Diplomatie : Après 46 ans, le Cameroun perd la «tête» de la Cemac
Le Messager 27/07/2012 03:42:56
Le poste de patron administratif de l’Union économique et douanière de l’Afrique centrale (Udeac) puis de la Communauté économique de l’Afrique centrale (Cemac) est toujours revenu au Cameroun jusqu’à la déchéance du 25 juillet 2012.
Jusqu’à ce que la mauvaise nouvelle (pour le Cameroun) tombe tard dans la nuit du 25 juillet 2012, il s’en trouvait parmi les officiels camerounais qui assuraient pompeusement que malgré «les humeurs, de François Bozizé», Paul Biya réussirait le tour de force de convaincre ses quatre autres homologues de la sous-région de permettre à Antoine Ntsimi, président de la Commission de la Cemac de rempiler. Ou tout au moins, de le remplacer par un autre Camerounais. Même s’il fallait délocaliser le siège de cette institution, prévenaient ces officiels. C’était sans compter avec la ténacité du président centrafricain et le vœu chafouin des autres chefs d’Etat de la sous-région de régler la question du leadership camerounais qui date des accords de Brazzaville et de Fort Lamy (actuel Ndjamena), lesquels vouaient la direction du gouvernail de la Cemac au pays de l’Afrique en miniature.
Et pour cela, il a fallu plus de 6 heures de huis-clos pour que les chefs d’Etat contraignent Paul Biya à abandonner la partie et à « lâcher » son poulain Ntsimi. Echec et mat donc pour le Cameroun dans cette bataille. Car malgré «le principe de la rotation intégrale» acquis en 2006, le président camerounais ne souhaitait pas «sa mise en œuvre avec effet immédiat », d’après des informations relayées par de nombreuses dépêches d’agences. Pour le convaincre de céder, Dénis Sassou Nguesso, le président en exercice de la Cemac a dû «en appeler au sens du compromis et à l’esprit de conciliation de son frère», indiquent les mêmes sources.
Le chef de l’Etat camerounais n’aurait donc cédé qu’après avoir été mis en minorité par ses homologues. Car, le président camerounais comprenait peut-être que c’est une longue tradition sous-régionale qui se rompait ainsi. Puisqu’avant Antoine Ntsimi, c’est Jean Kuété qui présidait la tête du secrétariat exécutif, ancêtre de la Commission. Et longtemps avant eux, ce sont respectivement Charles Onana Awana, Pierre Tchanké, Vincent Afon, Ambroise Foualem et Thomas Dakayi Kamga qui occupaient le poste de patron administratif (Secrétaire général) de l’Udeac, aïeule de la Cemac.
Néocolonialisme
Quarante six ans de monopole ont donc ainsi volé en éclats au soir du 25 juillet 2012, devenue une date historique pour la diplomatie camerounaise qui vient ainsi d’essuyer un grave revers. Avec cet éclatement, peut-être aussi la toute-puissance du pays au niveau de la sous-région symbolisée par la gestion de l’instance faîtière économique de l’Afrique centrale depuis 1966 et le siège de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) à Yaoundé.
Les férus de la diplomatie estiment que cette défaite de Paul Biya révèle que les voisins de notre pays ont su rattraper le retard économique, politique, culturel, sportif et infrastructurel qu’ils accusaient vis-à-vis du géant de l’Afrique centrale juste après les indépendances. Car personne n’aurait osé demander cela à un président camerounais, il y a encore 15 ans. Cela veut-il pour autant signifier que le Cameroun a fait du surplace entre temps ? Hubert Kamgang, homme politique et ex-cadre au secrétariat général de l’Udeac à Bangui, estime que ça se passe comme au football. « Pendant qu’on dort sur nos lauriers, les autres s’entraînent intensément », commente-t-il avant de suggérer qu’on ne s’apitoie plus sur le sort du Cameroun à la Cemac parce que « cette affaire est un produit du néocolonialisme ».
