DECLARATION DU BUREAU POLITIQUE DU RASSEMBLEMENT
DU PEUPLE DE COTE D’IVOIRE (RPCI)
SUR LA SITUATION SOCIOPOLITIQUE NATIONALE
D’avril 1990 à Juillet 2012, soit
environ 22 ans après la proclamation formelle du retour au multipartisme, la Côte d’Ivoire peine toujours à retrouver la voie de la démocratie et de
l’Etat de droit, gage d’une paix durable.
Au cours de cette période, le refus de l’alternance démocratique par les différents
régimes qui se sont succédé au pouvoir dans notre pays a engendré de nombreux remous sociopolitiques, voire des conflits armés dont la dernière crise
post électorale, la plus meurtrière, a ruiné l’économie de notre pays, mis à mal l’unité nationale et profondément fragilisé le tissu social.
Aujourd’hui, un an après l’investiture du nouveau Président de la République et
malgré la volonté affichée du gouvernement d’aller de l’avant, force est de reconnaitre que l’enthousiasme et l’espoir légitimes suscités par ce changement sont loin de trouver un début de
justification.
A l’occasion de ce petit déjeuner de presse, notre Parti, le RPCI, dont la raison
d’être est de réconcilier le citoyen avec lui-même et avec la République, c’est-à- dire avec les principes universels d’égalité, de liberté, de solidarité, entend donner son appréciation de la
situation nationale et faire des propositions.
I- Contexte national et notre analyse
La crise postélectorale a impacté très
négativement sur les principaux leviers de notre pays, notamment la sécurité, l’économie, l’emploi, le foncier rural, la justice, l’école, la santé,
la cohésion sociale…
1. La question de la
sécurité.
Les attaques à mains armées, les braquages, les pillages de domiciles, les incursions
des mercenaires et autres miliciens, notamment à l’ouest du pays, sont autant de menaces graves contre le processus démocratique et la quiétude des
populations.
Le programme Démobilisation-Réinsertion des anciens ex-combattants semble avoir
échoué. A preuve, nombre de ces ex-combattants détiennent encore des armes de guerre avec lesquelles ils terrorisent et rackettent les populations.
2. Au plan
économique
Si, selon les spécialistes, la relance
économique semble être amorcée grâce aux réformes engagées et au retour annoncé des bailleurs de fonds, le coût de la vie reste insupportable pour
les Ivoiriens : en effet, les produits de première nécessité et de grande consommation comme le riz, le lait, le sucre, la viande etc. sont hors de portée de l’écrasante majorité des
Ivoiriens.
Les marchés sont mal approvisionnés pour plusieurs raisons : l’insécurité sur
les routes, le cout excessif du transport, les rackets. En outre, ces marchés se caractérisent par le désordre et l’indiscipline des acteurs du secteur qui échappent totalement au contrôle des
services de l’Etat. Les monopoles et les quotas gangrènent le milieu et ont une répercussion désastreuse sur le consommateur.
Aussi faut-il le rappeler, les salaires des fonctionnaires sont bloqués depuis plus
de 20 ans ; en conséquence, les salaires de base sont devenus dérisoires et le pouvoir d’achat complètement étriqué. Or, à cause du chômage et de la paupérisation généralisée des
populations, tout travailleur ivoirien, du privé comme du public, a à sa charge plus de 20 personnes.
Par ailleurs, au plan macroéconomique, la Côte d’Ivoire serait à une croissance de
8%.
Le RPCI constate que les effets conjugués de ces équilibres macroéconomiques tardent
à se faire sentir sur le marché.
3. La question
du foncier rural
Les problèmes liés au foncier rural ne datent pas d’aujourd’hui. Ils se posaient déjà
sur l’ensemble du territoire national ; ce qui a motivé la loi de 1998.
Toutefois, on doit reconnaitre qu’après la crise, des paramètres nouveaux s’y sont
ajoutés, le désordre a prospéré et les problèmes se sont exacerbés. Dans l’Ouest du pays, les conflits se trouvent aggravés du fait de l’occupation abusive des terres par des ex-combattants
étrangers qui se payent ainsi leur participation à la guerre. De même, dans d’autres régions, et particulièrement dans le Sud-ouest et dans le Nord, des ressortissants de pays voisins, profitant
du désordre, vont jusqu’à éliminer physiquement des paysans ivoiriens pour s’approprier leurs exploitations.
