dans la crise politique au Tchad, pourrait s’apprêter à prendre des sanctions contre N’Djamena.
C’est du moins le sens d’un rapport du président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, qui a fuité dans la presse. Dans le document, le président de la Commission de l’Union africaine menace de prendre des sanctions contre le pouvoir de transition tchadien.
Le sujet est discuté ce vendredi (11.11.2022) à la session du Conseil de paix et de sécurité de l’organisation alors qu’une médiation au Tchad a été confiée au président congolais Félix Tshisekedi par la CEEAC, la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale, et que le chef de l’Etat de la RDC n’a pas encore rendu son rapport.
Une collision entre les deux institutions alors que l’Union africaine, en vertu du principe de subsidiarité, devrait attendre le résultat de la médiation de la CEEAC.
Dany Ayida, responsable des programmes pour l’Afrique centrale du National Democracy Institut (NDI), parle de cacophonie : "Cette règle de fonctionnement qui voudrait que l'Union africaine confie à une organisation sous régionale la primauté dans la gestion des crises dans un pays d'une région donnée de l'Union, effectivement, ne dépouille pas l'institution panafricaine de toutes ses prérogatives réelles."
Le 20 avril 2021, à l'annonce de la mort du maréchal Déby, l'armée avait proclamé son fils Mahamat Déby, général alors âgé de 37 ans, président à la tête d'une junte pour une période de transition de 18 mois
Des mesures préconisées par Moussa Faki Mahamat
Dany Ayida, également, représentant résident de NDI à Kinshasa, précise que : "j’étais au Tchad il y a encore quelques semaines et je vous assure que l'Union africaine, en tant qu'institution, est connue et respectée par les Tchadiens. Mais actuellement, et depuis le début de la crise, quand l'Union africaine se prononce, on ne sait pas véritablement si c'est l'institution qui le fait ou si c’est Moussa Faki Mahamat qui est un citoyen tchadien… Mahamat à qui certains prêtent l'intention de se porter candidat aux prochaines élections. Vous voyez toutes ces choses-là ? C'est ça que je qualifie de cacophonie."
Le document préconise des mesures fortes à l’encontre des autorités tchadiennes et exige une cohérence avec la position constante de l’Union africaine concernant les autres cas de changements anticonstitutionnels sur le continent.
En admettant que les exigences de l’UA ont été ignorées par les autorités de la transition, Moussa Faki Mahamat est dans son rôle, estime certains observateurs de la situation politique en Afrique.
"Moussa Faki Mahamat gère donc l'institution panafricaine et en tant que tel, on lui prête beaucoup d’intentions. Il se pourrait que cela soit vérifié, mais je ne suis pas de cet avis-là. La commission Paix et sécurité fonctionne sur la base d'une charte qui est la Charte de la démocratie et des élections et de la bonne gouvernance", a expliqué le politologue tchadien Evariste Toldé.
Evariste Toldé estime qu’"en principe, pour l'Union africaine, le nouveau gouvernement ne doit pas voir le jour. Les 18 mois de la première transition devaient aboutir à une élection. Donc il doit avoir le passage de flambeau entre un président démocratiquement élu et le président du CNT."
"Vous savez, on retombe dans les mêmes travers et on craint que le fait d'ouvrir la voie à une candidature du président du CNT, du président de transition lui ouvre encore la voie à une éventuelle réélection et un maintien au pouvoir pour une durée indéterminée. C'est ce que dénonce l'Union africaine", a précisé le politologue tchadien Evariste Toldé.
Le Premier ministre Saleh Kebzabo, ex-ténor de l'opposition nommé par le président Mahamat Idriss Déby Itno après le dialogue national
La faiblesse du président de la Commission
Le document de la Commission de l’Union africaine accuse le pouvoir tchadien d’avoir ignoré les recommandations de l’UA. Moussa Faki Mahamat y préconise la nomination d’un facilitateur de l’UA au Tchad, tout en ignorant les résolutions du sommet de la CEEAC de Kinshasa. Ce qui selon Dany Ayida de NDI, souligne la faiblesse du président de la Commission.
"Il y a un aveu d'impuissance. Et j'ai l'impression que quand le président de la Commission fait ce constat là, ce n'est pas tant celui de l'Union africaine qu’il fait, mais parfois de lui-même. Mais sa marge de manœuvre par rapport à la crise a connu des limites évidentes qu'il aurait dû constater dès le départ. On l'a vu tout au long du processus avec des condamnations, des prises de position qui n'ont pas été prises en compte. En définitive, la crise se situe plus entre l'Union africaine et le président de sa Commission et les autorités tchadiennes qu'entre la CEAAC et l'Union africaine", analyse Dany Ayida de NDI.
Le rapport de Moussa Faki Mahamat dénonce certaines décisions prises récemment dans le pays, notamment la prolongation de la transition et la possibilité pour les membres du Conseil militaire de transition d’être candidats lors des élections futures.
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