Enseignant de relations internationales, et membre du comité central du Rdpc, Pascal Messanga Nyamding avoue pour sa part, que si les chefs d’Etat de la sous-région ont envisagé depuis 6 ans de faire roter l’exécutif de la Cemac, c’est bien parce que le Cameroun a perdu de sa superbe. Mais prévient qu’on aurait dû s’y attendre depuis que le Gabon a perdu la tête du gouvernorat de la Beac, du fait des pressions de la Guinée équatoriale. Pour lui, Paul Biya n’aurait pu rien faire sur le plan diplomatique pour préserver la position d’antan du Cameroun. Car, depuis que le principe de la rotation est acquis, il lui était difficile d’obtenir un modus vivendi de ses homologues autour d’une candidature camerounaise.
Rotation
D’autres acteurs sociopolitiques, plus abrupts sur leurs opinions, attribuent la responsabilité de cet échec historique à Antoine Ntsimi qui a offert aux 5 autres chefs d’Etat, comme sur un plateau d’argent, l’occasion d’en finir avec l’hégémonie camerounaise. « Ntsimi aurait dû faire profil bas lorsqu’il était en bisbille avec Bozizé. Au lieu de cela, il s’est fendu en vilaines déclarations sur son site web et a montré des signes d’arrogance qui ont poussé les Centrafricains à sortir du boisseau, le principe de rotation auquel personne ne pensait plus pour avoir sa tête et s’entend ,celle du Cameroun », soutient Gérard Amougou, chercheur en sciences politiques.
Et… le résultat des courses est là. C’est Moussa Pierre, proche parmi les plus proches de Denis Sassou Nguesso qui présidera aux destinées de la Commission de la Cemac durant les cinq années à venir. C’est un Gabonais (suivant l’ordre alphabétique) qui devrait l’y succéder. Parce que la Centrafrique abrite le siège de l’institution, elle n’y prétendra pas. Ainsi en ont voulu les chefs d’Etats de la Cemac. Ce, au grand dam de la diplomatie camerounaise qui n’a pas su perpétuer 46 ans de tradition. Ainsi, après avoir perdu la tête de l’Oua devenu Ua et de la Ceac; ayant toujours manqué celle de la Bad ou du parlement africain, « le Cameroun a perdu même la Cemac » pour reprendre le propos trivial d’un indigné après le coup de tonnerre de mercredi.
Rodrigue N. TONGUE
Le Cameroun, parent pauvre de la Cemac ?
http://quotidien.mutations-multimedia.com Vendredi 27 juillet 2012 09:53
L’une des attentes fortes du sommet de Brazzaville était indubitablement la reconduction ou non d’Antoine Ntsimi, accusé de malversations financières, à la tête de la Commission de la Cemac. Mercredi, les chefs d’Etat d’Afrique centrale ont tranché au terme d’un huis-clos houleux : le Congolais Pierre Moussa sera le président de cette Commission pour les cinq prochaines années pour un mandat unique, comme pour les autres responsables nommés à la tête des institutions communautaires.
Le Cameroun perd ainsi le poste-moteur de l’Organisation sous-régionale. Sur les 16 institutions communautaires de la Cemac, le pays de Paul Biya s’en tire avec le poste de secrétaire permanent au Groupe d’actions contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale, celui de directeur général de l’Agence de supervision de la sécurité aérienne en Afrique centrale (entité communautaire qui vient d’être transformée en institution spécialisée de l’Union économique de l’Afrique centrale), et un poste de secrétaire général adjoint de la Commission bancaire d’Afrique centrale.
Le Cameroun arrive loin derrière la Guinée Equatoriale qui détient les postes de gouverneur de la Beac, directeur général de l’Institut de l’Economie et des Finances (Ief-Pôle régional), président de la Commission de surveillance des marchés financiers (Cosumaf), directeur général de l’Institut sous-régional multisectoriel de technologie appliquée, de planification et d’évaluation des projets (Ista) et de vice-président de la Commission de la Cemac.
La Centrafrique, qui n’a pas pu arracher la présidence de la Commission de la Cemac au nom du principe selon lequel « le pays qui abrite le siège d’une institution communautaire ne peut prétendre occuper le poste de premier responsable de celle-ci », désignera le directeur général au Comité inter-Etats des pesticides d’Afrique centrale (Cpac), le Dg de Air Cemac, le Dg au Pôle régional de recherche appliquée au développement des systèmes agricoles d’Afrique centrale (Prasac), le Dg de l’Ecole d’hôtellerie et du Tourisme de la Cemac et le vice-président à la Bdeac.
