Source : www.la-lanterne.eu
Nous y sommes, enfin. Dans moins de 72 heures les Français – pas tous, loin de là – se dirigeront vers les urnes ce
dimanche 21 avril 2012 afin de désigner le candidat qu’ils estiment le plus à même d’endosser le rôle de Président de la République. Mais les électeurs n’attendent pas un simple Chef de l’Etat ;
plutôt un David Copperfield de l’économie et de la finance qui ferait réapparaître vite fait, bien fait, le fameux « A » qui
manque à l’appel.
S’il y a bien un thème qui a dominé cette campagne électorale c’est à l’évidence celui de la crise économique qui frappe
un par un les pays de la zone Euro contraints d’adopter des plans de rigueurs toujours plus drastiques. Après l’Italie et l’Espagne c’est au tour de la France de subir la foudre des terribles
agences de notation Standard and Poor’s, Moody’s ou Fitch, encore inconnues du grand public il y a à peine deux ans.
Le matraquage médiatique sur la situation financière déplorable n’a servi qu’à recentrer la campagne sur le programme
économique des différents candidats qui ont tous, bien entendu, une recette miracle, un élixir de jouvence pour relancer l’économie hexagonale, et celle de l’Europe par la même occasion.
Quoiqu’en ce qui concerne l’Europe, les avis divergent radicalement selon les candidats potentiels.
Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, les représentants des partis frontistes, dont le seul point commun est de vouloir, grosso modo, sortir la France de la zone Euro,
profitent de la cacophonie qui règne entre l’UMP et le PS. L’incapacité du gouvernement à trouver des solutions concrètes pour en finir avec la crise et les mesures hasardeuses que promet la
gauche laissent le champ libre à des discours trop extrémistes, qui trouvent une oreille attentive parmi les oubliés de la campagne électorale. Les travailleurs d’usine, les artisans et
commerçants ( 1,2 millions de Français tout de même ), ainsi que la population des classes moyennes, tous se sentent lésés, abandonnés par l’UMP et le Parti Socialiste qui passent leur temps à
railler le camp adverse sur telle ou telle mesure, réforme, ou dans la plupart des cas, pour quelques chamailleries dignes d’une cour de récréation. Estimons-nous encore heureux de ne pas subir
l’élection présidentielle américaine et ses spots publicitaires assassins à l’encontre de chaque candidat !
Le président Nicolas Sarkozy, quant à lui, se raccroche tant bien
que mal à son partenariat avec la Chancelière allemande Angela Merkel qu’il considère – ou du moins voudrait que le Français lambda
considère – comme la seule et unique chance de se sortir de ce bourbier que représentent les marchés financiers, la dette souveraine et le déficit public. Comme si le seul argument qu’il pouvait
avancer en vue de sa réélection était cette espèce de pacte, cet accord tacite entre la France et l’Allemagne qui aurait pour finalité de calquer l’économie française sur le modèle de notre
voisin allemand, dont on vante partout la rigueur exemplaire. Début janvier 2012, peu avant la perte de notre « A » tant aimé, le Président aurait lâché en plein Conseil des
ministres : « Si on perd le triple A, je suis
mort. ». Certains diront qu’il ne l’est qu’à moitié, mais lui se voit peut être déjà avec un pied dans la tombe.
Il faut bien avouer qu’il n’a pas été au rendez-vous de toutes ces belles promesses de campagne qui n’aboutissent que
rarement, et ce, peu importe la couleur politique du candidat. Pour preuve, la cote de popularité de monsieur Sarkozy n’a cessé de chuter
depuis son accession à la présidence en 2007. Un sondage publié dans le Journal du Dimanche (source Ifop, Insee, Eurostat) montre qu’en 2012, il ne reste que 34% d’électeurs satisfaits sur les
65% qui l’étaient en 2007. De même, les 31% de Français mécontents en 2007 sont désormais 66% en 2012.
Ainsi, en 2007, Nicolas Sarkozy avait bâti son programme de
campagne sur le thème ô combien récurrent de l’insécurité, chronique en banlieue. Tellement chronique qu’aucun candidat n’a abordé la question de manière concrète en 2012, excepté Marine Le Pen, fonds de commerce oblige. Un thème qu’il connaissait tout de même sur le bout des doigts, habitant déjà place Beauvau, l’adresse du
Ministère de l’Intérieur. Afin de traverser la rue pour aller tout droit au Palais de l’Elysée, l’avocat de formation part en campagne avec un slogan digne d’une campagne de pub pour les
supermarchés E.Leclerc : « Travailler plus pour
gagner plus ».
Pour atteindre son objectif, il a pourtant tenté de se poser en président réformateur avec des mesures comme la
suppression de la taxe professionnelle destinée à relancer l’investissement productif dans certains secteurs de l’économie, ou encore la détaxation des heures supplémentaires et l’instauration du
service minimum – très pratique en cas de grève générale de la RATP / SNCF, il faut l’avouer -.
