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Au Tchad, des décès et des disparitions inexpliquées
dw.com
Au Tchad, depuis la répression du 20 octobre, les nombreuses disparitions inexpliquées et les découvertes de cadavres sèment la peur à travers le pays.
Au Tchad, depuis les événements tragiques du 20 octobre dernier, les découvertes de corps sans vie se multiplient en brousse, à N’Djamena et dans certaines villes des provinces du Sud.
Les organisations de défense des droits humains exigent que la vérité soit faite sur ces meurtres et disparitions.
Le cas le plus récent est celui du jeune Dionio Déoupal, arrêté le 21 octobre par les forces de l’ordre avant que ses parents ne découvrent son corps en pleine brousse à Moundou, dans le sud du Tchad.
Selon son frère cadet, Mogombaye, "le véhicule est venu avec six personnes enturbannées à bord. Elles ont tiré sur lui et cassé ses jambes avant de l'embarquer. Nous sommes allés voir les autorités qui nous ont dit qu'il est dans les locaux de l'agence nationale de sécurité. Ils nous ont dit qu’il serait en train d'être soigné."
"Exécutions extrajudiciaires"
Mogombaye Déoupal explique que le corps de son frère a finalement été retrouvé le 16 novembre. "On a seulement pu mettre ses os dans le cercueil pour l’enterrer", se souvient-il.
La semaine dernière, quatre corps sans vie ont été ont été découverts dans des circonstances similaires, dont deux à Moundou et à N’Djamena.
Pour l’avocat Salomon Nodjitoloum, le président de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture au Tchad, la situation est très grave.
Pour lui, "ce sont des exécutions extrajudiciaires et cela doit interpeller l'opinion nationale et internationale. Le Tchad fait partie des Etats de droit. Si une personne a commis une faute en manifestant pacifiquement, il s'agit de le traduire devant les juridictions et de le condamner conformément à la loi. Mais arrêter les jeunes et les exécuter, c'est une violation des droits de l’homme très grave."
La répression des manifestations le 20 octobre dernier auraient fait au moins 50 morts
Le gouvernement veut des preuves
Face à ces accusations, considérées comme "très graves" par le gouvernement, le ministre de la Justice demande d’apporter les preuves de ces crimes.
"Si quelqu'un a une liste nominative avec des identités précises et l'endroit où il a été de manière extrajudiciaire, mais qu'il dépose plainte. Qu'il apporte la preuve, la justice travaille avec les preuves donc s’il y a des preuves nous sommes preneurs", assure le ministre tchadien de la Justice, Mahamat Ahmat Alhabo.
Jusqu’à ce jour, une centaine de familles sont sans nouvelles de leurs enfants ou de leurs parents arrêtés ou enlevés à leur domicile à la suite des manifestations du 20 octobre dernier.
Tchad: les opposants se sentent « traqués» un mois après les manifestations sanglantes
AFP Publié le 23 novembre 2022
« Les gens sont traumatisés. La traque continue. Ils ont peur de passer devant les Transformateurs, peur d'être interpellés», assure Gabin, 30 ans, militant du parti qui se cache depuis quatre semaines
Dans un rapport du 4 novembre, des experts mandatés par l'ONU estimaient qu'entre 50 et 150 personnes ont été tuées, 150 à 184 autres ont « disparu», 1 369 arrêtées et 600 à 1 100 « déportées» à Koro Toro
N'DJAMENA: Certains jettent des regards inquiets en passant devant le siège abandonné du parti les Transformateurs, dans le quartier d'Abena, épicentre à N'Djamena des manifestations réprimées dans le sang au Tchad il y a près d'un mois.
Le jeune président du mouvement, Succès Masra, assure à l'AFP avoir été "contraint" de fuir son pays le 1er novembre. Il est le plus virulent des opposants au général Mahamat Idriss Déby Itno, comme auparavant à son père Idriss Déby Itno auquel il a succédé à la tête d'une junte militaire en 2021, quand le chef de l'Etat a été tué par des rebelles.
"Les gens sont traumatisés. La traque continue. Ils ont peur de passer devant les Transformateurs, peur d'être interpellés", assure Gabin, 30 ans, militant du parti qui se cache depuis quatre semaines.
Les portes ont été cadenassées par les voisins pour éviter les intrusions mais les fenêtres brisées rappellent les violences du 20 octobre.
Ce jour-là, une cinquantaine de personnes ont péri, officiellement, essentiellement de jeunes manifestants sous les balles des policiers et soldats. Bien davantage, selon l'opposition et des ONG.
Les Transformateurs et la plateforme de l'opposition Wakit Tamma voulaient protester contre la prolongation de deux ans de Mahamat Déby à la présidence, décrétée sur recommandation d'un dialogue de réconciliation nationale qu'ils avaient boycotté.
Un an et demi plus tôt, le 20 avril 2021, l'armée annonçait la mort au front du maréchal Déby, qui dirigeait le Tchad depuis 30 ans d'une main de fer, et proclamait son jeune fils de 37 ans chef de l'Etat à la tête d'une junte de 15 généraux. Tout en promettant de remettre le pouvoir aux civils par des élections après une transition de 18 mois.
A l'aube du 20 octobre, les pneus brûlaient et les premiers tirs visant les manifestants retentissaient, en prélude à une journée d'enfer à N'Djamena et au moins trois autres villes de ce vaste pays d'Afrique centrale.