Le Gabon garde son leadership sur la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (Bdeac) et s’adjuge les postes de directeur général de l’Ecole inter états des Douanes, de directeur général de la Communauté économique du bétail, de la viande et des ressources halieutiques (Cebevihra) et de secrétaire général de l’Organisation pour la coordination de la lutte contre les endémies en Afrique centrale (Oceac). Le Congo, qui abritera le siège d’Air Cemac, rafle les postes de président de la Commission de la Cemac et de directeur général adjoint de la Cebevihra.
Enfin, le Tchad s’en tire avec le poste de secrétaire général de la Cobac, celui de directeur général de l’Institut sous-régional de la statistique et d’économie appliquée (Issea) et celui de directeur général adjoint de l’Ista. Il est à noter que, dans cette redistribution, le Cameroun est «pénalisé» par le fait qu’il abrite le siège d’un certain nombre d’institutions communautaires, notamment ceux de l’Ecole d’hôtellerie et de Tourisme, basé à Ngaoundéré, de la Beac et de l’Issea. Il est aussi à souligner qu’après la mise à mort du «consensus de Fort Lamy» au sommet de Bangui, en 2010, les chefs d’Etat de la Cemac ont réitéré, mercredi à Brazzaville, «le principe de rotation intégrale aux postes de dirigeants des institutions communautaires avec effet immédiat» et celui d’un mandat unique. Le Cameroun peut dès lors aspirer à conduire, dans cinq ans, aux destinées des institutions communautaires dont il n’abrite pas les sièges. Les responsables désignés, comme ceux des autres Etats membres, devront « inscrire leurs actions dans le cadre de la transparence de la gestion et du renforcement de la collégialité dans la prise des décisions», ainsi que l’a rappelé Dénis Sassou-N’Guesso le 25 juillet dernier.
Intégration régionale
La CEMAC adopte des décisions majeures après son Sommet de Brazzaville
http://www.temoignages.re 28 juillet 2012
Le onzième Sommet des pays membres de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) a pris fin mercredi à Brazzaville sur l’adoption de décisions majeures susceptibles d’impulser enfin le décollage effectif de l’organisation.
La CEMAC regroupe le Cameroun, le Congo, la Centrafrique, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad qui ont le franc CFA comme monnaie.
Selon le communiqué publié à l’issue de la rencontre, le Congo a été désigné pour présider la Commission de la CEMAC, qui était jusque-là dirigée par le Camerounais Antoine Nsimi, cité dans des scandales financiers et interdit de séjour en Centrafrique, siège de l’institution.
Le communiqué final de la rencontre indique par ailleurs que la présidence de la Commission de surveillance des marchés financiers (COSUMAF) a été confiée à la Guinée équatoriale, alors que la Direction générale de la compagnie aérienne Air CEMAC a été attribuée à la Centrafrique.
Concernant la mise sur pied de cette compagnie, les chefs d’État ont « encouragé la conclusion finale des négociations avec Air France en vue d’un partenariat industriel et stratégique satisfaisant, évitant tout monopole et assurant les conditions d’une libre concurrence », selon le communiqué.
Une des décisions importantes des chefs d’État a été de « rendre effective la libre circulation des personnes par l’émission des passeports biométriques CEMAC, afin de créer véritablement un espace intégré de la zone CEMAC ».
Pour ce qui concerne le rapprochement entre la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC), basée à Libreville, et le Douala Stock Exchange, les chefs d’État ont « invité les parties prenantes au dossier de trouver rapidement des solutions tirées de l’expertise obtenue de la Banque africaine de développement (BAD) ».
A l’issue de la conférence, le président congolais, Denis Sassou Nguesso, qui dirigeait l’organisation depuis 2010, a passé le témoin à son homologue gabonais, Ali Bongo Ondimba, qui accueillera le prochain Sommet en 2013.