Cependant, ce président qui se voulait omniprésent sur tous les fronts a lui-même scellé son sort en adoptant une
attitude qu’on a qualifiée de «bling-bling » dans tous les médias, français comme
étrangers. Il a bel et bien brisé le carcan de l’éthique présidentielle. Le début de son quinquennat fut donc un florilège de ses plus belles randonnées pédestres, entouré de ses gardes du corps
et jamais sans sa paire de Ray-Ban modèle Aviator. Sans compter sur son mariage avec l’ex-mannequin, chanteuse et actrice pour Woody
Allen à ses heures, Carla Bruni – dont un buste a failli être érigé à Nogent-sur-Marne (94) – et le fruit de leur amour la petite
Giulia, née en octobre 2011.
On pourrait certes passer outre la sur-médiatisation de sa vie privée et laisser de côté la personnalité quelque peu
urticante du chef de l’Etat – qui se montre plus que véhément à l’égard des journalistes lors des débats télévisés – mais on ne peut se permettre d’oublier les scandales financiers qui entachent
le quinquennat de notre président. On pense bien évidemment à l’ami de son ami, monsieur Ziad Takieddine, qui s’est illustré dans l’affaire
Karachi ; ou encore à certaines « valises », « mallettes », appelez ça
comme bon vous semble, qui, d’un avis général, ne devaient pas contenir que du shampoing.
Si l’on associe cette communication d’un genre nouveau avec les mauvais choix qu’a pris Nicolas Sarkozy lors de son mandat, on comprend mieux dès lors pourquoi sa popularité a subi une telle décote depuis son arrivée à l’Elysée. On peut
l’expliquer aussi par le fait qu’il a rendu effective la réforme des retraites et augmenté conséquemment le nombre de radars – ce qui, par ailleurs, a permis une diminution non négligeable du
nombre d’accidents de la route chaque année – , deux choix qui ont fortement déplu à une bonne partie de la population ayant participé à son succès en 2007. Enfin, avec la promulgation de la loi
anti-téléchargement Hadopi et sa décision d’engager la France dans le conflit libyen, celui-ci a achevé de se mettre l’opinion publique à dos jusqu’à la perte de notre triple A au début de cette
année 2012. Le véritable coup de massue pour ce président d’une soi-disant « France
Forte » – visiblement en panne d’inspiration -, qui pensait trouver une porte de sortie par le biais d’une intervention télévisée historique. En direct du palais présidentiel
et en compagnie de sa collègue Mme Merkel, le président a joué sa dernière carte afin de convaincre non pas son électorat, mais la France
entière, que seuls eux deux peuvent sauver le pays et l’Euro !
Quoi qu’il en soit, on n’avait jamais vu un chef d’Etat autant abhorré des Français ; à tel point qu’un journal
satirique baptisé « CASSE-TOI ! », paru dans la période février/mars 2012,
avait pour devise dans le seul et unique numéro 1 « Le journal des pauvres cons qui veulent que Sarko
dégage » et la Une titrait « Marre de la Sarkonnerie ! ».Le
contenu de ce torchon devient par la suite trop indécent pour être cité. Allez comprendre comment un seul homme, un président, peut susciter tant de haine !
On peut douter qu’un autre, de droite ou de gauche, eût évité la perte de notre AAA ou limité les dégâts d’une
quelconque façon, tant le marasme économique se fait ressentir au sein du Vieux Continent, et tout particulièrement en France, où le taux de chômage flirte avec les 10% et dont le montant de la
dette publique s’élève à 85% de notre PIB.
Un seul chef d’Etat de la Vème République a connu des déboires similaires à ceux de Nicolas Sarkozy. En 1974, Valéry Giscard
d’Estaing (VGE) était élu 20ème Président de la République Française alors que le monde subissait de plein fouet son premier choc pétrolier en 1973. Lui-aussi avait voulu réformer –
notamment par le biais de son premier ministre Raymond Barre surnommé à juste titre « le père la Rigueur » – une France qui arrivait au terme de ses Trente Glorieuses, mais en vain. Lui-aussi avait voulu incarner le
changement en s’affichant au coin du feu, aux côtés de son épouse lors de ses allocutions présidentielles. Et lui-aussi avait été éclaboussé par un scandale financier, celui des
« diamants de Bokassa ».
A l’époque, Jean-Bedel Bokassa, ex-capitaine de l’armée coloniale
française en Centrafrique, s’empare du pouvoir par un coup d’Etat et s’autoproclame Empereur de Centrafrique, prenant le nom de Bokassa Ier.
Totalement mégalomane, l’homme entretient des relations étroites avec la France allant même jusqu’à organiser son sacre à l’identique de celui de Napoléon Bonaparte. En 1979, Le Canard Enchaîné dévoile l’affaire en publiant le fac-similé d’une
commande de diamants émanant de l’empereur et destinée au président Valéry Giscard d’Estaing. C’est à l’occasion de visites diplomatiques que Bokassa aurait remis à maintes reprises
des plaquettes de diamants à VGE. L’affaire émousse définitivement la légitimité du président qui ne cessera de démentir les accusations de ses détracteurs. Monsieur Giscard d’Estaing fut battu par la crise de l’or noir et par l’opposition de l’époque, incarnée par le socialiste François Mitterrand. Il avait cependant passé le premier tour en tête, avant d’accuser la défaite. Reste à savoir si Nicolas Sarkozy fera mieux – ou moins bien – que son prédécesseur…
Hugo Millett