Rafles
Quelques traces des affrontements sont encore visibles dans Abena: pneus brûlés, édifices saccagés ou incendiés. Mais globalement, la vie a repris son cours normal même si la peur des arrestations ou de nouveaux affrontements reste palpable. Boutiques, débits de boisson et salons de coiffure sont fréquentés plus timidement que d'ordinaire, et chacun se hâte vers son domicile à l'approche du couvre-feu de 22h00, décrété le 20 octobre.
Le soir des manifestations, des soldats ont pénétré au QG des Transformateurs, selon Succès Masra. "Ils venaient me chercher mais, comme je ne m'y trouvais pas, ils ont arrêté 27 membres de mon équipe", raconte l'opposant au téléphone à l'AFP depuis un pays inconnu. Il assure que 23 ont, depuis, été "assassinés", concluant: "la chasse à l'homme se poursuit dans tout le pays".
"Comme tous nos militants, je suis entré en clandestinité", explique aussi à l'AFP Max Loalngar, leader de Wakit Tamma, au téléphone quelque part dans le pays. "Depuis le 20 octobre, les forces de l'ordre passent de maison en maison, ils prennent n'importe qui", assure-t-il. "Chaque matin, on repêche des corps" dans le fleuve Chari "et d'autres sont enterrés dans le désert", lâche l'opposant, en écho à des témoignages, non authentifiés, sur les réseaux sociaux.
«Exécutions extrajudiciaires»
Aujourd'hui, l'opposition, des ONG internationales, des experts de l'ONU et des responsables de l'Union africaine (UA) accusent le pouvoir de continuer à traquer les opposants. Transformateurs et Wakit Tamma assurent que 1.500 à 2.000 personnes ont été arrêtées depuis le 20 octobre et dénoncent des "exécutions extrajudiciaires".
"Qu'ils déposent une plainte et qu'ils en apportent la preuve", a rétorqué vendredi le ministre de la Justice, Mahamat Ahmat Alhabo, ne reconnaissant que l'arrestation de 621 personnes, dont 83 mineurs, transférées à la prison de haute sécurité de Koro Toro, en plein désert, en attente de passer devant des juges pour notamment pour "tentative d'insurrection", selon les mots mêmes du général Déby.
L'UA et l'Union européenne (UE) avaient "condamné fermement" une répression disproportionnée et les "graves atteintes aux libertés d'expression et de manifestation".
"Ils sont venus chez moi pour m'interpeller", raconte Gabin à l'AFP. Six de ses voisins ont été arrêtés, ajoute-t-il.
"Les policiers ont saisi nos numéros de téléphone au siège des Transformateurs, ils nous appellent en se faisant passer pour une agence de voyage et nous tendent des pièges", assure à l'AFP un militant anonyme.
Le frère de Nouba Nadjilem a été interpellé dans la capitale le 20 octobre. L'adolescent de 15 ans "allait juste chercher du sucre", se lamente sa soeur, "sans nouvelles" de lui depuis.
Le neveu de Marie-Thérèse, 50 ans, a été pris le lendemain "devant la maison, avec certains camarades". "Je n'ai plus de nouvelles", se désespère cette femme de ménage.
Dans un rapport du 4 novembre, des experts mandatés par l'ONU estimaient qu'entre 50 et 150 personnes ont été tuées, 150 à 184 autres ont "disparu", 1 369 arrêtées et 600 à 1 100 "déportées" à Koro Toro.
Vendredi, le président de la Commission de l'Union africaine, le Tchadien Moussa Faki, a dénoncé dans un rapport une "répression sanglante" et des cas signalés de "tortures, exécutions extrajudiciaires et enlèvements de plusieurs civils".
Résurgence de Boko Haram et l'ISWAP dans la région du lac Tchad
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Analyse de la situation dans la région du lac Tchad, repaire de groupes djihadistes. Une attaque a fait plusieurs morts dans les rangs des militaires tchadiens.
Aux confins du Tchad, du Niger, du Cameroun et du Nigeria, le lac Tchad est une vaste étendue d'eau et de marécages parsemés de centaines d'îlots. Certains de ces îlots servent de repaires à des groupes très mobiles de Boko Haram et à l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest, l'ISWAP. Dans cette zone, le paysage ne permet pas de déplacer des blindés et des équipements lourds. Les djihadistes s'attaquent donc régulièrement aux armées et aux civils.
Pour l'attaque de mardi, les djihadistes ont opéré en plein milieu de la nuit et visé une unité de l'armée "dépêchée en éclaireuse pour installer un poste avancé dans l'île de Bouka-Toullorom", près de Ngouboua. C'est ce qu'explique dans un communiqué le porte-parole de la présidence tchadienne, Brah Mahamat. "Il y a eu une dizaine de morts et des blessés, tous des éléments des forces de défense", a-t-il précisé à l'AFP, imputant l'attaque à "Boko Haram".
Ce nouvel assaut survient dix jours après une tournée dans la zone du président, le général Mahamat Idriss Déby Itno, qui y avait proclamé publiquement, non loin des lieux de l'attaque, que les jihadistes "aujourd'hui" n'avaient "plus la force de s'attaquer aux casernes" et ciblaient désormais "la population et ses biens". Alors que des opérations militaires sont souvent conduites pour venir à bout de ces djihadistes, l'ampleur de cette nouvelle attaque soulève une fois encore la question de leur capacité de nuisance.
Il est chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, et a travaillé sur le mouvement djihadiste Boko Haram.