Bangui, 09 Janvier 2012 - 19:21 - Jean-Jacques Demafouth, opposant centrafricain et chef d'une ancienne
rébellion, gardé à vue depuis vendredi et accusé de tentative de déstabilisation, n'a pas pu rencontrer son avocat "pour des raisons de sécurité", apprend on lundi soir
auprès de ce dernier.
"... on m'a dit que je ne pouvais pas le voir, pour raisons de sécurité", a affirmé à l'AFP Me
Mathias Barthélémy Morouba. Selon lui le Consul de France à Bangui aurait rencontré le détenu.
Demafouth, selon l'avocat, aurait "été auditionné le premier jour, et il était question d'après les
responsables de la SRI (Section recherches et investigations de la gendarmerie), que le chef de l'Etat prenne connaissance des auditions. Mais lundi M. Demafouth se trouvait encore à la
SRI", a-t-il dit.
Selon une source proche du parquet vendredi, "M. Demafouth et plusieurs autres personnes se sont engagés dans la
voie de la déstabilisation du pays à travers une coalition de la rébellion".
"On m'accuse de vouloir prendre la tête d'une fusion de trois autres rébellions: la CPJP (Convention des patriotes
pour la justice et la paix), l'UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement) et le MLCJ (Mouvement des libérateurs centrafricains pour la Justice), mais je n'ai rien à voir avec
ça", avait déclaré à l'AFP vendredi M. Demafouth joint au téléphone après son arrestation. Aucun appel n'a pu depuis être établi avec lui.
Cinquième de la présidentielle de 2011 avec 2,79% des voix, M. Demafouth, avait accepté de prendre en 2008 la tête de l'APRD
(Armée populaire pour la restauration de la démocratie) dans un processus qui a conduit à la signature d'un accord entre la plupart de mouvements rebelles et le pouvoir. Il est à ce titre
vice-président du Comité de pilotage du programme Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) des anciennes rébellions, processus en cours.
L'APRD, le MLCJ et l'UFDR avaient adhéré à l'accord de paix de Libreville en 2008. La CPJP avait signé un cessez-le-feu avec les
autorités de Bangui en juin, sans pour autant intégrer l'accord global de paix de Libreville de 2008.
© AFP
Centrafrique : relations tumultueuses entre le président Bozizé et l’ancien ministre Demafouth
Par RFI mardi 10 janvier 2012
L'ancien ministre centrafricain de la Défense, Jean-Jacques Demafouth, chef de file des ex-rebelles de l'Armée
populaire pour la restauration de la démocratie (APRD), un groupe présent dans le nord-ouest du pays, est toujours en garde à vue. Il a été interpellé vendredi dernier pour «
tentative de déstabilisation ».
Jean-Jacques Demafouth et François Bozizé se connaissent bien, même très bien. En 1982, quand
Ange-Félix Patassé et François Bozizé tentent ce que l'on a appelé le « coup d'Etat radiophonique » contre le président
Kolingba, Jean-Jacques Demafouth qui était à l'époque très jeune se retrouve avec le général Mbaïkoua à fuir les représailles. Les deux hommes,
Bozizé et Demafouth, se retrouvent, ensemble, en exil au Tchad puis au Bénin.
La méfiance entre Jean-Jacques Demafouth et François Bozizé remonte au début des années 1980,
quand les deux hommes se retrouvent en exil au Bénin. Nommé chef d'état-major du président Patassé en 1999, François Bozizé n'a jamais supporté que Jean-Jacques
Démafouth, son cadet, devienne ministre de la Défense d'autant que ce dernier accuse Bozizé publiquement d'avoir détourné les primes d'alimentation des soldats.
Pire : au début 2001, selon plusieurs témoins, lors d'une réunion à la résidence du président Patassé,
Demafouth et Bozizé s'accusent mutuellement de préparer un coup d'Etat. Après le putsch manqué du 28 mai 2001, le président Patassé va accuser, tour à
tour, Jean-Jacques Demafouth et François Bozizé d'avoir fomenté le coup, chacun pour son propre son compte.