A tout cela s’ajoute le délicat problème de la vente illicite des terres à des tiers
par des autochtones ; ce qui complique davantage la gestion de la question du foncier rural.
4. La réconciliation nationale,
La réconciliation des Ivoiriens est une question essentielle pour le
devenir de la Côte d’ivoire. C’est pourquoi la mise en place de la Commission Dialogue, Vérité et
Réconciliation(CDVR) a suscité beaucoup d’espoir. Malheureusement, cette réconciliation tarde à venir parce que la Commission piétine faute de
méthode appropriée pendant que le Gouvernement tergiverse.
Et pourtant les velléités de belligérance persistent et les discours guerriers, de
part et d’autre, refont surface.
5. La justice et
l’impunité
L’institution judiciaire en Côte d’ivoire n’inspire confiance ni aux populations, ni
aux investisseurs. Notre justice est taxée de corrompue et d’inique. Elle doit être un instrument de la réconciliation nationale que tous les Ivoiriens appellent de leurs vœux. Pour ce faire, il
est impérieux qu’elle opère sa mue et fasse de la lutte contre l’impunité, son cheval de bataille.
Or, la réforme annoncée de cette
justice tarde à se faire.
6. L’enracinement de la
démocratie
Il faut consolider les acquis démocratiques et les renforcer ; cela passe
par :
· La révision de la
constitution qui contient des éléments confligènes ;
· Un découpage
électoral consensuel ;
· La recomposition de
la Commission Electorale Indépendante pour tenir compte du nouveau contexte ;
· La définition d’un
statut de l’opposition ;
· Le financement des
partis politiques sur la base des critères consensuellement arrêtés
Tous ces problèmes bien qu’abordés par le Conclave de Grand Bassam, restent encore au
stade de projet.
Comme nous le constatons, les problèmes sont nombreux qui assaillent les Ivoiriens au
quotidien. Ils ne sont pas insurmontables. Le RPCI considère qu’avec une réelle volonté politique, ces problèmes peuvent se résoudre ; dans cette perspective, voici quelques propositions du
RPCI pour aider au retour définitif de la paix afin d’entamer la reconstruction du pays.
II- Nos propositions
1. Sur la sécurité.
Pour le RPCI, l’armée nationale doit:
· Etre un facteur et
un élément de la cohésion nationale ;
· se muer en une
véritable armée républicaine qui protège toutes les populations sur l’ensemble du territoire
national et en qui tous les citoyens, sans exclusive, doivent se
reconnaitre.
C’est pourquoi, le gouvernement devra s’atteler à:
· Instaurer la discipline au sein de nos forces armées ;
· former urgemment
nos forces de défense et de sécurité afin d’y annihiler toute mentalité ethnocentrique ou régionaliste ;
· Les doter de moyens
logistiques modernes pouvant permettre de détecter tout danger et d’intervenir, en cas de nécessité, en tout temps et en tout lieu.
· Améliorer et amplifier l’opération DDR pour encaserner tous les ex-combattants et les employer aux tâches du service civique tel qu’il existait auparavant,
notamment en recréant les camps de jeunesse pour leur donner une formation adéquate ;
· Appliquer des
critères objectifs pour la promotion au sein de l’armée ;
· Opérer une réelle
intégration au sein de nos forces de défenses et de sécurité. Le dédoublement dans les hiérarchies au niveau du commandement n’est pas de nature à favoriser cette
intégration ;
· Revenir à
l’ancienne dénomination FANCI car l’appellation FRCI est trop connotée.
Par ailleurs, indépendante depuis plus de cinquante (50) ans, la Côte d’Ivoire doit
désormais assumer sa pleine souveraineté et doit être sécurisée par son armée ainsi reformée et non par une armée étrangère. C’est pourquoi le RPCI estime que la question de la présence des bases
militaires dans notre pays, notamment la Licorne et le 43e BIMA, mérite d’être élucidée et reconsidérée.
Pour nous, les missions assignées à ces armées étrangères sont à circonscrire dans le
temps et à être spécifiquement orientées vers la formation de nos forces de défenses et de sécurité, seules, gage de la sécurité de notre nation.