Puis le général Bozizé arrive au pouvoir en 2003. Depuis cette date, la méfiance est toujours de mise entre les
deux hommes. La rancune tenace. Quand l'ancien ministre de la Défense prend la tête de l'APRD, un groupe rebelle actif dans le nord-ouest du pays, espérant sans doute devenir Premier ministre, le
président Bozizé y voit une preuve supplémentaire des ambitions et des manœuvres de son rival.
Est-ce qu'aujourd'hui Jean-Jacques Demafouth est victime d'un règlement de comptes ou bien est-ce que ses
velléités de renverser le régime de Bangui sont bien réelles ? A la justice de trancher.
Arrestation de Demafouth, l’opposition monte au créneau
Radio Ndéké Luka Mardi, 10 Janvier 2012 13:38
« Le gouvernement centrafricain est entrain de distraire sa population sur les vrais problèmes sécuritaires de
son pays, notamment la présence du général tchadien Baba Ladé et celle de Joseph Koni, chef de file de l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA) sur son territoire. Il doit respecter les lois de
son pays dans la procédure d’une arrestation ».
C’est la substance des réactions de l’opposition politique et militaire, diffusées ce 10 janvier 2012 sur les ondes de Radio
Ndeke Luka. Des réactions relatives à l’arrestation de l’ancien ministre de la défense et chef de l’ex-rébellion de l’Armée Populaire pour la Restauration de la Démocratie (APRD),
Jean-Jacques Demafouth.
Selon Martin Ziguélé du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC), « le pays fait face
à des criminels que sont Baba Ladé et Joseph Koni qui continuent de piller tuer la paisible population. Nous ne voulons pas que notre pays souffre toujours de « spectacle », il faut que la
justice fasse son travail car, nulle n’est au-dessus de la loi. Le droit de la défense doit être respecté et que cette justice fasse son travail en toute indépendance dans cette affaire
».
De son côté, le porte-parole de l’APRD Tchebo Wafio Henry Abdel Nour indique que « son mouvement se retire
provisoirement du processus du Désarmement Démobilisation et Réinsertion (DDR) jusqu’à la libération de leur chef de file. Nous nous rendons compte que le gouvernement est entrain de violer les
accords de paix que nous avions conclus depuis 2008 à Libreville au Gabon. Jean-Jacques Demafouth a toujours été un acteur de la paix, toutefois, le pouvoir de Bangui lui manque
une reconnaissance ».
Cette arrestation fait aussi couler de l’encre et de la salive au niveau de la Convention des Patriotes pour la Justice et la
Paix (CPJP). Son leader politique Mahamat Zakaria déclare que « lorsque son mouvement est impliqué dans une telle situation comme le pense le gouvernement, cela crée
un désarroi au sein de la troupe. Une troupe, en vertu des idéaux de la CPJP restée fidele à l’accord de cessez-le-feu de juin 2011, pour une paix durable. La CPJP n’est nullement impliquée dans
une quelconque action de déstabilisation du régime de l’actuel président centrafricain François Bozizé ».
Pour la défense de Jean-Jacques Demafouth par la voix de maitre Mathias Mourouba,
l’arrestation de son client a été « une désagréable surprise basée sur des fiches mensongères. Des fiches montées de toute pièce par des ennemis de la paix, pour empêcher la quiétude
sociale ».
L’autre acte dénoncé par la défense de Demafouth est « la perquisition du domicile de son client en
pleine nuit. Aucun texte juridique ne prévoit une telle action », souligne-t-il.
Faisant allusion à l’arrestation du député de Birao II, Gontran Djono-Ahaba, Maitre Mourouba
affirme que celle-ci a été faite « en violation de toutes les lois du pays ».
Jean-Jacques Demafouth a été arrêté le 6 janvier 2012, à la Section de Recherche et d’Investigation (SRI) à
Bangui. Une arrestation qui a concerné aussi les leaders de l’Union des Forces Démocratique pour le Rassemblement (UFDR), Gontran Djono-Ahaba député de Birao II et
Mahamath Abrass, député sortant de cette même ville. Ils sont accusés pour tentative de destitution du pouvoir de Bangui. Une accusation réfutée par ces derniers. Les familles
des 2 autres prévenus ont affirmé mardi avoir perdu tout contact avec leurs chers.