2. Sur la question de la cherté de la vie
Le Gouvernement devra impérativement :
· Encourager la consommation en organisant le
marché ;
· Briser tout système de monopoles, de quotas
qui entoure les produits de grande consommation comme le riz, le sucre, le poisson, le bétail, la volaille, le lait, etc. ;
· Briser également le monopole sur tous les
matériaux qui rentrent dans la construction immobilière : sable, bois, tôle, ciment, fer ;
· Revoir à la baisse les prix des produits
énergétiques : pétrole, gaz, carburants…
· Prendre une loi contre l’enrichissement
illicite ;
· Engager rapidement une véritable politique
d’autosuffisance alimentaire ;
· Combattre la fraude en renforçant les
capacités de contrôle de la douane afin d’éviter de déverser sur notre territoire des produits avariés, prohibés et de
contrebande ;
· Combattre vigoureusement la corruption et le
racket à tous les niveaux ;
· Procéder enfin au déblocage et à la revalorisation des salaires : ceci aura l’avantage de booster la consommation.
3. Concernant le foncier rural
Le RPCI considère qu’il
faut :
· Appliquer la loi de
1998 dans sa lettre et son esprit ;
· Expulser tous les
clandestins qui se sont installés dans les forets classées, parcs et réserves ;
· Restituer à leurs
véritables propriétaires, les exploitations et les terres dont ils ont été dépossédé.
Le RPCI se félicite de l’engagement du
gouvernement à prendre à bras le corps le problème du foncier et espère que cette question trouvera urgemment une solution définitive.
4. Sur la réconciliation nationale
Le RPCI pense que le Gouvernement
doit :
· Mettre fin à la
présence anarchique et gênante des dozos et autres ex-combattants disséminés sur toute l’étendue du territoire car cela ne contribue pas à la réconciliation
nationale ;
· Instaurer un
dialogue social avec toutes les couches socio-professionnelles ;
· Mettre en place un
véritable code de la laïcité pour régir, de manière stricte et transparente, la problématique de la laïcité dans notre pays ;
· Gérer les affaires de l’Etat avec
impartialité, justice et équité en évitant toute tendance au népotisme, au régionalisme et tout chauvinisme de parti ;
· Lutter contre
l’impunité ;
· Promouvoir une politique de l’auto-emploi des
jeunes en créant des fonds de garantie logés dans des banques afin de leurs permettre de bénéficier de prêts ;
· Rendre opérationnelles les structures
d’encadrement existant pour accompagner les jeunes dans la gestion de leurs projets.
Le RPCI se félicite de la création d’une Commission Dialogue,
Vérité et réconciliation(CDVR). Toutefois, il regrette que la CDVR ne communique pas assez au point de donner l’impression qu’elle piétine.
5. La question de l’impunité
Elle est antinomique à la culture de la démocratie, notamment les droits de l’homme
et la bonne gouvernance. Or, depuis plus de dix(10) ans, l’impunité reste de mise dans notre pays.
Il faut absolument y mettre fin tant à l’aide d’une justice nationale
qu’internationale (La CPI), mais impartiale et équitable.
Pour nous, tous les auteurs de crimes de sang ou de crimes économiques commis de part
et d’autre doivent être jugés quel que soit le camp des présumes coupables et quelle que soit leur position dans la hiérarchie sociale, militaire,
administrative et politique.
Ce combat contre l’impunité doit prendre en compte toute la période allant du 19
septembre 2002 au 11 avril 2011.
6. L’école et la santé
L’école ivoirienne est en faillite depuis longtemps. Sa revalorisation s’impose
aujourd’hui avec acuité : c’est pourquoi, l’on doit procéder, avec célérité, à une reforme profonde de notre système éducatif pour redonner à l’école ivoirienne toutes ses lettres de
noblesse.
De même, il est impérieux de revoir de fond en comble notre système de santé pour le
rendre plus performant. Dans cette optique, la question centrale du financement de la santé est à régler une bonne fois pour toute.
7. De la démocratisation véritable de notre pays
Sortis très divisés de la longue crise sociopolitique notamment la dernière crise
postélectorale, les Ivoiriens, estime le RPCI, doivent être de nouveau rassemblés sur la base des valeurs de justice, de démocratie, d’égalité et de
solidarité sans autre considération régionaliste, communautaire ou ethnocentrique .
C’est pourquoi, au moment où notre pays amorce une nouvelle phase de sa vie
politique, il faut :
· Redonner droit au
débat démocratique sur la base des sensibilités politiques et idéologiques ;
· renforcer non
seulement les acquis démocratiques, mais aussi, consolider et enraciner la culture démocratique en Côte d’Ivoire afin de mettre définitivement fin à
la situation de belligérance vécue par notre pays ces dix dernières années.
Cela passe d’abord par :
1) L’organisation
d’élections libres, transparentes, ouvertes à tous et sans conflits
2) La moralisation de la
vie publique et la bonne gouvernance : la gestion de la chose publique et du patrimoine de l’Etat doit requérir toute la rigueur nécessaire et une transparence absolue. Cela nécessite non
seulement la réalisation effective et la publication des audits promis et diligentés par le Gouvernement mais également de la transparence dans l’octroi des marchés publics.
3) L’adoption d’une
nouvelle constitution : le caractère confligène de certains articles de la constitution du 01 Aout 2000 est pour partie à la base de la crise que notre pays a connue. Il y a donc nécessité
de rédiger et adopter une nouvelle constitution dans laquelle tous les citoyens doivent se reconnaitre égaux en droits et en devoirs.
4) Le code
électoral : Il constitue l’un des acquis démocratiques majeur de notre pays. Cependant, après la crise que la Côte d’Ivoire vient de traverser, il nous semble opportun d’en revisiter le
contenu en vue d’améliorations nécessaires face aux enjeux actuels afin d’obtenir un consensus sur les règles du jeu démocratique.
5) La révision de la
composition de la Commission Electorale Indépendante pour l’adapter au nouveau contexte.
6) Le découpage
électoral : Pour le RPCI, découpage administratif n’est pas synonyme de découpage électoral qui est plutôt relatif à la cartographie électorale de notre pays. Cette cartographie qui doit
être réalisée sur des bases objectives, rationnelles et non partisanes, mérite d’être révisée pour être en adéquation avec l’évolution démographique de notre pays.
Par ailleurs, la proximité entre les élus et la population est considérée en principe
comme un critère de bonne démocratie : il est donc souhaitable d’aller vers la suppression du scrutin de listes pour les élections législatives et le concept d’arrondissements pour les
grandes métropoles comme Abidjan, Bouaké, Daloa etc.
7) Le financement des
partis politiques : Ce financement, conformément à la loi en vigueur, doit être réalisé en toute transparence et avec rigueur. Il ne doit aucunement apparaitre comme une faveur du
gouvernement quel qu’il soit.
Notre Parti propose à cet effet une réécriture de la loi portant financement des
partis politiques, en vue de l’adapter au contexte actuel.
8) Le financement de
l’élection présidentielle : Cette question est primordiale pour une démocratie véritable. Le principe de base est de donner une égalité de chance à tous les candidats retenus par le conseil
constitutionnel. Ce financement doit être strictement réglementé pour éviter notamment l’utilisation des moyens de l’Etat par tout candidat. C’est tout le sens du suffrage universel direct qui ne
doit en aucun cas se transformer en un suffrage censitaire.
9) L’utilisation des
medias d’Etat et de service publics : elle doit être démocratiquement organisée dans le souci d’un égal accès. A cet égard le RPCI propose la règle des trois
tiers :
· un tiers de temps
consacré aux activités gouvernementales ;
· un tiers de temps
consacré à la majorité présidentielle ;
· un tiers de temps
consacré à l’opposition.
10)
La réaffirmation de la liberté de la presse et la responsabilisation des journalistes : à cet effet, il
convient de mettre en place un fonds de soutien pour la formation des journalistes.
Le RPCI reste convaincu que les problèmes que connaît notre pays ne sont pas
sans solutions et qu’avec une volonté politique soutenue, des réponses appropriées peuvent y être apportées.
Fait à Abidjan, le 31 Juillet 2012
Pour le
RPCI
Le PRESIDENT
Professeur
BAMBA MORIFERE